Adopter une approche féministe des soins dans la réponse globale aux violences basées sur le genre

D’après les Nations unies, les femmes ne disposaient que de 75% des droits légaux des hommes en 2020. Les inégalités entre les sexes constituent un des terreaux des violences sexistes et sexuelles que subissent les filles et les femmes dans le monde et les pays d’Afrique de l’Ouest ne sont pas épargnés. Depuis le mouvement #MeToo, la protection du droit à l’autonomie et l’intégrité corporelle est plus que jamais au cœur des préoccupations et l’approche féministe des soins en est l’une des réponses, comme le montrent Céline Bayac1Référente santé communautaire, empowerment et genre à Solthis., Aurélie Musca Philipps2Référente droits et santé sexuels et reproductifs à Solthis. et Mélanie Vion3Référente santé communautaire, partenariats organisations de la société civile (OSC) à Solthis. de l’ONG Solthis

L’exposition à diverses formes de violences tout au long des parcours de vie  

Les violences basées sur le genre (VBG) désignent « tout acte préjudiciable perpétré contre une personne en raison de son sexe, de son genre, de son orientation sexuelle ou de son identité de genre »4Inspiré des définitions proposées par  l’ONU Femmes et le Conseil de l’Europe.. Si les VBG touchent majoritairement les filles et les femmes, les garçons et les hommes peuvent également en être victimes.

Trouvant leur origine dans les inégalités de genre enracinées dans les sociétés partout dans le monde, les VBG représentent à la fois l’une des plus graves violations des droits humains et un enjeu de santé publique majeur. Depuis les agissements sexistes du quotidien, jusqu’aux féminicides, les VBG forment un véritable continuum5Liz Kelly, « The Continuum of Sexual Violence », dans Jalna Hanmer, Mary Maynard (dir.), Women, Violence and Social Control. Explorations in Sociology, British Sociological Association Conference Volume series, Londres, Palgrave Macmillan, 1987. de violences sexuelles, physiques, psychologiques et économiques. Le concept de continuum des violences, théorisé par la sociologue britannique Liz Kelly, désigne les diverses formes de violences auxquelles sont confrontées les femmes. Cette notion de continuum a été reprise et illustrée par différent·e·s acteur·ice·s notamment issu·e·s du milieu militant sous la forme d’une pyramide de la violence ou d’un iceberg dévoilant les formes moins visibles de violences.

L’iceberg de la violence sexiste, Amnestia International Espana

En Afrique de l’Ouest, où Solthis intervient, les femmes sont confrontées à ces violences dès leur plus jeune âge et tout au long de leur vie. En effet, les pratiques traditionnelles néfastes, en particulier les mutilations sexuelles féminines qui constituent un moyen de contrôle fort sur la sexualité des femmes, sont encore largement répandues en particulier dans certaines régions d’Afrique de l’Ouest – leur prévalence est par exemple de 96% en Guinée et 89% au Mali6Armelle Andro, Marie Lesclingand, « Les mutilations génitales féminines. État des lieux et des connaissances », Population, 71, 2016, pp. 224-311 ; voir aussi les données de l’Unicef en 2019.. Elles ont des conséquences dévastatrices (sanitaires, sociales et psychologiques) sur la vie de celles qui les subissent. 

Selon les chiffres des agences des Nations unies recueillis en 2018, quatre filles sur dix sont mariées avant l’âge de 18 ans en Afrique de l’Ouest et centrale. Le taux important de grossesses précoces et non intentionnelles qui en découlent affecte profondément l’avenir et le bien-être de ces toutes jeunes mères et de leurs enfants : abandon scolaire, précarité économique, complications obstétricales et post-natales, etc. En 2023, la mortalité maternelle demeure par ailleurs parmi les premières causes de décès chez les jeunes filles dans les pays à faibles revenus d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

De plus, tout au long de leur parcours de vie, les femmes sont souvent confrontées à des formes de violence dans les soins, en particulier au cours de leur prise en charge en santé sexuelle et reproductive. Une étude commanditée par l’OMS et menée en 2019 dans trois pays d’Afrique de l’Ouest révélait que plus d’un tiers des femmes interrogées ont vécu des violences physiques, sexuelles ou des pratiques discriminatoires au cours de l’accouchement7Meghan A. Bohren, Hedieh Mehrtash, Bukola Fawole, Thae Maung Maung, Mamadou Dioulde Balde, Ernest Maya et al, « How women are treated during facility-based childbirth in four countries: a cross-sectional study with labour observations and community-based surveys », The Lancet, vol. 394, n°10210, 2019, pp. 1750-1763..

En Afrique selon l’OMS, en 2018, 33% des femmes (contre 27% au niveau mondial) subissent des violences sexuelles et/ou physiques de la part du partenaire intime ou d’une autre personne. Leurs conséquences sont alors multiples : physiques (blessures, maladies aiguës et chroniques, infections sexuellement transmissibles, grossesses non désirées, complications obstétricales et néonatales de celles-ci, complications d’avortements à risque), psychologiques (anxiété, stress, dépression, addictions, tendances suicidaires, etc.), sociales et économiques (stigmatisation, exclusion, perte de revenu, etc.). ONU Femmes l’affirme : l’Afrique est également « la région au monde où les femmes ont le plus de risques d’être tuées par un partenaire intime ou un membre de la famille ». 

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Multiplication et imbrication des vulnérabilités : un risque augmenté de VBG

Si de multiples facteurs influencent la survenue de VBG, certaines personnes y sont davantage confrontées. Les périodes d’instabilité sociale et de vulnérabilité psycho-affective telles que l’adolescence sont par exemple reconnues comme des périodes où les personnes sont exposées à un risque augmenté de VBG. Perpétrées par d’autres élèves ou par les enseignants eux-mêmes, ces violences ont un impact majeur sur les parcours de vie (déscolarisation, survenue de grossesses non intentionnelles qui peuvent entraîner des complications obstétricales ou des avortements à risque, etc.).

 Les personnes vivant avec le VIH sont également particulièrement confrontées à la stigmatisation, au rejet et à la violence. Si les VBG représentent un facteur de risque direct ou indirect de la transmission du VIH, le fait de vivre avec le VIH expose à un risque de VBG augmenté8À ce sujet, voir le guide VBG et VIH / sida : prévenir, identifier, accueillir, prendre en charge, orienter développé par Sidaction (2020).. Par ailleurs, la violence et la crainte d’actes violents peuvent considérablement nuire aux efforts de prévention, de dépistage, de soins et de traitement du VIH, empêchant d’appliquer les mesures de protection, comme par exemple de négocier l’usage du préservatif pour des relations sexuelles protégées.

Du fait de leur situation de précarité, de marginalisation sociale et de stigmatisation, de la criminalisation du travail du sexe dans de nombreux contextes, les travailleur·euses du sexe sont excessivement exposé·e·s aux VBG. Ici encore, ces violences sont multiformes et peuvent être exercées à la fois par les clients, l’entourage, les gérant·e·s potentiel·le·s d’établissement de travail, les forces de l’ordre mais aussi par les professionnel·le·s de santé eux/elles-mêmes… Par ailleurs, du fait de leur stigmatisation, les travailleur·euse·s du sexe font face à des barrières d’accès à la prise en charge et à l’information sur leurs droits. 

La stigmatisation sociale, le rejet et les climats d’homophobie et de transphobie tendent largement à normaliser et encourager les VBG à l’encontre des personnes LGBT+ : harcèlement, abus de la part des forces de l’ordre, bastonnades, discriminations et violences dans les soins, violences sexuelles, etc. Ici encore les formes de violences qui affectent les personnes LGBT+  sont multiples et les leviers d’action dont disposent les personnes sont malheureusement limitées. 

Les personnes en situation de handicap sont également parmi les plus exposées aux VBG puisque, selon une étude de l’UNFPA réalisée en 2018, les femmes en situation de handicap ont dix fois plus de risque de subir des VBG. En addition des violences, elles se voient régulièrement refuser le droit à leur autonomie corporelle et sont confrontées à un accès complexifié à des services souvent inadaptés à leurs besoins. 

L’émergence de mobilisations collectives dans la sous-région 

Les VBG sont aussi accrues par des législations inadaptées et des dynamiques de pouvoir patriarcales défavorables aux survivantes qui dénoncent et poursuivent en justice leurs agresseurs. Mais la société civile s’active pour faire bouger les lignes dans la lutte contre les VBG.

En Afrique de l’Ouest, les législations ont en effet évolué ces dernières années vers une criminalisation des actes de violence sexuelle9Pour plus de détails, voir les articles du Monde., mais elles peinent à être appliquées. Au Sénégal, une loi adoptée en janvier 2020 fait du viol un crime, alors qu’il n’était jusque-là qu’un délit. Depuis 2016 en Guinée, la peine encourue pour un viol est passée de cinq à dix ans d’emprisonnement, et jusqu’à la perpétuité en cas de décès de la victime. Dans les faits, ces peines ne sont que trop rarement appliquées, et les dépôts de plaintes restent peu nombreux. 

L’une des raisons est économique, le recours aux soins et la recherche de validation médicale de l’agression subie ayant malheureusement un coût. Par exemple, en Guinée, le certificat médico-légal est payant. Si celui-ci peut être crucial au tribunal, nombreuses sont celles qui ne peuvent le financer. Leur santé est aussi exposée car la contraception d’urgence est payante et de nombreuses survivantes, faute de moyens, n’y recourent pas et sont exposées à des avortements non sécurisés. En Guinée toujours, comme dans d’autres pays, l’avortement est légal s’il fait suite à un viol mais son accès effectif est entravé par les nombreuses barrières liées à la procédure devant prouver que la grossesse résulte d’un viol. 

La silenciation des victimes qui osent dénoncer participe aussi de ce faible recours à la justice. Que ce soit dans le cas de M’Mah Silla en Guinée – une jeune femme décédée des suites d’un avortement clandestin pratiqué par de prétendus médecins qui l’avaient violée – ou dans les cas de violences sexuelles dénoncées en Côte d’Ivoire sur le campus Houphouët-Boigny, les survivantes et/ou leurs familles font face à la promotion de circonstances atténuantes pour les agresseurs dont la position sociale est souvent dominante.

Pour faire face, des collectifs de soutien et des initiatives de lutte contre les VBG existent dans nombre de pays d‘Afrique de l’Ouest. Au Sénégal, la militante Ndèye Fatou Kane, chercheuse et féministe, a créé #balancetonsaïsaï, pour dénoncer les agresseurs de violences sexuelles. Au Burkina Faso, le mouvement #mêmepaspeur a dénoncé les agressions sexuelles dans le milieu du cinéma. Des collectifs plus formels sont aussi mobilisés comme Yeewu Yewi, mouvement féministe sénégalais, ou encore l’ONG le Club des jeunes filles leaders de Guinée dont l’objectif est de lutter contre les mariages forcés, les viols conjugaux et les mutilations sexuelles féminines. Cependant les militantes constatent que le poids du silence demeure et empêche une réelle mise en lumière de leurs paroles. 

Il en va alors de la responsabilité de tous les acteurs, y compris les structures internationales, de soutenir et valoriser ces militantes et ces collectifs, et notamment les ONG, en appelant à des mécanismes de financement qui puissent faciliter la mise en œuvre de leurs actions et de leurs recommandations en matière de prévention et de lutte contre les VBG. Solthis considère qu’agir en ce sens relève d’une approche féministe des soins, approche efficace dans la lutte contre les VBG.

Mobiliser une approche féministe des soins pour lutter contre les VBG : l’exemple des actions de Solthis

Dans le cadre de ses interventions, Solthis déploie une approche féministe des soins pour promouvoir les droits et la santé sexuelle et reproductifs (DSSR) pour toutes et tous qui comporte un axe dédié à la lutte contre les VBG. Cette approche féministe des soins incite à reconnaître ces violences et leurs conséquences, et à agir de façon à éviter qu’elles ne génèrent des inégalités en santé, en les prévenant d’une part, et en y répondant de manière adéquate et adaptée d’autre part. 

Savoir d’où on part : conscientisation, implication, co-construction  

Pour travailler sur les VBG en répondant aux besoins réels des personnes qui y sont exposées, il faut commencer par analyser les situations et co-construire les solutions collectives en matière d’éducation, de prévention, d’accompagnement et de prise en charge.  

En Côte d’Ivoire, un diagnostic communautaire réalisé au démarrage du projet POUVOIR avec des travailleuses du sexe a permis une compréhension fine des réalités contextuelles et socio-culturelles et d’ancrer la logique d’intervention dans les réalités des travailleuses du sexe. Ce diagnostic communautaire s’est ancré dans des méthodologies participatives inspirées de l’éducation populaire et des méthodologies féministes, qui permettent aux personnes de s’exprimer, dans un environnement de non-jugement, où un effort est fait pour mettre en place un espace sûr et déconstruire les rapports de pouvoir qui peuvent se reproduire. Par ailleurs, un exercice de cartographie participative des lieux sûrs – lieux de travail, lieux de flirt et de rencontres – a permis d’identifier les espaces où les travailleuses du sexe se sentent en insécurité et de discuter des pratiques et réflexes de recours à l’aide ou à une prise en charge. Enfin, cette analyse des besoins peut recouvrir plusieurs activités qui visent à questionner les rapports de pouvoir en cours dans la société et prendre conscience des déséquilibres qui existent selon la catégorie sociale des personnes, leur itinéraire de vie (mariage, divorce, enfants), leur orientation sexuelle, etc. Ces diagnostics constituent la première étape dans la prévention des VBG. Ils ont vocation à permettre un processus de conscientisation des représentations sociales et des inégalités de genre. 

Ce travail sur les représentations doit aussi concerner les soignant·e·s.en s’assurant qu’ils et elles partagent des valeurs et des attitudes de respect, de non-discrimination et de bienveillance. C’est pourquoi Solthis et ses partenaires proposent des ateliers d’échange sur les représentations et de transformation des attitudes qui visent à faire émerger les représentations sociales, les perceptions et croyances des participant·e·s, à les questionner pour les déconstruire. Ces ateliers permettent ainsi d’influencer positivement les attitudes et les comportements en lien avec les DSSR et abordent des sujets comme la sexualité des adolescent·e·s et jeunes, le consentement et les VBG, le genre, les différentes formes de pouvoir, le droit des patient·e·s, etc. Ils sont également l’occasion d’aborder la relation de soins, la question des rapports de pouvoir entre soignant·e·s et patient·e·s, la problématique des violences gynécologiques et obstétricales et des facteurs favorisant leur émergence. 

La prévention des VBG passe aussi par l’implication des premier·e·s concerné·e·s. Cela peut se traduire par la co-construction de messages de prévention, la co-animation d’ateliers où la parole est partagée entre expert·e·s des VBG et personnes concernées au regard de leurs expériences et de celle de leurs pair·e·s. Ainsi, en Guinée, le projet PAJES implique activement les adolescents et adolescentes et jeunes dans la co-construction de messages de prévention, la conception de vidéos de prévention des violences pour les réseaux sociaux et de magazines audios et vidéos sur les DSSR incluant la question des VBG. 

L’accès à une prise en charge globale centrée sur les personnes

En matière de lutte contre les VBG dans les structures de soins, une série d’actions est indispensable : prise en charge et réponse, prévention primaire (action sur les causes sous-jacentes à l’origine des violences), actions spécifiques dédiées à la prévention et à la réponse aux VBG auprès de certaines catégories de personnes particulièrement à risques (jeunes et adolescent·e·s, travailleur·euse·s du sexe, personnes LGBT+), incluant des formations à destination des soignant·e·s sur les besoins spécifiques de ces publics.

Mobilisation du photolangage pour échanger avec les soignant·e·s autour de leurs représentation des VBG, Abidjan septembre 2023

Crédit : Havas Africa / Solthis.

Ces actions doivent s’intégrer dans des services de qualité centrés sur les personnes. Ces services, intégrés dans les structures de santé couvertes par les projets, ou proposés par des structures externes, peuvent constituer une porte d’entrée privilégiée pour identifier et prendre en charge les survivant·e·s de VBG.

Les services de santé recouvrant la lutte contre les VBG incluent aussi ceux liés à la grossesse et l’accouchement. En effet, les actions de Solthis visent à favoriser des approches positives de la grossesse, de l’accouchement et de la parentalité, en accompagnant les soignant·e·s vers des pratiques d’accouchement respectueuses. Il s’agit de positionner les questions de consentement et de droits des personnes à disposer de leurs corps comme des prérequis essentiels. Autant de sujets qui visent à réhumaniser la relation patiente – soignant·e et prévenir les violences gynécologiques et obstétricales.  

Solthis accompagne le développement et l’accès à ces services par la mise en place de systèmes de référencement et d’orientation et la création de partenariats multisectoriels. Au Sénégal, dans le cadre du projet SANSAS, des ressources ont été allouées pour couvrir financièrement les frais liés au référencement et à la prise en charge des survivant·e·s (prise en charge médicale, psychosociale, hébergement d’urgence…). En complément, des formations ont lieu auprès des équipes des structures de santé afin d’offrir aux survivant·e·s le plus d’options possibles, et  leur permettre de suivre un parcours de prise en charge respectueux de leurs besoins.

 

Crédit : Mat Let.

Afin de favoriser la disponibilité de ces services, Solthis et ses partenaires mettent en place plusieurs actions : réalisation de diagnostics des capacités des organisations et structures de santé partenaires, cartographie des services existants, intégration des réseaux d’acteur·rice·s impliqué·e·s dans la prise en charge, rencontre avec les acteur·rice·s pour la mise en place des modalités de collaboration et de référencement.  

À toute étape de la prise en charge, ces actions visent à mettre la personne au cœur du processus décisionnel : qu’elle soit accompagnée par des professionnel·le·s qui l’informent sur les enjeux de santé liés à sa situation, sur les services disponibles, lui proposent un accompagnement sur mesure ou sollicitent son consentement éclairé pour toute mesure.   

Les démarches d’empowerment au cœur de la lutte contre les VBG

Crédit : Mat Let.

L’approche féministe des soins implique de valoriser les savoirs acquis par l’expérience et de travailler au renforcement du pouvoir d’agir des personnes. Dans la lutte contre les VBG, cela se traduit de plusieurs manières.

Tout d’abord, Solthis favorise des actions promouvant l’autonomie corporelle. Mieux connaître son corps en est un prérequis indispensable. Solthis et ses partenaires proposent ainsi des activités de développement de connaissances sur les savoirs anatomiques qui permettent de décliner une approche positive de la santé sexuelle et reproductive. Les usagères par la connaissance de leur corps et de l’apprentissage de leurs droits peuvent ainsi se prémunir plus facilement des violences gynécologiques et mieux faire valoir leurs choix concernant leur prise en charge.

Cela s’illustre dans le projet POUVOIR où Solthis et ses partenaires ont initié l’intégration de l’auto-gynécologie. Des ateliers rassemblent une dizaine de participant·e·s et s’articulent autour d’un échange entre paires – appelé cercle de femmes –, d’un temps d’apport de connaissances sur l’anatomie et d’un temps d’auto-observation gynécologique pour celles qui le souhaitent. La logique de ces ateliers est de faire évoluer le rapport au corps et les représentations autour du corps des femmes mais aussi de faire émerger une nouvelle culture de transmission des savoirs et d’échanges entre femmes, de transformer les compétences des femmes en expertise.

Les autres démarches d’auto-soins accompagnant les femmes vers plus d’autonomie peuvent prendre différentes formes : auto-observation gynécologique, auto-dépistage du VIH, auto-prélèvement pour le dépistage du cancer du col, contraception auto-injectable ou encore dispositifs de gestion des règles. Dans le projet POUVOIR sont mis, par exemple, à disposition des disques menstruels utilisables au cours de rapports sexuels pour permettre aux travailleuses du sexe de gérer de façon plus sûre l’exercice de leur travail pendant les périodes de règles et réduire les risques de pratiques intravaginales nocives. 

Solthis appréhende toutes ces actions comme des moyens de rendre les femmes actrices de leur santé et ce, d’autant plus, dans des contextes de forte stigmatisation et de risques de violences. En ce sens, Solthis explore aussi la possibilité de développer l’autodéfense féministe, en co-construction avec les femmes concernées comme les travailleuses du sexe en Côte d’Ivoire. Cette pratique de renforcement de l’estime de soi et de la confiance en soi permet également de prévenir et lutter contre les VBG. Adapter des méthodologies d’autodéfense féministe permettrait de renforcer leur autonomie, leur capacité à se protéger et leur liberté de circuler dans l’espace public et de travailler dans les conditions qu’elles souhaitent.

Crédit : Mat Let.

Conclusion : notre appel à l’action

Crédit : Mat Let.

La lutte contre les VBG doit s’intégrer de manière transversale dans l’ensemble des projets de développement international. En premier lieu dans le positionnement des acteurs de santé et le soutien à apporter aux militant·e·s, aux collectifs et aux organisations de la société civile impliquées dans cette lutte. Ce soutien doit se traduire par l’inclusion systématique de ces groupes (particulièrement les femmes et jeunes filles) dans les politiques publiques qui concernent leur DSSR, et par l’augmentation des financements de leurs actions.

Les actions en matière de promotion globale des DSSR, quels que soient les responsables de leur mise en œuvre, doivent intégrer le déploiement de stratégies articulées avec les réseaux d’acteur·ice·s existant·e·s afin que soient proposés des modèles de prise en charge holistique, de la prévention à la prise en charge.

Prévenir

  1. Sensibiliser les jeunes et les adolescent·e·s sur leurs droits en santé sexuelle et reproductive, et notamment au consentement, par l’éducation complète à la sexualité. Selon l’OMS, celle-ci consiste à « fournir aux jeunes des informations exactes et adaptées à leur âge sur la sexualité et sur leur santé sexuelle et reproductive, informations qui sont essentielles pour leur santé et leur survie ».
  2.  Impliquer les personnes concernées à toutes les étapes des projets mis en œuvre, y compris dans l’élaboration de messages de sensibilisation.
  3. Promouvoir les activités d’autosoin en DSSR comme un levier de renforcement du pouvoir d’agir des femmes et de réduction des risques pour la santé sexuelle et reproductive et plus globalement.
  4. Promouvoir les activités d’autodéfense et de développement de plans de sécurité pour les populations particulièrement exposées. Pour le public de travailleuses du sexe par exemple, cela peut se traduire par le partage d’informations concernant des clients violents, à l’image de la plateforme JASMINE portée par Médecins du monde, plusieurs associations de santé communautaire et de défense des droits des travailleur·se·s du sexe.
  5. Encourager une meilleure implication et responsabilisation des garçons et des hommes sur l’ensemble des questions de DSSR en tant qu’usager·ère·s des services, partenaires égaux et responsables et en tant qu’agents de changement. 
  6. Intégrer systématiquement dans les projets de DSSR un volet de prévention et de lutte contre les VBG et les violences gynécologiques et obstétricales, notamment en menant des recherches permettant de mieux comprendre ces phénomènes dans le contexte de l’Afrique de l’Ouest et particulièrement sur le volet gynécologique largement sous-étudié.

Répondre

  1. Renforcer les capacités des équipes soignantes pour des prises en charge plus inclusives des survivant·e·s de VSS, prenant en compte des besoins spécifiques des femmes. 
  2. Développer des approches qui intègrent le continuum de soins en multipliant les points d’entrée dans les soins pour les femmes et les types de prise en charge proposés (médical, psychologique, etc.).
  3. Renforcer l’offre de services et le référencement par la mise à jour des protocoles médicaux en matière de prise en charge des survivant·e·s, la mise à disposition de matériel et de médicaments suffisants et adaptés et la formalisation des systèmes de référencement sur la base des différents acteurs existants (des associations aux services de santé en passant par les services de police).

Favoriser le changement politique et l’implication des collectifs concernés

  1. Porter et soutenir les plaidoyers en faveur de législations plus adaptées à la prévention et la prise en charge des VBG, y compris sur l’accroissement des budgets dédiés.
  2. Soutenir et rendre visibles les actions des groupes et collectifs luttant contre les VBG, et intégrer leurs recommandations dans les projets ciblant cette thématique.

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