Après la dénonciation de l’accord de 2015 sur le programme nucléaire iranien, Donald Trump va imposer des droits de douane supplémentaires et déclencher une guerre commerciale. Quels enjeux cette décision soulève-t-elle pour les relations commerciales avec l’Europe ? Denis Tersen, membre de l’Observatoire de l’économie de la Fondation, apporte son éclairage.
Le président français et la chancelière allemande reviennent tous deux de Washington. Il s’agissait de convaincre le président américain de donner une chance à l’accord nucléaire signé entre l’Iran et son prédécesseur et ses trois principaux alliés européens Allemagne, France, Royaume-Uni. Le verdict est tombé le 8 mai. C’est non ! L’objectif était également commercial. Emmanuel Macron et Angela Merkel ont réaffirmé les positions européennes de primat du multilatéralisme et de refus du protectionnisme, au cas d’espèce des droits de douane supplémentaires sur l’acier et l’aluminium promis depuis mars, ils n’ont pas réellement négocié avec le président américain. Côté européen, ce pouvoir relève, il est vrai, d’abord de la Commission, et les États membres, orgueil mis à part, n’ont pas trop intérêt à jouer des cartes individuelles. Mais, plus fondamentalement, ils savent qu’ils ont peu de prise sur un interlocuteur qui a choisi ici aussi de rester imprévisible et prétend bouleverser le système mis en place il y a vingt-ans ans. À leur retour, ils ont appris que l’Europe avait gagné un nouveau sursis de trente jours. Mais que vaut ce délai ? Après s’être désengagé de l’accord de Paris sur le climat, puis de celui sur le nucléaire iranien, le commerce n’est-il pas une cible de choix pour l’occupant de la Maison Blanche ?
Le grand perturbateur
Le grand perturbateur du commerce mondial est donc arrivé. Avec la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994 lors de la conférence de Marrakech, la mondialisation s’était « installée ». Les crises de grande ampleur étaient financières, pas commerciales. Sur ce plan, les tensions entre partenaires étaient régulées et donc contenues par l’OMC et son système quasi-juridictionnel de règlement des différends. La Chine était admise dans l’organisation et si elle bouleversait les rapports de force en matière de commerce, l’OMC assurait ici aussi une régulation minimale. Comme elle ne progressait plus à Genève dans une organisation fonctionnant sur le régime du consensus, donc à la mode onusienne, ou de manière « moyenâgeuse » pour reprendre l’expression de Pascal Lamy son directeur général de 2005 à 2013, la libéralisation des échanges, et sa régulation sur un tempo plus mineur, empruntaient la voie des accords de libre-échange bilatéraux et régionaux, aux champs de plus en plus extensifs et intrusifs, bien au-delà du commerce. Les peuples le vivaient plus ou moins bien, les « émergents » plutôt bien, ceux des pays les plus anciennement industrialisés moins bien, en tout cas lorsqu’ils ne trouvaient par leur place dans la nouvelle distribution de la production et du partage des richesses. Pour la planète, c’était plus compliqué malgré des appels et des tentatives timides pour réorienter le mouvement d’intégration économique dans un sens favorable au développement durable.
Et puis Donald Trump vint. Sitôt arrivé au pouvoir et dans la foulée d’une campagne électorale à la tonalité clairement protectionniste, il se retirait de l’accord de partenariat transpacifique, pourtant conçu par son prédécesseur pour contenir l’ascension chinoise en créant une zone économique pacifique intégrée hors Chine, avec des règles plus strictes que celles de l’OMC en matière de lutte antisubventions, de définition des entreprises d’État et de protection de la protection intellectuelle. Il annonçait dans le même temps la renégociation de l’ALENA, l’accord de libre-échange réunissant États-Unis, Mexique et Canada depuis 1994. Puis plus rien ou presque, pas tout-à-fait quand même avec l’utilisation de l’arsenal anti-dumping américain ou de mesures de sauvegardes notamment contre la Chine, mais pas beaucoup plus que sous l’administration Obama finalement, de quoi laisser du temps pour disserter sur le fait de savoir si le monde allait devoir affronter un « hard-Trump » ou vivre avec un « soft-Trump ».
Mars 2018 voit le retour du Trump commercialement agressif, demandant à son administration qu’elle lui donne des droits de douane et déclarant de manière péremptoire que « les guerres commerciales sont bonnes à mener et faciles à gagner ». Son administration lui en propose : droits de douane supplémentaires de 25% sur l’acier, de 10% sur l’aluminium, puis annonces directement ciblées sur la Chine de taxation aux frontières de 25% portant sur environ 50 milliards de dollars de produits importés de Chine, pour violation de droits de propriété intellectuelle et transferts forcés de technologie. Et quand les « partenaires » déclarent qu’ils vont mettre en place les compensations – des compensations pas des représailles – auxquelles les traités signés par les États-Unis leur donnent droit, le président américain menace de doubler la mise, ce qu’il a fait vis-à-vis de l’Union européenne (UE) en insistant sur les échanges asymétriques dans le domaine automobile entre l’UE (l’Allemagne) et son pays, ou plus récemment vis-à-vis de la Chine. Comme dans le même temps, les États-Unis menacent de paralyser l’OMC en refusant de renouveler les membres de l’organe d’appel du mécanisme de règlement des différends, c’est-à-dire les juges en dernier ressort des contentieux commerciaux, c’est l’ordre international libéral, mis en place progressivement pendant l’après-guerre avec une accélération avec la chute du mur de Berlin, qui vacille.
Le retour du refoulé unilatéral
Est-ce si sûr ? Les États-Unis cherchent à revenir à la situation prévalant avant la création de l’OMC, lorsqu’ils pouvaient à grands coups de mesures unilatérales forcer leurs « partenaires » commerciaux à ouvrir leurs marchés ou à défaut à restreindre leurs exportations destinées au marché américain. Les dispositifs invoqués pour imposer des droits de douane, la section 301 de la loi commerciale de 1974 pour la Chine, la section 232 d’une loi commerciale de 1962 relative à la sécurité nationale pour les mesures sur l’acier et l’aluminium, renvoient aux présidences Reagan et à celle de Bush père. La présence dans l’administration Reagan de Robert Lighthizer, aujourd’hui représentant américain pour le commerce (USTR), nourrit également cette impression de déjà-vu, de retour à la période du « commerce administré » que les partenaires des États-Unis pensaient révolue. Dans la décennie 1980 et jusqu’à milieu des années 1990, le « vilain » du commerce mondial pour les Américains (et aussi un peu pour les Européens, notamment les Français) était japonais. Le réquisitoire était presque le même : déficit commercial massif des États-Unis, déséquilibre bilatéral marqué avec le Japon, accusations de concurrence déloyale et de fermeture du marché du « partenaire » aux produits et services américains. Les temps ont changé. L’accusé numéro 1 la Chine avec son excédent de 342,8 milliards de dollars en 2017 – devant l’UE avec 151 milliards – n’est pas le Japon. Contrairement à son voisin nippon d’alors, la Chine, malgré des restrictions et des contraintes, accueille beaucoup d’entreprises américaines qui pour certaines y réalisent une grande part de leur chiffre d’affaires. Ces entreprises sont elles-mêmes à l’origine des importations chinoises massives.
C’est le cas du secteur de la distribution bien sûr, mais aussi de toutes les entreprises qui ont fragmenté leur production dans les chaînes de valeur mondiale. Apple par exemple assemble ses iPhones en Chine à partir de composants dont 90% sont « sourcés » hors des États-Unis. Couper ou renchérir les lignes d’approvisionnement, c’est assurément heurter non seulement les consommateurs américains, le premier argument des tenants de la liberté des échanges, mais aussi beaucoup de secteurs industriels dont la compétitivité dépend peu ou prou de produits importés. Surtout, le Japon était sous dépendance américaine en matière de défense et ne pouvait pas rester insensible aux pressions américaines. La Chine est au contraire une puissance qui s’est affirmée et peut prétendre à terme au statut de nouvel « hegemon ». Et ce qui vaut pour le grand partenaire transpacifique peut être transposé, toutes choses égales par ailleurs, côté Atlantique avec l’UE. Les deux économies sont ici très intégrées et assez inextricables. Avec la fin du bloc soviétique, l’Europe a partiellement desserré sa dépendance sécuritaire et pourrait si elle le souhaitait assumer plus résolument ses responsabilités en la matière.
Tigre en papier…
La partie pour Donald Trump est compliquée, alors que les « cibles » se rebiffent et présentent leurs propres listes de compensations, visant particulièrement l’électorat républicain, notamment celui des États agricoles, ce qui est gênant pendant une année d’élections intermédiaires. D’où, derrière, les rodomontades et les tweets les hésitations et les pas de côté. L’acier et l’aluminium ? Des partenaires majeurs – Mexique, Canada, l’UE, l’Australie – ou d’autres sont exemptés au moins temporairement et viennent de gagner un nouveau répit. La Chine ? Des discussions sont en cours et les deux protagonistes potentiels cherchent des points d’équilibre. Le partenariat transpacifique « un des pires accords commerciaux » ? Et si finalement les États-Unis rejoignaient le club qui a continué à se structurer sans eux ? Certains en sont même à considérer qu’à rebours de son lointain prédécesseur Theodore Roosevelt qui invitait à parler doucement en portant un gros bâton, Donald Trump parle vertement mais porte un petit bâton. La seule certitude est finalement que le président américain crée de la confusion et de l’incertitude. D’ultimatum en ultimatum, il est difficile de savoir s’il passera à l’acte ou se contentera de mesures plus ou moins cosmétiques qui lui éviteront de perdre la face. Pour reprendre la formule de Sébastien Jean, directeur du CEPII, « Donald Trump est un joueur de poker mais qui pour l’instant n’a jamais terminé de partie ».
… ou idiot utile du commerce mondial ?
Que faire dès lors de Donald Trump ? Et si derrière les affirmations à l’emporte-pièce et les jugements économiques erronés et des soubassements idéologiques plus que douteux, le président américain pointait quelques difficultés réelles du commerce et de la scène économique mondiale ? Il y a d’abord des règles établies avant l’affirmation de la puissance chinoise. Elles n’ont pas vu venir une Chine qui loin de converger a créé son propre système économique, aux « caractéristiques chinoises », sources de distorsion de concurrence. Pour reprendre l’expression de Clide Prestowitz, lui aussi un vétéran des négociations anti-japonaises des administrations Reagan-Bush senior, « la Chine n’enfreint pas les règles. Elle joue un jeu différent ». Il y a la mise en cause du mécanisme de règlement des différends investisseurs-État qui permet à une entreprise à capitaux étrangers de contester une réglementation nationale en court-circuitant la justice du pays d’accueil. Même revu avec des garanties procédurales dans la proposition européenne d’« investment court system », ce mécanisme a conduit l’accord de commerce UE-Canada, le CETA, au bord de l’échec. L’administration américaine pour des raisons de souveraineté n’en veut plus dans le nouvel ALENA en cours de négociation. L’insistance sur le principe de réciprocité ne sonne pas non plus de manière totalement étrange pour une France qui, tous gouvernements confondus, en fait la promotion à Bruxelles. On pourrait également citer la question des excédents excessifs allemands, abordée indirectement par l’administration américaine ou sur un plan géopolitique l’invitation à construire pour la première fois depuis l’après-guerre une Europe « post américaine ».
L’Europe devant la guerre commerciale
La question est d’abord pour l’Union européenne. La politique commerciale, c’est en effet l’Union depuis l’origine, l’Union seule ou l’Union avec ses États membres mais de moins en moins pour ces derniers si l’on en croit la ligne de partage dressée par la Cour de justice de l’Union européenne à propos de l’accord de libre-échange UE-Singapour. Celle-ci ne laisse aux États membres que le sujet de l’investissement, qui pourrait donc être exclu des accords à venir si un ou plusieurs États membres décidaient de s’affirmer sur ce sujet.
L’enjeu est triple: institutionnel, tactique, et politique.
La dimension institutionnelle renvoie à la capacité européenne à défendre ses principes et ses intérêts dans un contexte de guerre commerciale « froide » ou « chaude ». L’Europe a été créée contre la guerre et pour lutter contre la guerre et elle a fait du commerce un principe cardinal d’action en son sein et dans ses relations avec le reste du monde, dans une vision très inspirée du livre XX de « L’Esprit des lois » et de son exaltation du « doux commerce ». Plus tard, avec les élargissements successifs est venue s’ajouter une vision idéologique plus anglo-saxonne de nature économique, rejetant par principe tout ce qui apparaît comme une restriction aux échanges, renvoyé sans discussion possible dans le champ honni du protectionnisme. La guerre commerciale, même si dans un premier temps la Commission a annoncé des mesures de compensation susceptibles d’être mises en œuvre en cas d’imposition effective de droits américains sur des produits européens, l’UE s’en défie et les libéraux de conviction ou d’intérêts se feraient entendre rapidement si la menace se précisait. Pas de guerre commerciale avec les États-Unis, pas plus avec la Chine, préviennent plus ou moins discrètement les Allemands qui avec leurs excédents automobiles craignent des réactions en chaîne.
Les annonces commerciales erratiques de l’administration américaine, couplées à un engagement au plus haut niveau politique, posent un deuxième problème institutionnel à l’Union européenne. Celle-ci a confié la politique commerciale à la Commission, une instance non politique, post-historique serait-on tenté d’écrire. Tant que l’Europe n’est pas plus intégrée, la fonction politique reste essentiellement localisée au niveau des États membres qui la délèguent avec regrets et sous contrôle au niveau européen. La Commission n’est pas donc idéalement placée pour élaborer une réponse politique avec mise en perspective géopolitique aux initiatives américaines. Face à des mouvements américains contradictoires, qu’ils soient voulus à des fins de déstabilisation des partenaires – hypothèse optimiste – ou le « produit fatal » des incohérences présidentielles et des évolutions des rapports de force au sein de son entourage, une institution procédurale comme l’UE n’est pas à son meilleur. En politique commerciale, l’UE est plus efficace dans les grandes négociations qui laissent le temps de la préparation, des inflexions incrémentales, ou dans les discussions avec des partenaires commerciaux de moindre taille, où elle peut monnayer pleinement l’accès à son marché. La guerre de mouvements, la disruption, le rapport de force avec des très grands partenaires : elle est moins à l’aise.
Quelle position adopter face à la « stratégie du fou » ?
La deuxième interrogation face à la politique commerciale est tactique. Quelle attitude adopter face à un partenaire imprévisible et qui crée de la confusion ? Une première réponse est la tétanie. Elle affleure parfois en Europe. Par avance, tout mouvement est exclu et, « mieux » encore, il est donné partiellement ou totalement raison au partenaire. Il faudrait même lui donner des gages, pourquoi pas en réanimant feu le traité de partenariat transatlantique (le TTIP selon son acronyme anglais) dans des versions très remaniées ou alors en faisant des gestes en matière de droits de douane automobiles.
Une autre attitude consiste à garder le cap face à l’alternance de bourrasques et de temps plus calmes venant de l’Atlantique Ouest. Pour l’heure, c’est celle de la Commission européenne. Le cap est d’abord multilatéral. Garder l’acquis OMC qui a permis de dépasser l’unilatéralisme américain et de réguler les conflits commerciaux par le droit. La position peut tenir un temps. Mais les Américains ici ont la main. Tout en restant au sein de l’organisation, ils peuvent conduire à sa paralysie de fait (cf. supra). L’échéance est pour la fin de l’année 2018. Après les contentieux pourront continuer à être traités par les « panels » (les juges) de première instance, mais faute de recours possible en appel, le droit ne sera plus dit « définitivement ». Il faudra alors s’interroger sur la possibilité d’une « OMC moins 1 », ce que Pascal Lamy appelle le scénario du « cowboy solitaire ». Le précédent genevois de la Société des nations n’incite pas toutefois vraiment à l’optimisme.
Cette position « maintien du cap multilatéral » s’accompagne pour la Commission d’une tentative de dépassement des blocages politiques américain et institutionnel de l’OMC, en multipliant les accords de libre-échange de « nouvelle génération » avec des partenaires plus ou moins importants : Japon, Mexique, peut-être bientôt Mercosur, demain Australie et Nouvelle-Zélande. La liste de la Commission, agréée par les États membres, paraît sans fin. Cet activisme européen permet de satisfaire les tenants en son sein du libre-commerce mais aussi d’avancer sur les thématiques normatives ou de régulations favorables aux intérêts ou aux valeurs européennes : protection des appellations géographiques en matière agricole, chapitres sociaux et environnementaux plus substantiels et plus contraignants, référence explicite à l’accord de Paris sur le climat, plus grande symétrie dans l’ouverture des marchés publics, ou même comme dans l’accord Mexique la mention pour la première fois dans un accord commercial du « bien-être animal ». Ces évolutions sont généralement positives, parfois cosmétiques et toujours incomplètes. Elles peuvent aussi être très discutables comme l’insistance mise sur le projet de cour internationale d’investissement. Surtout, ces efforts sont aujourd’hui sans effets sur les très grands partenaires de l’UE, Chine et États-Unis au premier rang.
Reste une troisième attitude possible : ne pas se cantonner à une défense du statu quo – seule la puissance dominante chinoise a intérêt aujourd’hui à son maintien – et opposer aux critiques incohérentes et régressives du système commercial international, un projet de réforme porté par l’UE, sur la base de valeurs progressistes. Ajouter en quelque sorte une perturbation saine à la perturbation inconséquente venue des États-Unis.
L’Europe doit proposer un ordre du jour commercial alternatif et progressiste
La vision trumpienne du commerce mondial doit être réduite non seulement parce qu’elle remet en cause les acquis du multilatéralisme et remet la guerre commerciale et le protectionnisme à l’ordre du jour mais aussi à cause de ses impasses sur des dimensions essentielles et nécessaires de la régulation du commerce mondial.
Le premier problème porte sur les sujets remis au premier rang par l’administration américaine. Les droits de douane, le commerce des marchandises, les industries des XIXe et XXe siècles : Donald Trump nous impose un grand retour en arrière. Ce n’est pas que ces secteurs économiques aient disparu et que les entreprises de ces secteurs et leurs salariés doivent être négligés. De la même façon que l’ère industrielle a laissé un secteur primaire important à la fois en termes économiques et humains, l’économie servicielle et de la connaissance ne supprime pas l’industrie mais elle en modifie les problématiques en profondeur. Le commerce mondial ne peut donc oublier les services qui ne semblent pas intéresser Donald Trump et ses conseillers. Il ne peut faire faire l’impasse sur les multiples enjeux du numérique (fiscalité, positions de domination, droit des données, intérêts des usagers). Il doit surtout se concentrer sur l’économie des limites et des ressources épuisables.
C’est ici que l’UE doit s’affirmer plus avant. Au principe de libre-commerce, elle doit opposer le primat de l’échange soutenable. Elle peut s’appuyer sur le texte instituant l’OMC qui fait du commerce un moyen devant « être orienté vers le relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein-emploi […] et l’accroissement de la production et du commerce de marchandises et de services, tout en permettant l’utilisation optimale des ressources mondiales conformément à l’objectif de développement durable, en vue […] de protéger et préserver l’environnement ». Il convient de le réinterpréter et de le confirmer au regard de l’impératif climatique. Les propositions en ce sens sont nombreuses : validation des nouvelles mesures de libéralisation des échanges au regard de l’impératif climat, avancées simultanées sur tous les enjeux de régulation – commerce, fiscalité, normes sociales et environnementales, abandon des mécanismes de règlement des différends investisseurs-État au profit d’alternatives respectueuses de la démocratie, ajouts de champs de coopération pour le développement durable aux côtés de l’extension du domaine de la concurrence commerciale.
Ces avancées permettraient de circonscrire au moins pour partie les distorsions de concurrence chinoise, insuffisamment certes, et les autres instruments de politique commerciale resteront de mise. Mais elles permettraient de déplacer le champ du dialogue actuel avec la Chine qui conduit à une impasse.
Dans la relation transatlantique, « normal is over ». L’Europe a une chance à saisir pour s’affirmer comme force alternative, en proposant une troisième voie entre repli américain et capitalisme d’État chinois. Le veut-elle ? Le peut-elle ? Dans un an, le Parlement européen sera renouvelé. Il revient aux peuples européens d’apporter une réponse.