Après plusieurs soubresauts dans la tension politique que connaît le Sénégal depuis plusieurs mois, le premier tour de l’élection présidentielle est finalement prévu le 24 mars 2024. À cette occasion, Mathias Khalfaoui, consultant indépendant sur les questions de développement et d’insécurité en Afrique de l’Ouest, rappelle les différentes crises liées aux élections depuis l’indépendance et met en avant les spécificités de l’actuelle et ses possibles conséquences dangereuses pour les institutions du pays.
L’Afrique de l’Ouest traverse une période d’agitation majeure qui brouille les analyses. Crises économiques, coups d’État, montée du djihadisme, retour de la Russie ainsi que recul de la France en Afrique sont autant d’éléments à pondérer correctement. Il devient complexe d’établir comment les crises nationales s’imbriquent dans la dynamique régionale. Dans ce malaise grandissant, il est pourtant nécessaire de comprendre quels sont les maux qui traversent le Sénégal depuis la montée des violences politiques dans le pays en 2021. La raison est double. D’une part, le Sénégal est historiquement une source de stabilité régionale en raison de la paix qui y règne et de sa démocratie rayonnante. D’autre part, du point de vue de la France, la montée du sentiment anti-français dans la région nécessite d’avoir des positions claires et précises afin d’éviter toute bévue.
En quelques mots, depuis 2021, les tensions politiques sont croissantes au Sénégal. Avec l’élection de 2024 en ligne de mire, l’opposition, découpée principalement en trois camps, s’oppose frontalement au pouvoir en place du président Macky Sall, élu pour la première fois en 2012. Plusieurs sujets de tension sont venus se multiplier et se nouer pour aboutir à cette situation. L’un des premiers fut concernant la capacité des oppositions à se présenter à l’élection. Déjà en 2019, deux des principaux mouvements politiques, le Parti démocratique sénégalais (PDS) de Karim Wade et le Taxawu Sénégal de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, n’avaient pas pu concourir en raison de condamnations judiciaires. De plus, le troisième parti d’opposition d’importance, le Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), représenté par le maire de Ziguinchor Ousmane Sonko, a également vu des charges judiciaires remettre en cause non seulement sa liberté, mais aussi sa capacité à se présenter en 2024. Cela a conduit à de nombreuses manifestations dans tout le pays, qui ont parfois dégénéré en des scènes de guérilla urbaine. Pour ajouter à ce tableau déjà compliqué, le président Macky Sall a longtemps laissé planer le doute sur une éventuelle candidature à l’élection présidentielle et cela malgré une Constitution qui interdit un troisième mandat successif. Lorsque, finalement, l’annonce fut faite en juillet 2023 qu’il passerait la main, il était raisonnable d’espérer un retour à la normale. Toutefois, la dissolution du PASTEF le même mois, puis la décision de reporter sine die à la dernière minute l’élection présidentielle en 2024 par le président Macky Sall ont conduit à une situation plus explosive encore.
Aujourd’hui, un climat d’incertitude et de perplexité règne sur le pays. Le Conseil constitutionnel a invalidé la décision du président, l’urgeant d’organiser au plus vite les élections. Ce dernier l’a accepté en annonçant qu’il partirait le 2 avril 2024. Prenant acte de cette date, les sages ont établi que l’élection aurait lieu avant la fin du mois de mars ; un pari difficile, surtout en cas de second tour.
Ce bref résumé de la situation politique sénégalaise souligne incontestablement que le pays traverse une étape douloureuse de son histoire. Néanmoins, il convient d’en tirer les bonnes leçons. La situation est-elle particulièrement exceptionnelle ? Comment en est-on arrivé là ? Et quel positionnement doit avoir la France, voire les pays occidentaux ?
La vie politique sénégalaise est rythmée par des crises politiques et des pratiques arbitraires du pouvoir
S’il existe des éléments nouveaux dans la crise sénégalaise, il est important de noter qu’elle s’inscrit pleinement dans l’histoire politique du pays. Autrement dit, la violence que traverse le pays possède des précédents et il en va de même pour les pratiques anti-démocratiques reprochées au président Macky Sall.
Concernant le contexte et les violences, il faut tout d’abord convenir que les crises politiques au Sénégal sont nombreuses et régulières. Elles varient tout au plus en importance symbolique et en gravité quant à leurs conséquences. Si la période récente a ainsi vu une soixantaine de personnes perdre la vie, ce n’est pas inhabituel, notamment en période électorale. L’exemple le plus parlant est la première élection de Senghor en 1963 qui avait conduit à des émeutes menant à la mort d’une quarantaine de personnes et faisant près de 250 blessés pour le seul mois de décembre. La crise du Mai 1968 sénégalais a bloqué le pays pendant des années. En 1988, Dakar avait été plongé dans le chaos avec des violences urbaines remettant en cause le résultat des élections et un groupe armé de « résistance » avait brièvement vu le jour. La crise de 1993 a conduit à l’assassinat politique d’un vice-président du Conseil constitutionnel. Enfin, la crise de 2010-2011 sur la réforme constitutionnelle puis la tentative de réélection du président Abdoulaye Wade sont encore dans toutes les mémoires. Ces crises ont de nombreuses similarités. Elles sont l’expression d’une montée en pression politique, parfois instiguée par des pratiques arbitraires du pouvoir en place. Ces pratiques, utilisées également par le président Macky Sall, ne sont pas inhabituelles et trouvent leur racine dans les actes de ses prédécesseurs.
Comme meilleur exemple, l’instrumentalisation du pouvoir judiciaire sous la présidence Macky Sall, incitant la justice à poursuivre un opposant pour le disqualifier puis le gracier, trouve ses origines sous Senghor (président de 1960 à 1980) et surtout sous la présidence d’Abdou Diouf (président de 1980 à 2000). Pour rappel, Abdou Diouf avait comme principal opposant politique Abdoulaye Wade (président de 2000 à 2012). Abdoulaye Wade a été arrêté puis relâché un grand nombre de fois. Les arrestations les plus marquantes sont celles de 1988 et de 1993. Administrées par le président Diouf la première fois, les charges ont été finalement abandonnées pour la seconde.
Macky Sall a également fait comme ses prédécesseurs en faisant et défaisant diverses institutions, sur fond d’intérêt électoral. Il a ainsi pu supprimer la fonction de Premier ministre en 2019, alors que cela ne faisait pas partie de ses promesses de campagne, avant de la réintroduire en 2022. Abdou Diouf avait pu faire la même chose entre 1983 et 1991.
De même, si le président Macky Sall a laissé sous-entendre l’idée de se présenter pour un troisième mandat consécutif, malgré la lettre de la Constitution, Abdoulaye Wade en 2012 est allé plus loin que lui, en se portant effectivement candidat.
Le report de l’élection présidentielle par l’actuel président est à son tour une autre page du livre des techniques utilisées par ses prédécesseurs. Il est parfois argué que la tentative de report de l’élection en 2024 est la première depuis l’élection de 1963. Toutefois, il faut souligner que cette élection était la première élection au suffrage universel du pays depuis son indépendance. Le pays est basé sur un report de l’élection initié par Senghor. De plus, si Abdou Diouf et Abdoulaye Wade n’ont jamais repoussé d’élection présidentielle, ils ont chacun repoussé une élection afin de se prévenir d’une défaite électorale embarrassante. Il en fut ainsi pour Abdou Diouf avec les élections municipales de 1995, et d’Abdoulaye Wade avec les élections législatives de 2006. Plus largement, la désorganisation des élections au Sénégal est une manœuvre régulière de l’exécutif pour déstabiliser l’opposition.
Il ne s’agit pas ici de relativiser ces pratiques, mais de souligner l’importance de faire la part des choses, entre ce qui est nouveau dans les pratiques politiques sénégalaises et ce qui s’inscrit dans la longue histoire du pays. Le Sénégal a ainsi toujours connu des crises politiques à répétition. Il en va de même pour les manifestations politiques et leurs morts. La personnalisation du pouvoir est dans l’ADN présidentiel sénégalais. Les nouveautés sont ailleurs et elles doivent être identifiées, car elles sont les causes d’une crise qui met en péril un édifice politique vieux de soixante ans et riche d’un incontestable succès.
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Abonnez-vousMoteur de la résilience du modèle politique sénégalais : une capacité à diminuer la pression dans le pays
Le courrier du 11 février 2024, signé par les deux anciens présidents et meilleurs rivaux, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, appelant à une fin des violences et un retour au dialogue n’était pas une lettre convenue et sans importance. Il s’agissait au contraire d’un appel à un retour à ce qui a fait la solidité du Sénégal, notamment l’absence de coups d’État, malgré des crises politiques nombreuses. Le dialogue n’est pas un mot creux au Sénégal, mais l’un des concepts politiques les plus importants du pays.
Le dialogue national – autrement dit le dialogue entre la majorité présidentielle et l’opposition – doit son origine au père de la nation, Léopold Sédar Senghor. Senghor a été sans aucun doute d’une perspicacité politique fine dans son traitement de l’opposition. À son époque, le Parti socialiste était le parti unique du pays. L’opposition se manifestait via les syndicats et les mouvements étudiants. Or, désireux de davantage de liberté, syndicats et étudiants vont sans cesse réclamer, notamment à partir de mai 1968, de nouvelles libertés publiques et le multipartisme. Ils obtiendront le multipartisme limité en 1976 sous Senghor puis total en 1981 avec l’arrivée au pouvoir d’Abdou Diouf. Cette opposition entre le parti unique senghorien et la population civile a été pour le moins houleuse. On dénombre de nombreuses grèves, manifestations et émeutes ayant conduit à plusieurs décès. Pour autant, le dialogue entre la majorité présidentielle et l’opposition n’a jamais complètement cédé. Senghor n’a jamais commis les erreurs des présidents Maurice Yaméogo au Burkina Faso et Fulbert Youlou au Congo-Brazzaville à la même époque. Ces derniers, ne supportant pas qu’on s’oppose à eux, ont tenté de museler les syndicats avant de se faire renverser par des manifestations populaires.
Cette leçon, Abdou Diouf, successeur de Senghor, et Abdoulaye Wade l’ont parfaitement retenue. La confrontation entre les deux hommes a été pour le moins intense. Chaque élection a entraîné des troubles conduisant à des morts. Pour autant, les deux hommes ont conservé des canaux de discussion directs et indirects. Cela comprend les périodes d’emprisonnement et d’exil d’Abdoulaye Wade. Mieux, Abdoulaye Wade et son parti, le PDS, sont entrés deux fois dans le gouvernement Diouf. Abdoulaye Wade a été ministre d’État auprès du président de 1991 à 1992 puis de 1995 à 1997. Cette forme de « transhumance politique » au Sénégal a régulièrement des effets cathartiques et permet de rééquilibrer les forces politiques, notamment lorsqu’un président traverse une période de fragilité politique.
En somme, le dialogue est la source d’apaisement des crises politiques sénégalaises. On ne compte plus les « dialogues politiques » pour en finir avec un conflit. En 1969, pour sortir de la crise des grèves universitaires initiées depuis mai 1968, Senghor lance un « travail de réflexion » avec les clubs étudiants pour repenser l’université. En 1981, Diouf, après de très violents affrontements tout au long de l’année 1980 entre étudiants et forces de sécurité, met fin au conflit en lançant les « États généraux de l’éducation ». En 1983, après une élection présidentielle contestée par l’opposition qui crée des tensions immenses dans le pays – Wade proclame notamment un contre-gouvernement –, Diouf entame un dialogue avec l’opposition qui ne cessera jamais totalement par la suite. La liste de ces initiatives est longue : le Consensus national en 1983, Appel de la Korité en 1988, Concertation nationale en 1995, etc. Ces tentatives de dialogue se retrouvent sous Abdoulaye Wade et Macky Sall. Ce dernier a par exemple proposé d’intégrer des membres de l’opposition dans son gouvernement après sa réélection en 2019 en invoquant un « dialogue constructif ». De même, en mai 2023, Macky Sall, alors qu’il n’a pas encore annoncé qu’il ne se représentera pas à l’élection de 2024, annonce la création d’une Commission politique du dialogue national avec l’opposition. Il a réitéré cette tentative en février 2024 avec une proposition de dialogue national avec l’opposition. Or, incontestablement, toutes les tentatives ou presque de dialogue sous Macky Sall ont été des échecs. Lors de la dernière en date, l’opposition, à l’exception du PDS, s’est unie sous une plateforme appelée F24 (en référence à la date du 24 février où l’élection aurait dû avoir lieu) qui a refusé l’invitation du président en expliquant qu’elle ne souhaitait dialoguer qu’avec le pays. Il faut donc comprendre pour quelle raison ces dialogues, nécessaires pour relâcher la pression politique dans le pays, indépendamment d’ailleurs des résultats concrets qu’ils produisent, ont échoué.
Un dialogue rompu, une première dans le pays
En 2022, le célèbre historien sénégalais Mamadou Diouf faisait un constat cinglant : la démocratie au Sénégal recule car le dialogue sénégalais entre majorité présidentielle et opposition est pour la première fois rompu. Pour cause ? La radicalité, voire l’extrémisme, des deux camps.
C’est ici que se trouve le talon d’Achille du modèle politique sénégalais. Celui-ci repose sur une pratique, le dialogue, qui n’est pas institutionnalisée. Autrement dit, c’est au bon vouloir de la présidence et de l’opposition de jouer le jeu de l’apaisement. Ceci comporte un double risque. Les deux camps peuvent ne pas dialoguer et ils peuvent ne pas juger convenablement les moments où ils devraient dialoguer. Sous Macky Sall, les deux cas de figure se sont produits.
Une nouveauté sous Macky Sall est arrivée dès son élection en 2012 : ragaillardi par sa victoire, le président avait juré dans une expression restée célèbre vouloir « réduire l’opposition à sa plus simple expression ». En d’autres mots, l’un de ses objectifs politiques était de détruire les opposants à sa coalition. Ceci est, comme nous l’avons précédemment expliqué, en rupture avec l’histoire politique sénégalaise. Léopold Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, rarement de « gaieté de cœur » et malgré certaines erreurs ou abus vis-à-vis de l’opposition, ont composé avec elle. Vouloir détruire l’opposition, c’est déjà rompre avec la possibilité d’un dialogue. Cela avait pu être constaté avec la « main tendue » de Macky Sall à l’opposition après sa réélection en 2019. Comme expliqué précédemment, l’élection de 2019 avait été cadenassée. Les deux principales figures de l’opposition, Karim Wade et Khalifa Sall, n’avaient pas pu y participer en raison d’une instrumentalisation de la justice. Comment alors dialoguer après cela ? Cela s’est produit à nouveau avec ses appels au dialogue en 2023 et 2024. Ousmane Sonko était alors incarcéré. Or est-il possible de dialoguer au travers des barreaux d’une prison ? Depuis, son parti, le PASTEF, a été dissous en juillet 2023, fait sans réel précédent au Sénégal pour un parti de première importance. Même le PDS qui a été de toutes les batailles contre Senghor et Abdou Diouf n’a jamais connu le même sort. Aucun dialogue ne peut avoir lieu sur ces bases.
Depuis, Macky Sall a mesuré l’importance de libérer les responsables du PASTEF. Afin de ne pas amnistier seulement Ousmane Sonko, le président a proposé en février 2024 de faire voter une loi d’amnistie générale pour les violences politiques entre 2021 et 2024. Il a également entrepris en parallèle la libération immédiate, depuis mi-février, de centaines de prisonniers. La loi d’amnistie a été votée le 6 mars 2024 et Ousmane Sonko, ainsi que son bras droit, Bassirou Diomaye Faye, sont sortis de prison le 14 mars. Toutefois, les voix dissidentes qui se sont exprimées en nombre au sein de la majorité présidentielle contre le texte en disent long sur la radicalité d’une partie de ses membres.
Une partie de la majorité présidentielle a considéré négativement cette amnistie. C’est par exemple le cas du ministre du Travail, Samba Sy, qui a expliqué publiquement devant le président Macky Sall son opposition à une loi qui conduirait à pardonner des crimes qui doivent être jugés. Cette position est d’ailleurs partagée par des organisations comme Amnesty International. Toutefois, d’autres membres de la majorité présidentielle s’opposent à cette loi du seul fait qu’elle conduirait à pardonner les leaders du PASTEF (parti d’Ousmane Sonko). C’est ainsi que l’ancien président du groupe parlementaire de la majorité, Moustapha Diakhaté, a expliqué qu’aucun « terroriste du PASTEF » ne devrait pouvoir se présenter à l’élection présidentielle. Cette radicalité se retrouve à tous les niveaux. Par exemple, l’une des raisons pour laquelle des membres de la majorité présidentielle refusent de voir l’actuel Premier ministre Amadou Ba comme possible successeur de Macky Sall est qu’il ne serait pas assez critique vis-à-vis d’Ousmane Sonko. Pire, ayant été le professeur d’Ousmane Sonko à l’École nationale d’administration et de magistrature, cela le rendrait suspect. Au regard de l’histoire du dialogue au Sénégal, cela devrait pourtant être l’une de ses qualités.
La même critique peut être émise concernant le camp du PASTEF. Ousmane Sonko a joué de son opposition avec Macky Sall pour gagner en popularité, radicalisant son parti et sa base. Se pose alors la question de savoir comment apaiser les tensions. En 2023, le dialogue national de Macky Sall fut un échec car le parti d’Ousmane Sonko avait refusé d’y participer. Les circonstances permettaient de le comprendre. Néanmoins, le PASTEF en était venu à accuser de traîtrise les autres opposants ayant choisi le dialogue. La coalition de l’opposition avait alors éclaté.
L’impossible réponse de la France et de l’Occident aux crises politiques africaines
La France et plus largement les pays occidentaux sont pris dans un dilemme quant à l’attitude à adopter face aux crises politiques en Afrique de l’Ouest. Coincée par un retour d’une Russie en Afrique qui génère une atmosphère de guerre froide, la France est pour l’instant sans réponse. Notamment accusée de néocolonialisme par la propagande russe, la France peut avoir comme premier réflexe le désengagement afin de prouver qu’il n’en est rien. Toutefois, cette position est intenable pour deux raisons. La première est que ce désengagement se base sur le pari risqué que le sentiment anti-français va passer. Par ailleurs, alors que la France et l’Occident sont passifs, le camp adverse ne l’est pas.
L’échec du dossier nigérien en est le meilleur exemple. Alors que la situation se détériorait avec un coup de force se transformant en coup d’État, la France, paralysée par la peur d’être critiquée, est restée passive et cela malgré des demandes d’interventions (terme qui ne se réduit pas au militaire) du camp présidentiel. Finalement, la communauté internationale est restée spectatrice du renversement par des militaires d’un président démocratiquement élu et cela malgré ses appels à l’aide. Quant à la junte, de facto coupée de l’Occident, elle n’a pas eu d’autres choix que de se tourner vers la Russie pour obtenir un soutien extérieur.
Comme expliqué plus haut, le conflit sénégalais n’est pas véritablement influencé par le contexte régional. Il s’agit d’une crise venue d’éléments de tensions dans l’ensemble classique au pays pendant que les sources d’apaisement traditionnelles n’étaient pas invoquées à bon escient. Toutefois, ces conflits nationaux peuvent déborder sur la scène internationale. Le Niger en est là encore la preuve. Le conflit entre le président Bazoum et le général Tchiani s’inscrit dans la longue liste des batailles d’influence entre syndicalistes et militaires au Niger. En somme, les péripéties sénégalaises peuvent rejoindre la situation régionale.
Dans cette situation précaire et à un moment où les faux pas de la France sont scrutés sur le continent et en dehors, il est impensable de s’ingérer un tant soit peu dans le conflit politique sénégalais. Il s’agit d’une époque révolue. La France semble suivre ce créneau. Toutefois, le silence n’est pas une réponse idéale. Il faudra à la France d’être enfin capable de s’engager sur la bataille de la désinformation que la Russie gagne en Afrique de l’Ouest afin d’au moins être en mesure d’expliquer ses actions et ses objectifs avec clarté. Pour cela, il faudrait avoir une communication publique efficace pour sa politique étrangère, ce qui lui fait depuis trop longtemps défaut.