Dix ans après le discours du Bourget, que sont devenus les électeurs de François Hollande ?

En 2012, François Hollande est élu président de la République avec 51,64% des suffrages exprimés face à Nicolas Sarkozy. Dix ans après, que sont devenus les électeurs de François Hollande ? Pour qui votent-ils ? Sont-ils restés fidèles à la gauche ? Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation, livre des éléments de réponse à partir des résultats de la vague 4 du panel électoral 2021-2022 réalisé par Ipsos pour la Fondation Jean-Jaurès, le Cevipof et Le Monde.

Il y a dix ans, jour pour jour, François Hollande prononçait « le discours du Bourget », créant une dynamique qui allait le propulser jusqu’au score de 28,5% au premier tour. Le panel électoral, parce qu’il suit le parcours des mêmes citoyens dans la durée, permet de savoir ce que sont devenus ces électeurs de François Hollande. Comment votent-ils aujourd’hui ? Comment se positionnent-ils idéologiquement ? De quels partis se sentent-ils proches politiquement ? La réponse à ces questions est décisive. Pour Emmanuel Macron – 46% des électeurs Hollandais de 2012 ayant voté pour lui en 2017, constituant ainsi le cœur de son socle électoral. Pour la gauche, et notamment pour la gauche de gouvernement, si elle veut espérer reconquérir le pouvoir.

2012-2022 : si on suit le chemin emprunté par ces électeurs – les « Hollandais 2012 » – pendant cette décennie, on peut y voir une hyperbole de la vie politique. Première hyperbole : la fragmentation. Tous derrière François Hollande en 2012. Divisés pour l’essentiel entre deux candidats – Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon – en 2017. Éparpillés aujourd’hui entre huit candidats qui recueilleraient chacun a minima 4% des voix. Deuxième hyperbole : la volatilité. Jadis, les trajectoires électorales étaient rectilignes – sauf en d’exceptionnelles exceptions, on reproduisait son vote pour un camp ou un parti. Durant cette décennie, c’est exactement l’inverse. Rarissimes sont les « Hollandais 2012 » qui ont voté pour le même parti à chacune des élections. Troisième hyperbole : la droitisation. Les « Hollandais 2012 » se positionnaient massivement à gauche en 2012 et ils étaient toujours 73% à le faire en 2015. En 2017, ils étaient encore 65%. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 58%.

Janvier 2022 : il est possible de tirer cinq enseignements majeurs si on se concentre, dans cette vague du panel, sur les seules intentions de vote des « Hollandais 2012 ». Premier enseignement : la résistance d’Emmanuel Macron qui recueille 36%. C’est certes un recul de 10 points par rapport à 2017 mais il distance, et de très loin, tous les autres candidats – alors même que les Français en général et les électeurs de gauche en particulier le positionnent nettement plus à droite qu’il y a cinq ans. Deuxième enseignement : la remontée invisible de la gauche dite « de gouvernement ». Remontée, parce que le total des intentions de vote de Yannick Jadot, Anne Hidalgo et Christiane Taubira est, à 34%, en progression de 21 points par rapport au score de Benoît Hamon – seul à occuper cet espace en 2017. Invisible, parce que chacun de ces trois candidats recueille peu ou prou le même score – en gros, un tiers d’un tiers… Troisième enseignement : l’affaissement de Jean-Luc Mélenchon. Le candidat de La France insoumise avait séduit plus de 28% des « Hollandais 2012 » lors de l’élection présidentielle 2017. À quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle de 2022, il recule de 21 points à 7% – ne devançant Fabien Roussel que de 3 points. Quatrième enseignement : une petite partie a basculé vers la droite ou l’extrême droite, amplifiant le mouvement observé en 2017 : Valérie Pécresse recueille 4,5%, Marine Le Pen 6,5% et Éric Zemmour 4%. Dernier enseignement : le trouble est grand. Au-delà de ces données, il faut souligner que 29% des « Hollandais 2012 » sont aujourd’hui dans l’incertitude, se repliant sur l’abstention ou ne sachant pas encore pour qui voter…

Et demain ? Les apparences portent à croire en une dispersion considérable. S’agissant de l’auto-positionnement idéologique (sur une échelle de 0 à 10, 0 signifiant très à gauche et 10 très à droite), 32% des « Hollandais 2012 » se positionnent sur la gauche classique (à 2 ou à 3) ; 21% choisissent la gauche modérée (4) ; 20% le centre (5) ; 16% les droites (6 à 10). Et, s’agissant de la proximité partisane, on aboutit à un constat voisin : 25% indiquent le PS ; 25% également, aucun parti ; 18%, La République en marche (LREM) ; 9%, EE-LV. En réalité, nous assistons à un début de reconfiguration. En effet, les « Hollandais 2012 » qui réitèrent leur vote en faveur d’Emmanuel Macron ont fait évoluer, en cohérence, leur auto-positionnement (74% d’entre eux se positionnent sur les cases 4, 5 ou 6) et leur préférence partisane (65% d’entre eux se déclarent proches de LREM ou du MoDem). C’est l’équation complexe que devra résoudre la gauche pour reconquérir le pouvoir : impossible de faire sans les « hollando-macronistes », pas facile de faire avec…

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