L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a donné une homologation d’urgence aux vaccins élaborés par des laboratoires pharmaceutiques chinois Sinopharm et Sinovac, mais ceux-ci ne sont pas encore reconnus par les autorités françaises. Les Français de l’étranger qui ont été vaccinés dans leur pays de résidence se retrouvent ainsi privés de l’obtention du « passe sanitaire » : cela constitue une rupture d’égalité, aux yeux de Florian Bohême, conseiller des Français de l’étranger au Cambodge, membre du Bureau national des Français du monde-adfe.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a donné une homologation d’urgence au vaccin Sinopharm le 7 mai et au vaccin Sinovac le 1er juin 2021. Actuellement, ces deux vaccins élaborés par des laboratoires pharmaceutiques chinois ne sont pas encore reconnus par les autorités françaises.
Pourtant, depuis plusieurs mois, ces vaccins sont injectés à une large partie de la population mondiale, principalement en Asie, en Amérique du Sud, en Afrique et au Maghreb. De nombreux Français résidant à l’étranger ont aussi reçu des doses de ces vaccins. Au début de cette année, le ministère des Affaires étrangères a demandé aux ressortissants français expatriés de s’inscrire dans le schéma vaccinal proposé par les autorités de leur pays de résidence. L’État français n’a d’ailleurs pas livré de kits de vaccination pour ses ressortissants à l’exception de ceux résidant dans une cinquantaine de pays.
L’incompréhension est totale pour tous nos compatriotes qui réalisent maintenant que ces vaccins les privent de l’obtention du « passe sanitaire ». La généralisation de ce dispositif sur le territoire national provoque des difficultés administratives pour des dizaines de milliers de Français de l’étranger, qui se rendent en France en cette période estivale.
Faut-il considérer que ces vaccins n’auraient pas la même protection que ceux assemblés en Europe ou aux États-Unis ?
Le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale (COSV), présidé par le professeur Alain Fischer, a rendu un avis très clair dès le 2 juin 2021 concernant l’ensemble des vaccins produits dans le monde.
Il recommande de considérer comme valables les vaccins ayant reçu une inscription sur la liste des utilisations d’urgence (EUL) de l’OMS, « puisqu’ils ont été évalués comme conférant une protection satisfaisante contre le SARS-CoV-2 ». La question qui se pose désormais est de savoir si la France compte inclure dans son « passe sanitaire » l’ensemble des vaccins reconnus par l’Organisation mondiale de la santé. Le COSV indique aussi que les personnes ayant un schéma vaccinal complet avec les vaccins Sinopharm ou Sinovac sont considérées comme étant protégées.
Dans ce contexte, les propos de Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État aux Français de l’étranger, sont surprenants puisqu’il déclare que « le gouvernement est en train de regarder si l’injection d’une dose supplémentaire sur le sol national [offrirait], scientifiquement, suffisamment de sécurité pour la personne qui le recevrait, et du coup pourrait permettre la délivrance du passe ».
Le gouvernement entend-il se substituer aux avis d’un conseil d’experts en santé publique ?
L’Espagne et la Grèce ont compris cet enjeu en autorisant systématiquement l’ensemble des vaccins autorisés par l’OMS. Ceci est pleinement permis par l’Union européenne, c’est une décision qui appartient à chaque État membre.
Il aura ainsi fallu de nombreuses semaines pour que le Covishield soit reconnu par l’État Français. Ce vaccin a les mêmes composants que l’AstraZenecca mais il est produit à moindre coût en Inde. Il a d’ailleurs été envoyé par la France dans le cadre du dispositif Covax aux pays émergents et en développement.
Le ministre malgache de la Santé ne s’y est pas trompé en interpellant le Quai d’Orsay dans la presse : « C’est à se demander s’il y a des vaccins réservés aux Africains et des vaccins réservés aux Européens ». Ce sentiment est largement partagé ; le protectionnisme vaccinal ne peut être une raison suffisante et la géopolitique n’a pas sa place dans cette lutte contre une pandémie mondiale.
Le débat parlementaire qui se tient en session extraordinaire pour adopter le « passe sanitaire » doit être l’occasion de corriger cela.
Distribués à plus de 3 milliards de doses d’ici la fin de l’année et internationalement reconnus, les vaccins chinois mais aussi ceux approuvés par l’OMS doivent être intégrés, d’une manière ou d’une autre, dans le « passe sanitaire » français.
Ils doivent l’être pour éviter que les Français de l’étranger soient une nouvelle fois des citoyens de seconde zone. L’égalité de traitement dans la politique sanitaire française doit s’appliquer à tous ceux qui ont strictement suivi les consignes du gouvernement en se faisant vacciner dans leur pays de résidence.
Le 29 avril dernier, le président de la République rappelait que le « passe sanitaire ne sera jamais un droit d’accès qui différencie les Français ». À cette heure, cette parole présidentielle semble bien loin de la réalité vécue par des milliers de Français à l’étranger. Non seulement ils doivent se conformer à des schémas sanitaires locaux mais aussi batailler sans cesse pour faire valoir leurs droits de citoyens de la République française.
Cette reconnaissance est une question de bon sens, le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale en a rappelé les grands principes. La France gagnerait en lisibilité à ne pas rajouter des difficultés là où il ne devrait nullement y en avoir.
Près de vingt mois après le début de cette pandémie, il est temps de dépasser le stade de l’exception ou de l’urgence pour mettre en place une politique sanitaire durable et égalitaire. Cette stratégie a été intégrée par plusieurs pays en Asie, ainsi les règles ne changent pas tous les mois et les mesures sanitaires sont mieux comprises.
La France ne peut pas d’un côté durcir ses règles sanitaires et en même temps faire du cas par cas pour la reconnaissance des vaccins. Il est urgent qu’elle adapte sa position en reconnaissant l’ensemble des vaccins homologués par l’OMS.