Il y a trente ans était célébrée pour la première fois de façon officielle le 8 mars, la journée de la femme. Mais que signifie réellement cette célébration annuelle, quelle en est l’origine et quels sont ses enjeux ?
Synthèse
La création d’une journée annuelle internationale des femmes destinée à soutenir et à diffuser leurs revendications résulte d’une initiative socialiste allemande. C’est en effet sur la proposition de Luise Zietz et de Clara Zetkin (figure éminente du parti social-démocrate) que l’Internationale des femmes socialistes en retiendra le principe à Copenhague en 1910. Cette journée internationale sera célébrée pour la première fois en Europe le 19 mars 1911.
C’est à la mouvance communiste que revient le choix de la date du 8 mars, choisie par Lénine en 1921 pour rendre hommage au rôle des femmes dans les débuts de la révolution russe (manifestations du 23 février 1917, soit le 8 mars dans le calendrier grégorien adopté l’année suivante). En 1955, c’est pourtant à une grève d’ouvrières new-yorkaises de 1857 qu’est rattachée cette commémoration par le journal L’Humanité, légende que l’on peut peut-être expliquer par la volonté du Parti communiste de dissocier cette manifestation de l’histoire des pays de l’Est, dans un contexte mondial de desserrement de l’étau communiste.
Cette origine mythifiée sera reprise par les mouvements féministes des années 1970 qui l’inscrivent dans leurs combats pour l’autonomie des femmes. Leur action porte au niveau international, puisque l’ONU déclare 1975 « année de la femme », avant de décréter en 1977 le 8 mars journée internationale des femmes et d’adopter en 1979 une Convention internationale sur l’élimination de toute discrimination à l’égard des femmes.
A l’échelle nationale, lorsque François Mitterrand est élu président de la République en 1981, la gauche dispose d’un programme sur les droits des femmes et de militantes aguerries, dont Yvette Roudy, nommée ministre des Droits de la femme. L’institutionnalisation de la journée du 8 mars est l’une des réalisations de ce ministère et témoigne du caractère incontournable de la question. Le 8 mars 1982 donne lieu à de nombreuses manifestations, dont le point fort est la réception donnée à l’Elysée et le discours de François Mitterrand. Malgré des difficultés réelles (notamment sur le dossier du remboursement de l’IVG), le 8 mars 1982 est doté d’une grande force symbolique et a marqué les esprits. Les 8 mars suivants seront moins éclatants, le gouvernement et l’Elysée étant moins impliqués.
L’institutionnalisation de la journée du 8 mars l’a installée dans le paysage médiatique, en faisant un sujet classique et repris chaque année, sans que la dimension revendicative n’en soit toujours justement représentée. Les thèmes abordées dans les médias sont souvent la vie professionnelle des femmes, la sous-représentation en politique, un peu moins les violences ou le travail domestique, tandis que le corps des femmes demeure un thème peu traité. Souvent, dans les reportages à l’étranger, ce sont les femmes victimes mises en avant, jamais les modèles positifs de l’Europe du Nord. Le discours médiatique n’est donc pas exempt d’une certaine ambiguïté.
La journée du 8 mars a peut-être perdu en mobilisation ce qu’elle a gagné à voir sa légitimité reconnue : sans doute faudrait-il retrouver l’esprit de 1982, quand Yvette Roudy voulait faire bouger la société, convaincre que les femmes ont des droits et construire l’égalité.