Union européenne : une action publique d’un nouveau type

L’Union européenne ne correspond, ni par ses objectifs, ni par ses institutions, ni par sa gouvernance, ni par ses mécanismes de participation démocratique, à un « État-nation », à une fédération ou une confédération. Si certaines approches fédérales ou confédérales ont pu marquer le processus d’intégration européenne, l’UE demeure un construit social original qui doit être analysé dans ses formes évolutives spécifiques.

  • Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la question s’est rapidement posée de savoir quelles initiatives prendre pour essayer d’empêcher le retour des conflits séculaires, en particulier entre la France et l’Allemagne, et toute forme de résurgence du fascisme et du nazisme. La première expression de l’intérêt « commun » pour les six États fondateurs a été le maintien de la paix, ainsi que la défense de valeurs démocratiques.
  • L’idée d’intégration européenne, présente dès le XIXe siècle, devient alors motrice.

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La première piste a consisté à mettre en commun les industries clés pour la reconstruction des économies après la guerre et qui étaient en même temps les bases des industries de guerre (c’est-à-dire à l’époque le charbon et l’acier), ce qui a débouché sur la création dès 1951 de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Elle a été inspirée par Robert Schumann qui a proposé le 9 mai 1950, dans une déclaration, de placer la production franco-allemande du charbon et de l’acier sous une autorité commune munie de pouvoirs supranationaux ouverte à la participation des autres pays européens.

La création de la CECA se réalise par la mise en place d’un marché commun du charbon, du minéral de fer, de la ferraille et de l’acier, par l’élimination les droits de douane et des restrictions quantitatives, de certaines discriminations dans le secteur des transports, avec régulation des prix et amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs, ainsi que la promotion du commerce et des investissements. Le Préambule du traité CECA mettait l’accent sur la création d’une « solidarité de fait » « par des réalisations concrètes » et par « l’établissement d’une communauté économique » pour « créer les bases d’une communauté plus large et plus profonde entre les peuples ».

Une première délégation de souveraineté. La création de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) dépasse les formes classiques de coopération économique entre les Etats. Elle vise une intégration économique dans les secteurs du charbon et de l’acier et donne naissance à un organisme politique inédit dont les pouvoirs proviennent par délégation des Etats membres fondateurs.

Une institution nouvelle, la Haute Autorité de la CECA a été fondée en tant qu’institution supranationale, de nature collégiale, dont les fonctions devraient être exercées en indépendance des Etats membres et dans l’intérêt général de la Communauté. Elle s’est installée à Luxembourg le 10 août 1952 avec comme premier président Jean Monnet. La Haute Autorité est composée de neuf membres, pas plus de deux membres ayant la nationalité d’un même Etat membre. Elle est chargée d’assurer la réalisation des objets fixés par le traité.

La CECA a donne une place essentielle à l’inter-étatique : le Conseil de ministres représentant les Etats membres qui exercent la présidence à tour de rôle. Dans certains cas, les décisions de la Haute Autorité devaient avoir un avis conforme du Conseil. Une Assemblée commune, parlementaire, composée de délégués que les Parlements sont appelés à désigner en leur sein une fois par an, exerçait une forme de contrôle démocratique sur la Haute Autorité, mais ses pouvoirs étaient très limités. Elle sera dissoute fin février 1958 avant la constitution de l’Assemblé unique de la CECA, de la CEE et d’EURATOM, sous le nom d’Assemblée Parlementaire Européenne. A l’occasion de sa première session, du 10 septembre 1952, la Conférence des Ministres des Affaires Etrangères des Etats membres a chargé l’Assemblée parlementaire de la CECA d’élaborer un projet de Traité instituant une Communauté Politique Européenne (adopté par l’Assemblée le 10 mars 1953 ; en novembre 1953 les ministres des Affaires étrangères confient à une Commission intergouvernementale la rédaction du traité instituant la CPE).

Une Cour de Justice a été créée pour assurer le respect du droit CECA dans l’interprétation et l’application du traité CECA.

Une fonction publique européenne indépendante a été progressivement mise en place, ainsi qu’un Journal Officiel de la CECA.

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Dès avant la signature du traité CECA, dans le contexte de la guerre froide et du déclenchement de la guerre de Corée, a été forgé le projet d’une « Communauté européenne de défense, de caractère supranational, comportant des institutions communes, des Forces armées communes et un budget commun ».

Le 24 octobre 1950, le ‘Plan Pleven’ de création d’une armée européenne intégrée est présenté devant la Chambre des députés par le Président du Conseil, René Pleven. La conférence sur l’élaboration d’un Traité instituant la CED a été ouverte le 15 février 1951, dont le projet a été paraphé un mois plus tard, le 19 mars et le traité signé le 27 mai 1952 à Paris. Des objectifs exclusivement défensifs lui étaient assignés.

L’architecture institutionnelle de la Communauté était inspirée par celle de la CECA : un Conseil de ministres, une Assemblée commune, un Commissariat de la Communauté, une Cour de justice.

Le caractère national des forces armées était affecté de manière importante par le traité. Ainsi, il était prévu que les forces armées de la Communauté seraient composées par la fusion de contingents mis à la disposition de la Communauté par les États membres, qui pourront entretenir de forces armées nationales seulement pour les objectifs et dans les conditions définis par le traité.

Mais ce projet de CED impliquait l’existence d’une communauté politique et la mise en place d’un système clairement supranational. Les conditions étaient loin d’en être réunies et en 1954 les députés français refusaient la ratification du projet. Cela a conduit à ce que le projet du traité instituant la Communauté Politique Européenne ne soit jamais examiné par les ministres des Affaires étrangères.

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Les gouvernements ont alors décidé de reprendre et d’étendre la voie initiée par la CECA (Conférence de Messine des Ministres des Affaires Etrangères, 26 mars 1955 et Rapport Spaak du 21 avril 1956), en développant une intégration économique générale progressive (y compris de l’énergie nucléaire), alternative au protectionnisme des années 1930, analysé comme facteur de rivalité et de guerre.

Le 25 mars 1957 étaient signés les traités de Rome instituant la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom). Ils sont entrés en vigueur le 1er janvier 1958.

Le traité de Rome crée des institutions nouvelles : Commission, Conseil des ministres, Assemblée Parlementaire Européenne (représentation des Parlements nationaux jusqu’en 1979 – le 20 mars 1962, elle a décidé de prendre le nom de Parlement européen ; à partir de 1979, constitué par élection au suffrage universel), Cour de justice des Communautés Européennes (qui succède à la Cour de Justice de la CECA), Comité Economique et Social de la CEE.

La logique de construction européenne a dès lors été fondée de manière principale sur une intégration économique, avec comme perspective un marché commun reposant sur trois caractéristiques :

  • un ensemble avec des dimensions supranationales, des politiques communes (commerce, agriculture, transport, l’élaboration de règles communes de concurrence) reposant sur certaines délégations de souveraineté des États membres, complété par une approche différente portant la coordination des politiques nationales (économiques, monétaires) ;
  • sa nature intimement juridique : l’Europe a été avant tout du droit, sous la forme de traités, de normes dérivées (directives, règlements, etc.) mises en œuvre par les institutions communautaires, et de la jurisprudence de la Cour de justice de Luxembourg (avec primauté du droit communautaire sur le droit interne des Etats membres) ;
  • le libéralisme économique : la construction communautaire a pris pour piliers les principes de libre-échange, puis de libre circulation et de libre concurrence, faisant ainsi des règles du marché son régulateur principal, sans que son objectif se limite à être une zone de libre-échange.

Mais, pour les « pères fondateurs », l’unification économique n’était qu’un moyen au service d’une ambition politique. Le Préambule du Traité CEE exprime la volonté de « mettre les bases pour une union encore plus étroite entre les peuples de l’Europe » et l’article 2 du traité de Rome précise que « la Communauté a pour mission, par l’établissement d’un marché commun et par le rapprochement progressif des politiques économiques des États membres, de promouvoir un développement harmonieux des activités économiques dans l’ensemble de la Communauté, une expansion continue et équilibrée, une stabilité accrue, un relèvement accéléré du niveau de vie, et des relations plus étroites entre les États qu’elle réunit ».

L’union politique de l’Europe a été mise sur l’agenda européen dès les premières années de la Communauté. Ainsi, à la suite de la rencontre entre de Gaulle et Adenauer sur l’union politique de l’Europe, le 28 juillet 1960, à Rambouillet, a été organisé, en février 1961, le premier sommet européen à Paris sur la ‘coopération politique’, qui a institué une Commission d’étude présidée par Christian Fouchet, ambassadeur français au Danemark. Le 18 juillet 1961, le deuxième Sommet européen de Bonn a étudié, entre autres, les travaux de la Commission Fouchet et a décidé de poursuivre des initiatives en vue d’une Union politique européenne. Le 2 novembre 1961, le Gouvernement français a présenté le ‘Plan Fouchet’ (projet de Traité sur une Union européenne). Les négociations ont échoué en avril 1962 à cause des conceptions divergentes entre les Etats membres sur la nature et la forme d’une telle union politique. Fin juin 1967, le 3ème Sommet européen à Rome a décidé de suivre la voie de la ‘coopération politique’.

En juillet 1967, le « Traité des fusions » marque la fusion de la Haute Autorité de la CECA avec la Commission de la CEE et la Commission d’EURATOM (la fusion avait été proposée en novembre 1959 par le Comité d’Action pour les Etats-Unis d’Europe institué par Jean Monnet en octobre 1955), ainsi que la mise en place d’un Conseil unique.

Le processus d’intégration européenne va connaître un double processus, d’élargissement du nombre d’Etats membres et d’approfondissement des compétences et de politiques communes.

Elargissements. Dès leur fondation, les Communautés européennes ont été ouvertes à l’adhésion de nouvelles démocraties européennes. Le Royaume-Uni a été en août 1961 le premier Etat qui a déposé la demande en vue de devenir membre de la Communauté, suivi par le Danemark, la Norvège et l’Irlande. Après un long blocage provenant en particulier de l’opposition du général de Gaulle, leurs demandes ont été renouvelées et les négociations prolongées ; les traités d’adhésion ont été signés le 22 janvier 1972 et suite aux processus nationaux de ratification trois des quatre pays rejoignent les Communautés le 1er janvier 1973 : le Royaume-Uni, le Danemark et l’Irlande. La Grèce a déposé sa demande d’adhésion en 1975, le Portugal et l’Espagne en 1977. Ils sont devenus membres respectivement les 1er janvier 1981 et 1986.

Les approfondissements du processus d’intégration européenne se réalisent avec les étapes suivantes.

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La crise économique déclenchée par la crise du pétrole de 1973 va provoquer une rupture par rapport au développement économique et social rapide des années qui ont suivi la guerre (cf. Les Trente glorieuses de Jean Fourastié) : partout en Europe, la croissance est fortement ralentie, le chômage explose, l’inflation se développe rapidement, etc. Pour beaucoup, la CEE apparaît impuissante pour faire face à la crise et la tendance au repli sur les intérêts nationaux de chaque Etat se développe.

Pourtant, l’idée de transformer la Communauté économique européenne en une ‘Union européenne’ a été affirmée dès le début des années 1970 et les sommets européens de Paris de 1972 et 1974 respectivement proclame et réaffirme l’objectif de réalisation de l’Union européenne d’ici la fin de la décennie. Pour cela, le ‘Rapport Tindemans’ propose la réalisation d’une union économique et monétaire, la réforme des institutions communautaires, la mise en place d’une politique étrangère commune et des politiques sociales et régionales. La crise économique et les différences et divergences entre les Etats membres ne vont pas permettre la réalisation de ces objectifs dans le délai ambitieux proposé.

En même temps, des évolutions institutionnelles sont réalisées dans cette décade avec la création du Conseil européen en 1974 et l’élection du PE au suffrage universel depuis juin 1979. Le Parlement européen a d’ailleurs eu l’initiative d’un projet de Traité établissant l’Union européenne (projet Altiero Spinelli) qu’il a adopté à une large majorité le 14 février 1984. Il proposait le transfert de nouvelles compétences au niveau communautaire de l’Union et des pouvoirs renforcés de co-législateur pour le Parlement. Si le document a été ignoré par les Etats membres, il a toutefois conduit à ce que les Conseils européens suivants décident des actions concrètes pour relancer la Communauté, sur deux fronts : la réforme institutionnelle (le Comité Dooge – dont le rapport a proposé la création d’une zone économique sans frontières intérieures, le renforcement de la coopération politique européenne y compris dans le domaine de la défense et de la sécurité et l’augmentation des droits décisionnels du Parlement européen) et « l’Europe des peuples » / People’s Europe (comité Pietro Adonnino). En juin 1983, le Conseil européen a également relancé l’idée d’une Union européenne dans une ‘Déclaration solennelle sur l’Union européenne’.

Pour sa part, dans la perspective du Conseil européen de juin 1985, la nouvelle Commission européenne, présidée par Jacques Delors a préparé un Livre blanc sur l’achèvement du marché intérieur répertoriant les mesures reçues pour la réalisation du marché intérieur et un calendrier de mise en oeuvre d’ici 1992. La problématique repose sur une nouvelle étape de l’intégration européenne : on sortira mieux de la crise ensemble que séparément.

A la suite de ces travaux et des propositions des Etats membres, une Conférence Intergouvernementale a été convoquée pour négocier un traité sur la politique étrangère et de sécurité et des amendements au traité CEE dans la perspective du Conseil européen de décembre 1985. Un accord a pu être retrouvé sur les objectifs proposés par la Commission pour la réalisation du marché intérieur européen d’ici 1992. Toutefois, les Etats membres n’étaient pas encore prêts à avancer sur la voie de la construction de l’Union européenne, telle que proposé par projet de traité du Parlement européen.

Ainsi, l’Acte unique européen, signé en février 1986 et entré en vigueur le 1er juillet 1987, a couronné l’édifice économique avec l’objectif du « grand marché unique » pour le 1er janvier 1993, tout en rappelant l’objectif de création d’une Union européenne. Il comporte deux réelles innovations : la mise sur l’agenda des « quatre libertés fondamentales » de circulation (des personnes, des biens, des services et des capitaux), et l’instauration pour tout ce qui relève du marché unique du vote à la majorité qualifiée, ce qui enlevait le droit de veto dont pouvait disposer chaque État en demandant le vote à l’unanimité, lui permettant d’éviter de se faire imposer ce qu’il ne veut pas. L’Acte unique accélère considérablement l’élaboration législative communautaire, puisqu’il implique l’adoption de centaines de directives et règlements. La troisième partie du traité établit un cadre légal pour la coopération politique européenne dans le cadre de la politique étrangère européenne.

Pour autant, l’Acte unique reste dans une démarche pour l’essentiel économique. Il faut ainsi souligner le déséquilibre de l’Acte unique révélé par le processus d’européanisation des services publics. Engagé avec l’Acte unique de 1986 afin de mettre en œuvre les quatre libertés fondamentales de circulation, il s’est mené sur une stratégie consistant à casser les frontières et les monopoles nationaux ou locaux et à améliorer l’efficacité des services, en les « libéralisant » par l’introduction progressive de formes de concurrence, mais sans définir en même temps soit des services publics européens, soit du moins des objectifs communs d’intérêt général.

Avec et après l’Acte unique le processus d’élargissement et d’approfondissement de l’intégration européenne va continuer.

L’élargissement va plus que doubler le nombre des Etats membres. L’ancienne République Démocratique Allemande est devenue partie intégrante des Communautés en 1990, après la chute de l’ancien régime politique et l’unification avec la République Fédérale d’Allemagne. En 1994, les négociations d’adhésion avec l’Autriche, la Finlande, la Suède et la Norvège ont été conclues et, à l’exception de la Norvège, qui a rejeté l’accession par référendum, les autres Etats sont devenus membres de l’Union en 1995. Huit Etats d’Europe centrale et orientale ainsi que Chypre et Malte ont adhéré à l’UE en 2004, suivis par la Bulgarie et la Roumanie en 2007, puis la Croatie en 2014. Des négociations d’adhésion sont en cours avec l’Albanie, la Macédoine, le Monténégro, la Serbie et la Turquie.

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L’approfondissement de la construction politique avancera également. Ainsi, deux décennies après les premières propositions du Conseil européen, l’Union européenne voit le jour par l’adoption du traité de Maastricht. Toutefois, elle n’apparaît pas comme une entité unique mais en parallèle et avec les Communautés existantes.

Le traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992 à Masstricht et (entré en vigueur le 1er novembre 1993), moins de trois ans après la chute du mur de Berlin, est le fruit d’un consensus entre les représentants des Etats membres pour avancer à la fois l’union économique et monétaire et l’union politique. Il comporte un double caractère : d’un côté, il pousse à son terme l’intégration économique, avec l’Union économique et monétaire, la monnaie unique, les critères de convergence, la Banque centrale, etc. ; mais, en même temps, deux ans après la chute du mur de Berlin, il manifeste le retour à des objectifs clairement politiques : l’attribut « économique » est enlevé du titre du traité ; le 8 novembre 1993 le Conseil de Communautés européennes a adopté le titre de ‘Conseil de l’Union Européenne’ ; la Commission des Communautés européennes devient la ‘Commission européenne’ et le 17 janvier 1994 la Cour des comptes devient ‘Cour européenne des comptes’. Il est institué une ‘citoyenneté européenne’ ; les pouvoirs du Parlement européen dans le processus législatif de l’UE sont renforcés notamment par l’introduction de la procédure de co-décision et la pratique de consultation du Parlement pour la nomination du président de la Commission est codifiée ; le traité restreint les domaines exigeant l’unanimité des voix du Conseil (processus décisionnel qui caractérise le processus de décision des organisations internationales ‘classiques’), pour élargir le champ d’application de la méthode communautaire. Un nouvel organe, représentant les autorités régionale et locales – le Comité des régions – est crée pour donner son avis sur les décisions concernant les intérêts régionaux et locaux. Le traité pose les bases d’une Europe sociale (Protocole sur la politique sociale) ; il engage les fondements d’une construction diplomatique et de défense, avec le « deuxième pilier » – politique étrangère et de sécurité commune – ; un « troisième pilier » concerne la coopération en matière de justice et d’affaires intérieure ; il fait référence au principe de « subsidiarité » ; il définit de nouvelles politiques communautaires en matière de protection des consommateurs, de réseaux transeuropéens, de compétitivité de l’industrie, de cohésion économique et sociale, de protection de l’environnement.

Ces dispositions définissent un nouveau contenu à l’intérêt commun européen en construction. Alors que l’intégration européenne s’était menée jusques là essentiellement selon la logique économique de la concurrence et du marché, on assiste à l’émergence possible de deux autres logiques, à la fois en coexistence et en concurrence avec la première : celle de la coopération entre les acteurs des différents pays et celle de la solidarité. Ce sont les tensions entre ces logiques, ainsi qu’entre intérêt commun et intérêts nationaux qui structurent les étapes ultérieures.

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Le traité d’Amsterdam de 1997 concrétise de nouvelles réformes visant en particulier l’introduction de l’euro et la coordination des politiques économiques, ainsi que la perspective de l’élargissement de l’UE.

A propos des services d’intérêt économique général (SIEG), il fait référence, pour la première fois (nouvel article 16) à la « cohésion territoriale » et consacre les SIEG en tant que « valeurs communes », comme fondements de l’intérêt commun. Il y a en effet dans le « modèle européen de société ou de civilisation », du fait de son histoire, de sa culture, des mouvements sociaux qui l’ont marqué, en particulier au cours des deux derniers siècles, une série d’unités contradictoires, de tensions, qui ne se manifestent pas de la même façon ailleurs qu’en Europe : entre individu et collectif, droits et devoirs, libertés et contraintes, concurrence et solidarité, compétition et égalité, capital et travail, flexibilité et sécurité, travail et autres formes de la vie sociale, marché et intérêt général, public et privé, économie et social, ouverture et repli, participation et retrait, responsabilité et domination, autorité et démocratie, centralisation et décentralisation, concentration et déconcentration, progrès et réaction, changement et tradition, expansion et ancrage, nation et internationalisme, consommateur et citoyen, etc. Ces rapports évoluent en fonction des attentes, aspirations, besoins et rapports de forces.

Après le traité de Maastricht, qui avait mis l’accent sur le respect des droits fondamentaux, tels que garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, le traité d’Amsterdam fait référence au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales en tant que principes communs aux Etats membres. Le Conseil européen tenu à Cologne les 3 et 4 juin 1999 a décidé « de réunir les droits fondamentaux en vigueur au niveau de l’Union dans une Charte de manière à leur donner une plus grande lisibilité ». La Charte des droits fondamentaux de l’UE, élaborée par une Convention, a été proclamée lors du Conseil européen de Nice de décembre 2000. La Convention a été instituée par le Conseil européen de Cologne de juin 1999 pour élaborer le projet de Charte. Elle a été constituée de : 15 représentants des Chefs d’Etat et de Gouvernement, 30 représentants des Parlements nationaux, 16 représentants du Parlement européen et 1 représentant de la Commission. La Convention a été présidée par Roman Herzog, ancien Président de la République fédérale d’Allemagne et de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe.

Elle définit explicitement et pour la première fois les références communes auxquels les citoyens et personnes peuvent se référer. Elle n’a cependant de valeur juridique qu’avec le traité de Lisbonne en vigueur depuis le 1er décembre 2009.

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Après le non-évènement du traité de Nice de 2000 par rapport à l’objectif d’adapter l’UE à l’élargissement à venir aux Pays d’Europe centrale et orientale (composition de la Commission européenne, répartition des votes au Conseil et extension du vote à la majorité qualifiée, coopération renforcée entre les Etats membres et organisation de la Cour de Justice), l’idée de reprendre la méthode de la Convention est réapparue en 2001 (‘Convention sur l’avenir de l’Europe’). Elle devrait permettre de traiter les quatre questions soulevées par la ‘Déclaration sur le futur de l’UE’ prononcée à Nice en décembre 2000 concernant : la délimitation des compétences entre l’UE et les Etats membres reflétant le principe de subsidiarité, le statut de la Charte de droits fondamentaux de l’UE, la simplification des traités et le rôle des parlements nationaux. En décembre 2001, le Conseil européen de Laeken a avancé l’idée de rédiger une « constitution », comme si l’UE était un Etat… Cela s’est avérée être très largement prématuré…

En mai et juin 2005, les votes des populations françaises et néerlandaises ont rejeté la ratification du traité instituant une Constitution pour l’Europe.

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Cependant, les principales dispositions institutionnelles et politiques du projet constitutionnel ont été reprises dans les traités de Lisbonne, TUE (objectifs et institutions) et TFUE (politiques communes) (accompagnés de déclarations et protocoles) avec cependant un bémol essentiel : tous les éléments pouvant être interprétées comme des étapes vers une transformation possible de l’Union européenne en une fédération politique ont disparu et les références aux compétences et pouvoirs des États membres ont été renforcées.

Le traité de Lisbonne marque une pause dans un processus qui pouvait sembler irréversible, un repli sur les États membres, leurs intérêts et leurs prérogatives. Cette tendance a d’ailleurs été renforcée par la crise financière, économique et sociale de 2008-2011, qui, comme toute crise économique, amène dans un premier temps des replis sur les intérêts individuels de chaque groupe et collectivité, de chaque État, dans le vain espoir de limiter les effets de la crise et d’en trouver plus facilement des issues.

L’intégration européenne n’a pas seulement donné lieu à la définition de politiques communes ainsi que de règles et normes communes ; elle s’est aussi traduite par la mise en place d’institutions nouvelles, porteuses de logiques spécifiques. L’Union européenne est caractérisée par un système institutionnel original qui la distingue des organisations internationales classiques tout comme des États-nation traditionnels. Les États consentent des délégations de souveraineté (compétences exclusives de l’UE ou partagées avec les États-membres) au profit d’institutions, représentant à la fois les intérêts nationaux et l’intérêt communautaire, et liés par des rapports de complémentarité dont découlent les processus décisionnels.

Les institutions communautaires sortent du cadre traditionnel de référence des États-nation, distinguant les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Ce sont une série de réseaux (nationaux, politiques, administratifs, économiques), dont le langage commun est un système d’arbitrage d’ordre juridique.

Le Conseil européen réunit les chefs d’État et de gouvernement des 27 États membres ; il définit les orientations politiques et fixe les priorités de l’Union ; avec le traité de Lisbonne il est élevé au rang d’institution, dotée de compétences étendues et d’une présidence stable élue en son sein par les membres du Conseil européen pour cinq ans au maximum. Le Conseil, également appelé « Conseil des ministres », réunit les ministres représentant chacun un État membre ; il partage les pouvoirs législatif et budgétaire avec le Parlement européen, mais son pouvoir d’exécution est difficile à distinguer du pouvoir de production des normes juridiques : il relève du législatif, mais aussi de l’exécutif, en particulier en matière de politique étrangère et de sécurité.

La Commission européenne est un quasi-exécutif, encadré par des compétences précises d’attributions. Outre le fait d’être gardienne des traités, elle dispose du quasi-monopole de l’initiative législative ; mais, en même temps, elle structure de fait l’essentiel de la législation dérivée. Dans certains domaines, elle a un pouvoir normatif propre. Elle a aussi des responsabilités de contrôle et est une sorte de « procureur » européen qui a des fonctions quasi juridictionnelles : par exemple, en matière de concurrence ou de commerce extérieur, la procédure devant la Commission ressemble beaucoup à une quasi-procédure juridictionnelle avec une faculté d’appel à la Cour de justice de l’Union européenne.

Si le traité de Lisbonne définit une « procédure législative ordinaire » reposant sur la codécision entre le Conseil des ministres et le Parlement européen, d’autres modes de décision continuent à exister dans certains domaines.

Le Parlement européen est l’organe d’expression démocratique et de contrôle politique, qui participe également au processus législatif. Il exerce conjointement avec le Conseil une fonction législative. Chacun des traités depuis l’Acte unique de 1986 est venu progressivement renforcer les pouvoirs du Parlement, qui dorénavant vote le budget, investit la Commission et peut la censurer. Mais le Parlement européen ne relève pas, à la différence des parlements d’États-nation, de clivages majorité/opposition, mais de la recherche de convergences les plus larges possibles, car c’est à ce prix qu’il pèse dans le rapport avec les autres institutions (cf. le long processus de la directive services).

La procédure législative ordinaire et les interactions Conseil-Parlement relèvent de la double légitimité de l’Union européenne, dont les rapports ont évolué dans le temps, mais qui reste et restera longtemps constitutive, celles des États membres – et donc de l’intergouvernementalité – et celle qui repose sur l’élection du Parlement européen au suffrage universel. En témoigne également le système de double majorité que le traité de Lisbonne met en place à partir de 2014 : les décisions du Conseil devront être adoptées par 55 % des États membres représentant au moins 65 % de la population de l’Union.

La quatrième grande institution européenne, la Cour de justice, juge des contentieux qui lui sont soumis soit directement soit par des questions préjudicielles posées par des juridictions nationales dans la mise en œuvre et l’interprétation des traités européens et du droit communautaire. Elle ne peut s’autosaisir, mais ses jugements sont sans appel et font jurisprudence pour les cas similaires. Elle élabore ainsi au cas par cas « une interprétation qui s’incorpore aux normes » (Antoine Masson, Droit communautaire. Droit institutionnel et droit matériel, Larcier, 2008, p.56) et peut être ainsi considérée comme un quasi-législateur.

Le Conseil et la Commission sont assistés par le Comité économique et social, qui vise une association active des milieux professionnels, syndicaux et de la société civile, ainsi que, depuis le traité de Maastricht, par le Comité des régions, dont les membres représentent les autorités locales et régionales des États. Ils doivent être obligatoirement consultés avant l’adoption d’un grand nombre de décisions et peuvent également rendre des avis de leur propre initiative.

Parmi les organes européens, il faut également ajouter la Cour de comptes européenne, ainsi que la Banque européenne d’investissement et la Banque centrale européenne.

Ainsi, les institutions et organes européennes sont le reflet des différentes sources de légitimité de l’Union européenne, des unités contradictoires entre intérêt commun et intérêts nationaux, régionaux et locaux, entre le « communautaire » et l’interétatique, entre méthode communautaire et intergouvernementalité. En témoignent les six « présidents » dont le traité de Lisbonne dote l’Union européenne : le président permanent du Conseil, la présidence tournante (tous les 6 mois) du Conseil des ministres, le président de la Commission européenne et le président du Parlement européen, auxquels on peut ajouter d’une part la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et d’autre part le président de la Banque centrale européenne. Ce partage et ce jeu interinstitutionnel suffisent à démontrer l’originalité de l’Union européenne, l’impossibilité de plaquer sur celle-ci les concepts traditionnels des États nation.

Le Livre blanc sur la gouvernance [COM(2001) 428] fait une description idéalisée de la « méthode communautaire », qui vise à associer une série d’unités contradictoires : entre diversité et unité, grands et petits pays, intérêt général au niveau de l’Union et intérêts particuliers des et au sein des États : « la Commission européenne est la seule à formuler des propositions législatives et de politiques. Son indépendance renforce sa capacité d’exécuter les politiques, d’être la gardienne du Traité et de représenter la Communauté dans les négociations internationales. Les actes législatifs et budgétaires sont adoptés par le Conseil de ministres (représentant les États membres) et le Parlement européen (représentant les citoyens). L’emploi du vote à la majorité qualifiée au Conseil est un élément essentiel pour assurer l’efficacité de cette méthode. L’exécution des politiques est confiée à la Commission et aux autorités nationales. La Cour de justice des Communautés européennes garantit le respect de l’état de droit ».

Mais il existe aussi un autre mode d’européanisation, la « méthode ouverte de coordination » (MOC), lancée officiellement en 2000 au Conseil européen de Lisbonne. Elle est « un moyen d’encourager la coopération, d’échanger de bonnes pratiques et de convenir d’objectifs communs et d’orientations communes aux États membres (…). Elle se fonde sur la mesure régulière des progrès réalisés sur la voie de ces objectifs afin que les États membres puissent comparer leurs efforts et s’enrichir de leurs expériences mutuelles » [COM(2001)428]. La MOC permet de faire émerger des accords consensuels qui n’ont pas d’effet obligatoire pour tous les États membres mais qui peuvent s’imposer politiquement ou socialement.

Au cœur de ces enjeux de gouvernance figure la mise en œuvre d’un principe consacré par l’intégration européenne : le principe de subsidiarité. Ce principe est souvent faussement présenté comme donnant dans chaque circonstance la priorité aux échelons locaux, à moins que ceux-ci ne « délèguent » leurs responsabilités aux échelons supérieurs nationaux ou communautaires. En fait, le traité de l’Union européenne (article 5) précise : « L’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent. Toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres. En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu’au niveau régional et local, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union. En vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l’action de l’Union n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités ».

Une bonne application du principe de subsidiarité implique d’examiner au cas par cas, et de manière évolutive, ce qui doit relever de l’Union européenne dans la mesure où elle est plus efficace que chacun des États agissant séparément, là où donc son intervention apporte une « valeur ajoutée ». En même temps, l’Union européenne doit limiter son action à ces compétences et n’utiliser que les moyens nécessaires aux objectifs ainsi définis.

Sur la base des dispositions précédentes des traités et de la jurisprudence communautaire, le traité de Lisbonne a codifié les catégories des compétences de l’UE :

  • compétences exclusives : l’Union a un pouvoir législatif exclusif dans cinq domaines – union douanière, règles de concurrence pour le fonctionnement du marché intérieur, politique monétaire de l’euro, conservation des ressources biologiques marines et la politique commerciale commune ; les Etats membres peuvent légiférer dans ces domaines seulement dans les cas prévus par le droit de l’Union et en cas de mise en œuvre du droit de l’UE ;
  • compétences partagées : dans une série de domaines l’UE et les Etats membres ont un pouvoir normatif législatif et réglementaire partagé – marché intérieur, certains aspects de la politique sociale, politique de cohésion, la politique agricole commune et la politique de la pêche pour des aspects qui ne font pas l’objet d’une compétence exclusive, l’environnement, la protection des consommateurs, le transport, les réseaux trans-européens, l’énergie, l’espace de liberté, sécurité et justice, la sécurité commune sur certains aspects définis par le traité ; toutefois, si l’UE a légiféré dans ces domaines, les Etats membres peuvent exercer leur compétence seulement si l’UE n’a pas exercé sa compétence ou si elle a décidé de ne plus l’exercer ;
  • compétences d’appui : dans des domaines dans lesquelles l’action de l’Union peut appuyer, coordonner ou compléter les actions des Etats membres sans pouvoir adopter des règles d’harmonisation – protection et amélioration de la santé humaine, industrie, culture, tourisme, éducation, formation professionnelle, jeunesse et sport, protection civile, coopération administrative.

L’article 5, paragraphe 4 TUE dispose que « le contenu et la forme de l’action de l’Union n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités ». L’application et les modalités de contrôle de ce principe sont développées dans le Protocole n° 2.

De la même façon, il faut s’interroger sur la démocratie et ce qu’il est convenu d’appeler le « déficit démocratique européen ». Le concept et la théorie de démocratie tels que définis dans les « démocraties occidentales » sont-ils opératoires et adéquats aux réalités de ce qu’est l’Union européenne ? Sans doute le Parlement européen est-il l’institution qui correspond le mieux aux normes habituelles de la « représentation démocratique », encore que son élection dans le cadre chaque État membre et avec des modes différents représente une entorse à l’idéal type et que la participation au processus électoral est en déclin. Mais le jeu complexe des institutions européennes dont nous avons rappelé les principales spécificités ne saurait relever d’une appréciation quantitative d’un trop peu de démocratie.

Il faut en particulier prendre en compte deux originalités du fonctionnement des institutions européennes, la « comitologie » et le « lobbying », qu’une appréciation hâtive caractérise, en particulier en France, comme des entraves à une véritable démocratie. En fait ce sont aujourd’hui des un outils essentiels qu’utilisent les institutions communautaires, en particulier la Commission, mais aussi le Parlement européen pour connaître la diversité des réalités dans toute l’Union européenne. La Commission européenne ne dispose que d’effectifs limités (contrairement à l’image donnée des « eurocrates ») et de peu d’éléments pour appréhender la série de diversités qui existent à l’échelle des 28 États membres ; alors qu’elle a pour fonction en particulier de promouvoir l’intérêt communautaire et de faire des propositions législatives et politiques, elle ne dispose que de peu de moyens de connaissance de la réalité dans toutes ses dimensions, les États membres étant structurellement attachés à conserver leurs données et connaissances, compte tenu des tensions entre intérêts nationaux et intérêt commun européen. Le lobbying est dès lors apparu comme étant un moyen essentiel de contournement de cet obstacle, en invitant tous ceux qui le veulent à faire part de leurs réflexions et propositions, de manière officielle et la plus transparente possible.

A l’évidence, les différents acteurs ont des moyens très différents pour conduire ce lobbying, pour répondre aux consultations organisées par la Commission européenne, pour venir rencontrer les services de la Commission ou les Parlementaires européens. Il y a là un chantier à ouvrir pour développer le pluralisme du lobbying, assurer un contrôle parlementaire efficace, faire respecter des règles de déontologie. Mais il serait absurde de prétendre l’interdire : il est légitime que les acteurs se regroupent pour faire entendre leurs besoins, aspirations et demandes, sauf à remettre en cause le droit d’association.

Nous retrouvons ici la place de « l’individu » et du « citoyen » dans cette construction. Si l’Union était un véritable État, chaque individu pèserait de la même manière et le Parlement européen serait élu directement par l’ensemble de ses citoyens au niveau de l’Union et non par représentations nationales. Et la représentation au sein des institutions pourrait se faire selon des algorithmes dépassant les cadres nationaux.

Le traité de Lisbonne innove en instituant une « initiative citoyenne » par laquelle un million de citoyens européens ressortissants d’au moins un quart des États membres pourront demander à la Commission européenne de présenter de nouvelles propositions législatives.

Tout citoyen de l’Union européenne a, d’autre part, le droit de présenter une pétition au Parlement européen sur une question relevant des compétences de l’Union et qui concerne une autorité publique nationale ou européenne. Les pétitions sont adressées à la commission des pétitions du Parlement, qui peut aller, dans certains cas, jusqu’à faire réaliser un rapport ou effectuer une mission d’enquête.

Les plaintes des citoyens envers les institutions de l’Union peuvent être adressés au Médiateur européen. Le médiateur est nommé par le Parlement et chargé d’examiner ces plaintes et de les régler à l’amiable. À défaut, il fera des recommandations et, si celles-ci ne sont pas suivies, adressera un rapport spécial au Parlement. Ce mécanisme permet au citoyen de solutionner une situation conflictuelle sans recourir aux voies juridictionnelles.

Le devenir de l’intégration européenne n’est pas écrit d’avance. Il s’écrira à travers crises et avancées, sur la base de rapports de forces, de mouvements sociaux.

L’Union européenne n’est – et ce sera vrai pour une longue période – ni un État-nation – car il faudrait qu’existe une « nation » européenne -, ni un super-État, ni une fédération, ni une confédération, ni un « État du troisième type », mais reste ce que Jacques Delors qualifiait d’OPNI (objet politique non identifié). Certes l’Union européenne dispose aujourd’hui de certaines prérogatives de pouvoir d’État, mais le jeu particulier de la répartition des compétences, du principe de « subsidiarité » et des institutions, les rapports entre un intérêt commun – « communautaire » – en construction et la persistance – voire souvent l’exacerbation, en particulier comme première réponse à la crise – des intérêts nationaux, devraient nous empêcher de plaquer sur l’Union européenne des concepts et théories construites pour rendre compte d’autres réalités : calquer les modes de penser l’UE sur la manière dont nous analysons les États nations est une impasse.

C’est pourquoi l’on peut parler d’une « action publique d’un nouveau type ».

On voit bien aujourd’hui combien les débats sur la « gouvernance économique » et le « Pacte pour l’euro + » adopté par le Conseil européen des 24 et 25 mars 2011 ne sont pas ceux qu’aurait un « État » intégrant toutes les dimensions politiques, économiques, sociales et culturelles, mais restent étroitement économiques et financiers.

Peut-être l’Union européenne pourra-t-elle est assimilée un jour à un « État », à condition de reposer sur une « nation » à laquelle s’identifieraient tous les individus… Mais les conditions sont loin d’en être réunies. L’« accrochage institutionnel » de l’individu se fait non pas par une adhésion à un « État » abstrait mais par un attachement symbolique à la Nation perçue comme une famille élargie, dont l’existence s’est construire historiquement comme opposée aux autres. La « nation européenne » n’existe pas aujourd’hui.

Par ailleurs, si ses domaines d’action et ses programmes de financement se sont progressivement étendus, l’Union européenne dispose de ressources financières très limitées (toutefois, beaucoup plus élevées que celles des organisations internationales ‘classiques’) : elles s’élèvent à moins de 1 % du revenu national brut (RNB) de l’ensemble de ses Etats membres pour 45 programmes de financement (2014-2020) qui oeuvrent pour la compétitivité, pour la croissance et l’emploi, la cohésion, la croissance durable, la sécurité et la citoyenneté et pour soutenir l’action de l’Europe dans le monde.

Ainsi, ses ressources financières, quoiqu’en augmentation jusqu’aux années 2000, demeurent très subsidiaires par rapport à celles des Etats membres, ce qui leur confère un rôle d’accompagnateur, de levier. Par ailleurs, le poids des ressources propres a beaucoup diminué au cours des dernières décennies. Ainsi, au début de la période de programmation budgétaire 2014-2020, plus de 70 % des ressources proviennent des Etats membres (sur la base de leurs RNB), contre 35 % en 1997.

Pierre Bauby, L’européanisation des services publics, Presses de SciencesPo, 2011 ; Service public, services publics, La Documentation française, 2011.

Jean-Louis Clergerie, Le principe de subsidiarité, Ellipses, 1997.

Henri Oberdoff, L’européanisation des politiques publiques, PUG, 2008.

Présidence Française de l’Union européenne – Sénat – Comité des Régions, Les assises de la subsidiarité. Actes de la conférence du 24 octobre 2008,

http://www.senat.fr/colloques/actes_assises_subsidiarite/actes_assises_subsidiarite.pdf

JeanLouis QuermonneL’Europe à l’épreuve du temps long, Presses de SciencesPo, Paris, 2013.

Jean-Louis Quermonne, Le système politique de l’Union européenne, Montchrestien, 8è ed., 2010.

Jacques Ziller (dir.), L’Union Européenne – Edition Traité De Lisbonne, La Documentation Française, Paris, 2008.

Pour aller plus loin – Fondation Jean-Jaurès

« Groupe Europe », Pourquoi l’Europe unie aujourd’hui ?, Note publiée par l’Observatoire Europe de la Fondation Jean-Jaurès, 14 mai 2014

« Groupe Europe », L’Union politique se fera avec les peuples de l’Europe, Note publiée par l’Observatoire Europe de la Fondation Jean-Jaurès, 15 juillet 2013

Bernard Poignant, Voyage au cœur du Parlement européen, 25 mai 2009

Collectif, Le jour où la France a dit non. Comprendre le référendum du 29 mai 2005, 1er octobre 2005, n°2, Fondation Jean-Jaurès/Plon, octobre 2005

Pour aller plus loin – Fondation européenne d’études progressistes (FEPS)

http://www.feps-europe.eu/en/publications/post

Pour aller plus loin – Friedrich Ebert Stiftung (FES)

http://www.fes-europe.eu/index.php ?lang=en

Pour aller plus loin – Fondation Robert Schuman

http://www.robert-schuman.eu/fr/

Pour aller plus loin – Institut Jacques Delors

http://www.delorsinstitute.eu/

Pour aller plus loin  Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne

Panorama des cercles de réflexion bruxellois, http://www.rpfrance.eu/-panorama-des-think-tanks-