Alors que la COP29 sur le climat se tient en Azerbaïdjan en ce moment et que le multilatéralisme s’inquiète des résultats récents des élections aux États-Unis, la COP16 sur la biodiversité s’est achevée sur un échec, le 2 novembre à Cali. Plusieurs avancées sont pourtant à souligner, notamment en ce qui concerne les droits et la reconnaissance des communautés autochtones, point clé de l’agenda proposé par la Colombie, qui a désigné l’événement comme étant celui de la « COP des peuples ». Catherine Gamba-Trimiño, écologue, membre du Groupe de réflexion, d’étude et de coopération Amérique latine-Europe (Grecol-ALC) et modératrice de la table ronde « Surveillance de la biodiversité dans les territoires des peuples autochtones et des communautés locales (IPLC) », événement parallèle à la COP16, dresse un bilan.
La seizième conférence des Nations unies sur la biodiversité s’est tenue en Colombie du 21 octobre au 2 novembre 2024, en présence de près de 200 pays, pour discuter des avancées dans la lutte contre le déclin des espèces. Deux ans après l’adoption d’un nouveau Cadre mondial pour la biodiversité1CHM France, Objectifs du nouveau Cadre mondial de la biodiversité Kunming-Montréal, 2022., les pays devaient présenter leurs nouveaux plans d’action nationaux et s’accorder sur des sujets prioritaires, tels que le financement et les modalités de suivi de ce Cadre.
Quelles avancées pour la COP16 ?
La création d’une nouvelle instance de représentation des peuples autochtones et des communautés locales
Largement demandée par les représentants autochtones, la création d’un nouvel organe subsidiaire au sein de la Convention sur la diversité biologique (CDB) a été la victoire majeure de cette conférence. Toujours présentes lors des conférences précédentes, et mentionnées dans le texte de la CDB, les communautés autochtones et locales étaient jusqu’ici cantonnées en périphérie des lieux de décision. Or, cette entité permanente doit permettre à leurs représentants de se réunir pour coordonner leur message, établir les actions qu’ils estiment essentielles pour la mise en œuvre du Cadre mondial pour la biodiversité et, in fine, tenter d’influencer les décisions.
Vers une reconnaissance des Afrodescendants
Sujet d’importance pour la Colombie, État dont la vice-présidente Francia Márquez est une femme afrodescendante, le rôle crucial des peuples d’ascendance africaine dans la conservation de la biodiversité est maintenant reconnu explicitement dans le texte de la Convention. D’une importance particulière pour les Amériques, territoires dans lesquels les descendants des victimes de l’esclavage incarnent désormais souvent des modes de vie traditionnels et habitent des zones clés pour la biodiversité, cette reconnaissance met en lumière leurs connaissances et leur relation étroite avec la nature. Concrètement, cette mention doit permettre à ces communautés d’avoir accès aux financements mobilisés et de se faire entendre davantage lors des prochaines COP.
Dans quelle mesure ces victoires sont-elles des avancées pour la conservation de la biodiversité et sa gouvernance équitable ?
Le rôle des peuples autochtones dans la préservation de l’environnement n’est pas à négliger puisqu’ils sont à la gestion ou détiennent les droits fonciers de plus d’un quart des terres émergées de la planète. Nous avons organisé deux dialogues à ce sujet pendant la COP162Earth Negotiations Bulletin (ENB), « Monitoring Biodiversity within the Territories of Indigenous Peoples and Local Communities », 31 octobre 2024., mettant en lumière leur gestion efficace de la biodiversité et leurs connaissances approfondies et holistiques. En première ligne de la crise de la biodiversité, diverses études telles que les évaluations globales sur l’état de la biodiversité de la plateforme intergouvernementale IPBES3Le rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques, IPBES, 2019. ont montré des taux inférieurs de déforestation et de dégradation dans les territoires autochtones par rapport aux territoires gérés par d’autres acteurs.
Le nouvel organe subsidiaire permettra un dialogue plus équitable en termes de gouvernance, au sein duquel les peuples autochtones non reconnus par leurs nations (comme la Guyane française), ou ayant des opinions différentes de leurs pays, auront le droit de s’exprimer. Il s’agit aussi d’inviter à considérer d’autres systèmes des connaissances et d’autres visions du monde.
La création d’un fonds pour le partage équitable des bénéfices tirés de ressources génétiques
En recréant en laboratoire des informations de séquençage numérique (DSI) sans avoir à se rendre sur le terrain, les grands acteurs des industries pharmaceutique, agroalimentaire et des biotechnologies ont pu s’enrichir sans avoir à dédommager les communautés d’où provient cette biodiversité. Le fonds de Cali a été créé afin de soutenir la protection de la diversité par le biais de contributions des utilisateurs des informations numériques. La contribution à ce fond est volontaire et les modalités pour son déploiement doivent encore être précisées, mais son adoption – malgré la réticence des divers pays où ces industries prospèrent – a également représenté une victoire pour les peuples autochtones et les communautés locales, qui devraient recevoir la moitié du financement levé.
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Abonnez-vousL’échec des négociations sur le financement et les indicateurs pour la mise en œuvre du Cadre mondial pour la biodiversité
Depuis l’adoption du Cadre mondial à Montréal en décembre 2022, la gestion et la répartition des sommes mobilisées pour les États afin de combler le déficit de financement de la biodiversité – 700 milliards de dollars par an d’ici 2030 – ne fait que renforcer les tensions Nord-Sud. Les pays à faible revenu réclamaient la création d’un fonds spécifiquement dédié à la biodiversité, avec une gouvernance et régulé par des mécanismes de distribution différents des fonds existants, mais les pays contributeurs se sont montrés réticents quant à la multiplication des mécanismes financiers. Le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) continuera ainsi à soutenir les projets liés à la protection des écosystèmes aussi bien que ceux dédiés à d’autres sujets comme la transition énergétique et l’aide au développement. À ce sujet, les négociations ont échoué et ont été reportées, tout comme l’adoption d’un mécanisme de reddition pour veiller à la mise en œuvre des 23 objectifs du cadre mondial4Op. cit., 2022..
Crédit photo : COP16 UN biodiversity.
Retrouvez une sélection des photos de la COP16.
- 1CHM France, Objectifs du nouveau Cadre mondial de la biodiversité Kunming-Montréal, 2022.
- 2Earth Negotiations Bulletin (ENB), « Monitoring Biodiversity within the Territories of Indigenous Peoples and Local Communities », 31 octobre 2024.
- 3
- 4Op. cit., 2022.