E-dialogue social : phénomène conjoncturel ou nouvelles pratiques durables ?

Couverture étude E-dialogue social

L’étude du e-dialogue social proposée par l’Observatoire du dialogue social de la Fondation Jean-Jaurès revient sur le fonctionnement du dialogue social depuis le confinement de mars 2020. L’objectif est de comprendre comment le dialogue social d’entreprise s’est adapté à ce contexte particulier. À cela s’ajoutent des questions sur les perceptions que se font les représentants et les directions sur le dialogue social à distance. Le rapport cherche à comprendre et anticiper les différents enjeux de la numérisation du dialogue social.

Synthèse et résultats

L’enquête repose sur un triple matériau :

  • une enquête en ligne, pour une vision large de l’avis des représentants des salariés et des équipes de directions (122 réponses) ;
  • sept monographies d’établissements qui ont donné lieu à des entretiens approfondis avec des représentants des salariés et des équipes de direction ;
  • cinq entretiens avec des « grands témoins ».

Le e-dialogue social peut être assimilé à une « expérimentation à marche forcée ». Le dialogue social n’a pas bénéficié d’une définition antérieure, contrairement au télétravail pour lequel les grands principes étaient fixés par différents accords nationaux interprofessionnels. Élus et directions ont dû adapter leurs pratiques en fonction de leurs besoins et au gré des réunions afin de trouver la formule qui leur correspondait le plus. Cela débouche donc sur une multitude de pratiques du dialogue social connecté (100% distanciel, hybride, appel téléphonique, présentiel, conférence téléphonique…).

Le e-dialogue social est un fait nouveau. Il faut noter que les différents acteurs du dialogue social se sont adaptés aux contraintes sanitaires afin de continuer à faire vivre la démocratie sociale. Néanmoins, ce nouveau mode de fonctionnement entraîne une modification des rapports entre les salariés, leurs représentants et les équipes de directions.

La morphologie des réunions a profondément changé : d’une réunion « à corps présents », on passe à des réunions virtuelles où la présence physique de tous les participants n’est plus obligatoire. Les réunions sont le lieu où représentants des salariés et direction mettent en scène leurs postures et incarnent leurs propos. Le numérique vient reconfigurer cet espace et les interactions ne peuvent plus être les mêmes (impossibilité de parler en même temps, visage visible seulement quand la caméra fonctionne, moindre qualité sonore, protagonistes coupés du collectif…). Ces modifications influencent la qualité perçue du dialogue social.

Le e-dialogue social a été efficace pour répondre à la crise sanitaire : facilité pour se réunir, efficacité des réunions, continuité du dialogue social. Néanmoins, cette nouvelle modalité ne semble pas se substituer totalement à la forme historique du dialogue social.Une articulation entre réunions en présentiel et en distanciel semble la voie la plus probable.

Une autre dimension du dialogue social est la dimension communicationnelle : toutes les interactions qui se passent en dehors des réunions, mais qui sont nécessaires pour faciliter le dialogue et la connaissance du terrain. Les relations entre salariés, représentants et direction peuvent avoir subi des modifications. On remarque l’émergence de réunions restreintes (« cercles rapprochés ») en amont des réunions. Parfois, certains contacts sont plus difficiles à avoir d’autant plus que dans certaines entreprises la notion de« proximité » a été remise en cause avec les différentes réformes du Code du travail. Pendant la crise, les représentants des salariés et les directions ont déployé de nouveaux moyens afin de se rapprocher autant que possible des salariés et se tenir informé des problématiques de terrain. 

De nombreuses questions restent en suspens et méritent de donner lieu à une réflexion car elles sont déterminantes dans ce que peut être le « dialogue social de demain ».

Les modalités qu’a pu prendre le dialogue social pendant la crise sanitaire lui sont spécifiques. Il sera donc nécessaire d’ouvrir une réflexion dans les entreprises pour déterminer la place que va devoir prendre le dialogue social numérique. 

La qualité du dialogue social numérique repose sur les relations préexistantes. Qu’en est-il des entreprises où le dialogue social est dégradé ?

Le numérique permet plus d’horizontalité dans l’organisation. Le numérique et la crise vont-ils favoriser une plus grande horizontalité dans les entreprises et les organisations syndicales ? Le formalisme institutionnel va-t-il perdurer ? Quid du risque de contournement des instances représentatives du personnel(IRP) et de la démocratie sociale qui peut-être favorisée par le numérique ? 

La question du collectif est centrale. Comment créer un corps social quand les interactions se font par le numérique ? Quelles formes peuvent prendre les luttes sociales dans un environnement digital ? Quel impact le dialogue social numérique a-t-il sur les inégalités de genre ? Sur la mobilisation des femmes dans le dialogue social ? Quel est l’impact écologique de l’e-dialogue social ? Quel est le potentiel du numérique pour préserver l’environnement ? Comment éviter une forme d’instrumentalisation du dialogue social numérique dans les politiques de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) des entreprises ?

Table des matières

Synthèse

Avant-propos, Jean Grosset

Méthodologie de l’étude 
La collecte du matériau
L’échantillon
Mais qu’est-ce que le e-dialogue social ?

Le e-dialogue social, une expérimentation à marche forcée
« Le monde d’avant » : une utilisation du numérique limitée
Peu d’expériences antérieures du dialogue social connecté : une mini-révolution 
Mise en place du distanciel : face à l’urgence, l’adaptation 

Le e-dialogue social, quels changements par rapport  à la « forme normale » du dialogue social ?
Différentes utilisations des outils numériques pour les réunions
La « scène » du numérique : les perceptions des réunions changent
Retour sur la qualité perçue du e-dialogue social 
Ce que les acteurs envisagent pour le e-dialogue social

Un laboratoire pour repenser le rôle et les pratiques des acteurs
Une expérience dans des contextes particuliers
Le e-dialogue social questionne la notion de « proximité »
Les relations entre acteurs questionnées

E-dialogue social : le regard de nos grands témoins
Jean-Denis Combrexelle, ancien président de la section sociale du Conseil d’État (2014-2018)
Philippe Portier, secrétaire national de la CFDT
Florence Dodin, secrétaire nationale de l’UNSA
Hubert Mongon, délégué général de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM)
Benjamin Maurice, direction générale du travail

Conclusion : éléments prospectifs


Les auteurs :
L’étude sur le e-dialogue social est une production de l’Observatoire du dialogue social de la Fondation Jean-Jaurès. Cette étude a été conduite par un groupe de travail réunissant des profils variés : syndicaliste, DRH, chercheur, expert, avocat…
Le groupe de travail était constitué de : Pascal Priou (coordinateur), Bénédicte Le Deley, Dominique Gilier, Florence Dodin, Jean-Pierre Yonnet, Étienne Colin, Alain Olive, Nicolas Favarque, Djamel Messaoudi, assistés pour la réalisation et la rédaction de l’étude par Lucas Fabre, étudiant M2 – Analyse du travail et de l’emploi soutenable (université de Lille) et stagiaire du groupe ORSEU, et Mathilde Aubry, étudiante M2 –Journalisme culturel (La Sorbonne Nouvelle – Paris III).

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