Brexit, Trump: quels effets sur la politique extérieure de l’Union en matière commerciale?

Alors qu’en l’absence d’initiatives concrètes ou d’amendement de la législation existante, les répercussions de la politique de Donald Trump sont encore floues, le Brexit offre lui dès à présent des perspectives beaucoup plus claires. Retrouvez l’intervention de Sandra Parthie, directrice du bureau de Bruxelles/politique européenne à l’Institut de recherches économiques IW Köln, lors du séminaire Think Tanks Tandem.

On peut ainsi déjà observer un recul de 9% en moyenne pour l’année 2016 des exportations allemandes à destination de la Grande-Bretagne. Certains secteurs comme la pharmacie et l’industrie automobile et ses sous-traitants sont particulièrement touchés, avec des taux respectifs de -18 et -20%. Ces chiffres ne provoquent, certes, pas d’inquiétude majeure parmi les industriels allemands, mais on le doit probablement essentiellement au fait que le PIB de l’Allemagne a, dans le même temps, augmenté de 1,9%.

/sites/default/files/redac/commun/intervention_de_sandra_parthie.pdf

Du côté du Royaume-Uni, certains des « scénarios d’épouvante pré-Brexit » ne se sont pas avérés. L’effondrement annoncé de l’économie n’a pas eu lieu. La bourse affiche, par exemple, des niveaux supérieurs à ceux d’avant le référendum. La dévaluation de la livre d’environ 10% a donné des ailes à l’activité économique intérieure et aux exportations.

Reste toutefois à attendre l’impact potentiel de prix à la consommation orientés à la hausse au cours des prochains trimestres. D’après les calculs de l’IW Köln, le revenu par habitant des Britanniques pourrait reculer à long terme d’environ 10%.

N’oublions pas non plus que dans les faits, le Brexit n’a pas encore eu lieu. Le Royaume-Uni fait toujours partie de l’Union européenne et du marché unique ; tous les traités et règlementations européens continuent de s’appliquer, ainsi que l’accès au marché intérieur et les quatre libertés fondamentales. Mais la demande officielle de sortie de l’Union transmise le 25 mars dernier au président du Conseil européen, Donald Tusk, par la Première ministre britannique Theresa May a déjà provoqué de nouveaux reculs des prévisions d’investissement au Royaume-Uni.

L’IW Köln a élaboré, en se fondant sur la théorie des jeux, un modèle d’évaluation des positions envisageables dans la négociation Union européenne-Royaume-Uni. Nous avons étudié les résultats de deux attitudes possibles pour chacun des partenaires : sans ou au contraire avec volonté de compromis. Dans le premier cas, celui d’un scénario « sortie-OMC », le Royaume-Uni perdrait l’accès au marché intérieur et devrait dépenser quelque 6 milliards d’euros par an au titre des taxes et droits de douane. Il ferait, en revanche, l’économie des 9 milliards que représente sa contribution au budget communautaire. Si les deux parties se montraient au contraire prêtes au compromis, une solution « à la norvégienne » serait envisageable. Le Royaume-Uni verserait alors probablement quelque 5 milliards d’euros par an à l’Union. Les dernières annonces en provenance tant du Royaume-Uni que de l’Union européenne laissent toutefois prévoir une volonté de compromis plutôt faible.

L’important pour l’Union et pour les positions que défendront la France et l’Allemagne est de ne pas se laisser diviser, tout particulièrement sur les questions relatives au commerce extérieur et aussi bien à l’égard du Royaume-Uni qu’à l’égard des États-Unis.

Le fait que la Chancelière ait souligné lors de sa rencontre avec le président Donald Trump que la souveraineté en matière commerciale appartenait à l’Union européenne et que celle-ci fondait son action sur les accords et instances multilatéraux existants a été d’une importance majeure.

Nous l’avons dit, les conséquences de la politique de Donald Trump en matière d’échanges sont encore floues. Ce que l’on a entendu jusqu’ici laisse toutefois prévoir de la part des États-Unis un nouvel élan protectionniste et isolationniste. Le discours actuel crée surtout des incertitudes dans les milieux économiques et est synonyme de danger pour des pays fortement exportateurs comme l’Allemagne mais aussi le Japon, le Mexique ou la Chine.

Les États-Unis ont le pouvoir de ralentir sensiblement le cours de l’économie mondiale et d’enrayer aussi bien les échanges commerciaux internationaux que la croissance économique mondiale. Il est difficile de comprendre comment cette stratégie pourrait contribuer à créer des emplois aux États-Unis.

Des élans protectionnistes se sont fait sentir à de nombreuses reprises au cours des dernières décennies. Mais les annonces que lancent aujourd’hui la Maison Blanche sont d’un genre nouveau. Dans le passé, l’éventualité d’une « Border adjustment tax » (« ajustement à la frontière ») et d’autres droits compensatoires a toujours été très rapidement balayée sous le tapis au vu des règles de l’OMC. Mais si les États-Unis de Donald Trump et de Peter Navarro, son ministre en charge du Commerce, s’avéraient prêts à ignorer sciemment et volontairement les règles de l’OMC et à dénoncer la validité d’accords et d’organisations multilatéraux, le risque d’un effet domino sur d’autres acteurs de l’économie mondiale serait à prendre au sérieux.

Pour l’Union européenne, il résulte du Brexit et des tendances protectionnistes américaines une mission importante : mettre en avant l’importance des organisations et accords multilatéraux pour la politique commerciale mondiale et sauvegarder leur caractère incontournable.

Sur le même thème