« Contre les Juifs et les Croisés » : l’arrière-fond complotiste de l’islamisme radical

À l’instar d’autres idéologies extrémistes, l’islamisme radical entretient avec le conspirationnisme des rapports étroits. Non seulement les thèmes complotistes sont utilisés comme leviers de recrutement des djihadistes, mais le fantasme du « complot contre l’islam » constitue le cœur de leur doctrine.

À l’instar d’autres idéologies extrémistes, l’islamisme radical entretient avec l’imaginaire du complot des rapports étroits. Non seulement les grandes thématiques complotistes contemporaines sont utilisées comme levier de recrutement par les djihadistes, mais le fantasme d’un « complot contre l’islam » ourdi par une « alliance judéo-croisée » constitue le cœur de leur doctrine, si l’on en juge par les déclarations et écrits de certaines des plus influentes figures de l’islamisme radical, de Sayyid Qutb à Abou Bakr al-Baghdadi en passant par l’ayatollah Khomeini et Oussama Ben Laden.

La vision obsidionale du monde prônée par les djihadistes fournit en effet sa justification intellectuelle au passage à l’acte terroriste. Mais la théorie du « complot contre l’islam » est ambivalente. Pour Rudy Reichstadt, elle remplit la double fonction d’armer la main des djihadistes tout en les exonérant de la responsabilité de leurs actes en vertu d’un sophisme paranoïaque voulant que le terrorisme, parce qu’il nuit à l’image de l’islam dans le monde, soit nécessairement l’œuvre des ennemis de l’islam.

Cette théorie du complot a de si nombreux adeptes qu’elle a conduit les djihadistes sunnites à prendre plusieurs fois position contre la thèse, développée aussi bien par le Guide suprême iranien que par le Grand Mufti d’Arabie Saoudite, selon laquelle l’« Etat islamique » serait en réalité manipulé en sous-main par des services secrets occidentaux, américains ou israéliens.

Rudy Reichstadt montre que, bien qu’il prétende s’affranchir spirituellement et politiquement de l’Occident, l’islamisme hérite en réalité et non sans paradoxe d’un matériel complotiste largement étranger à la tradition islamique. Forgés pour l’essentiel en Europe avant d’être exportés au Moyen-Orient il y a près d’un siècle, les thèmes du « complot juif » et du « complot judéo-maçonnique » imprègnent aussi bien le discours de l’« Etat islamique » que celui du mouvement des Frères musulmans.

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