Tout ce qu’il faut savoir sur les Accords de Minsk en 22 questions

Alors que les Accords de Minsk étaient censés apporter la paix à l’Ukraine, pourquoi donc la guerre continue-t-elle dans le Donbass depuis près de quatre ans ? Pour éclairer la situation, la Fondation, dans le cadre de son partenariat avec L’Ukraine est notre voisin, publie un texte, réalisé par le site Euromaidanpress en 2018 et réactualisé, qui présente en détail la teneur desdits accords et l’état d’avancement de leur application.

En Ukraine orientale, le conflit entre l’armée ukrainienne et les séparatistes soutenus par Moscou a commencé au printemps 2014 et n’a jamais pris fin. En juillet 2014, alors qu’il semblait que l’armée ukrainienne allait reprendre tous les territoires qui échappaient à son contrôle, des tirs d’artillerie russes partis de l’autre côté de la frontière puis, en août, une véritable invasion russe ont stimulé les forces au sein du Donbass occupé, à savoir les gouvernements fantoches des « républiques populaires de Luhansk et de Donetsk », faisant couler beaucoup de sang. Les prétendus « Accords de Minsk » (en fait des protocoles, moins précis et moins contraignants que des accords internationaux) ont été négociés en vue de parvenir à un règlement pacifique du conflit, mais la guerre se poursuit depuis près de quatre ans, tuant aussi bien des civils que des soldats. D’aucuns prédisent que le Donbass occupé deviendra une zone de conflit gelé, comme la Russie en a créées beaucoup. En dépit de cela, des hommes politiques, tant ukrainiens qu’occidentaux, déclarent publiquement que les Accords de Minsk sont la seule voie pour parvenir à un règlement pacifique. Or la nature de ces accords est souvent peu claire.

Qu’est-ce que les Accords de Minsk ?

Le Protocole de Minsk (ultérieurement connu sous le nom de Minsk I) ainsi que le Mémorandum de suivi de Minsk de septembre 2014 et l’ »Ensemble de mesures pour l’application des Accords de Minsk » (Minsk II) sont des accords passés entre l’Ukraine et la Russie pour résoudre le conflit en Ukraine orientale.

Le 5 septembre 2014, les représentants du Groupe de contact trilatéral sur l’Ukraine (Russie, Ukraine et OSCE, Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), réunis sous les auspices de l’OSCE, ont signé à Minsk, capitale de la Biélorussie, le Protocole de Minsk, ultérieurement appelé Minsk I. Des représentants des « républiques populaires » autoproclamées de Donetsk et de Luhansk (« RPD » et « RPL ») ont eux aussi signé. Le Protocole de Minsk était un accord de cessation des hostilités dans le Donbass, en Ukraine orientale. Dans ses détails, le Protocole de Minsk ressemblait beaucoup au « plan de paix en 15 points » que le président ukrainien Porochenko avait proposé le 20 juin 2014. Il a été complété le 19 septembre 2014 par un Mémorandum qui précisait les conditions d’un cessez-le-feu. Si l’Accord n’est pas parvenu à mettre un terme aux combats, il en a sensiblement diminué l’intensité dans la zone des conflits pendant quelques mois, jusqu’à ce qu’il échoue en décembre 2014-janvier 2015.

Le 11 février 2015, un second Accord de Minsk (« Ensemble de mesures pour l’application des Accords de Minsk », ou Minsk II) a été signé par le Groupe de contact trilatéral et, à nouveau, par les représentants de la « RPD » et de la « RPL ». La signature avait été précédée d’un sommet des chefs d’État ukrainien, russe, français et allemand, qui ont convenu de mesures pour remédier aux souffrances causées par la guerre dans le Donbass. Minsk II était censé réactiver Minsk I1On peut trouver le texte intégral de Minsk I sur Wikipedia ou sur le site internet de l’ONU ; idem pour Minsk II, sur Wikipedia ou sur le site de l’ONU..

Qui est à l’origine de ces Accords ?

Les Accords de Minsk ont d’abord été négociés au téléphone entre Vladimir Poutine et Petro Porochenko puis, dans le format dit « Normandie », entre des représentants de l’Ukraine, de la Russie, de l’Allemagne et de la France. Ils ont ensuite été rédigés et signés par le Groupe de contact trilatéral (Ukraine, Russie, OSCE).

Le format Normandie est le cadre d’un dialogue diplomatique de fond sur les questions liées au Donbass entre les chefs d’État des quatre pays – Angela Merkel, Emmanuel Macron, Petro Porochenko et Vladimir Poutine – ou entre leurs ministres des Affaires étrangères – Sigmar Gabriel, Jean-Yves Le Drian, Pavlo Klimkin, Sergueï Lavrov. Les décisions adoptées dans le format Normandie sont ensuite examinées et approuvées au sein du Groupe de contact trilatéral.

Depuis l’été 2014, quatre sommets ont eu lieu et une vingtaine de réunions et entretiens téléphoniques. C’est une initiative ad hoc de dialogue lancée par Angela Merkel et François Hollande pour promouvoir le dialogue entre la Russie et l’Ukraine, à l’occasion des célébrations du 70e anniversaire du Débarquement allié, auxquelles participaient le président russe et le président ukrainien nouvellement élu à la suite de la révolution de l’Euromaidan.

Le groupe de contact trilatéral comprend l’Ukraine, la Russie et l’OSCE, représentés par Leonid Koutchma, deuxième président ukrainien, Martin Sajdik, président et représentant spécial de l’OSCE, Boris Gryzlov, président du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie, et Denis Pushylin, un des chefs de la « RPD », et Vladislav Deynego, un des chefs de la « RPL ».

Depuis juillet 2014, il se réunit deux ou trois fois par mois. Le groupe est chargé de faciliter le règlement diplomatique du conflit armé dans le Donbass et est composé de groupes de travail sur la sécurité, les problèmes politiques, humanitaires et économiques. Les résultats sont à ce jour : deux accords de paix signés : Minsk I (5/9/2014) et Minsk II (12/2/2015).

Au départ, la Russie était représentée au sein du Groupe de contact trilatéral par son ambassadeur en Ukraine, Mikhaïl Zurabov, qui a signé les deux accords de Minsk. Il a ensuite été remplacé par Boris Gryzlov, membre permanent du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie.

Quelles sont les parties aux Accords de Minsk ?

Il n’y a que deux parties aux Accords : l’Ukraine et la Russie. La France, l’Allemagne et l’OSCE supervisent les négociations.

Le Groupe de contact trilatéral, qui a négocié les deux accords de Minsk en Biélorussie, comprend les représentants de l’Ukraine, de la Russie et de l’OSCE. L’OSCE a encadré les négociations, la Biélorussie n’étant que le pays hôte. Minsk I a été signé par les membres suivants du Groupe de contact :

  • la diplomate suisse Teidi Tagliavini (représentante de l’OSCE)
  • l’ancien président ukrainien Leonid Koutchma (représentant de l’Ukraine)
  • l’ambassadeur de Russie en Ukraine Mikhaïl Zurabov (représentant de la Russie)
  • les signatures d’Alexandre Zakharchenko et Igor Plotnitsky, chefs de la « RPD » et de la « RPL » suivent celles des membres du Groupe de contact dans un paragraphe distinct. Seuls sont mentionnés leurs noms, sans indication de fonction.

Les signataires de Minsk II ont été les mêmes.

Selon l’expert Paul Niland2Paul Niland est également l’auteur de « Corruption et réformes en Ukraine : le bilan des années Prochenko », Fondation Jean-Jaurès, 2019., « la raison de cette double structure de négociations et de signataires est que toute négociation directe avec des gens prétendument à la tête des « RPD » et « RPL » leur conférerait une légitimité indue ».

La « RPD » et la « RPL » ne sont reconnues comme États indépendants par aucun pays, pas même par la Russie, qui les a créées et y exerce son contrôle.  Les Accords de Minsk utilisent l’expression « certaines parties des oblast (régions) de Donetsk et Luhansk (ou « des districts particuliers », en abrégé, « ORDLO ») » pour désigner les territoires qui échappent au contrôle des autorités ukrainiennes. Les documents officiels ukrainiens utilisent aussi le sigle ORDLO pour désigner les territoires des deux oblast, ou font la distinction entre ORLO (Luhansk) et ORDO (Donetsk). La loi sur la réintégration du Donbass que l’Ukraine a adoptée en janvier 2018 les désigne comme territoires occupés.

À quoi les parties se sont-elles engagées ?

Les engagements pris sont censés régler le conflit. Les deux parties doivent respecter un cessez-le-feu et retirer leurs troupes et leur matériel militaire. L’Ukraine doit amnistier les participants au conflit, procéder à des élections locales et, dans la Constitution, reconnaître à la région une autonomie de fait. La Russie doit rapatrier son matériel et ses mercenaires, veiller à ce que les formations militaires aient déposé les armes et rendre à l’Ukraine le contrôle de sa frontière avec la Russie.

Le Protocole de Minsk I comprend 13 points, qui peuvent se diviser en quatre groupes :

– Mesures de sécurité :

  • Négocier un cessez-le-feu bilatéral ;
  • Retirer les armes lourdes de la ligne de contact ;
  • Permettre à l’OSCE de contrôler le cessez-le-feu ;
  • Retirer les unités armées et le matériel militaire étrangers, désarmer les groupes illégaux ;
  • Rendre à l’Ukraine le contrôle de sa frontière au lendemain des élections dans les ORDLO ;

– Règlement politique du conflit :

  • Décentralisation du pouvoir en Ukraine par un amendement à la Constitution ;
  • Adoption par l’Ukraine d’une loi relative au statut spécial des ORDLO ;
  • Organisation d’élections locales dans ces régions aux termes de la nouvelle loi ;
  • Octroi par l’Ukraine d’une amnistie aux participants au conflit ;

– Mesures économiques :

  • Rétablissement des liens socio-économiques avec l’Ukraine, notamment en matière de fiscalité et de système bancaire ;

– Mesures humanitaires :

  • Rendre possible la distribution d’une aide humanitaire ;
  • Procéder à des échanges d’otages et de prisonniers sur une base « tous contre tous ».

On notera que le point sur le retrait des unités armées étrangères vise clairement les forces armées russes et autres ressortissants russes, ainsi que le matériel militaire russe.

Bien que les accords Minsk I et Minsk II soient essentiellement les mêmes, Minsk II fournit davantage de précisions sur les mesures à prendre pour parvenir à la paix et donne des délais précis de mise en œuvre. Par exemple, l’échange des prisonniers doit avoir lieu dans les cinq jours qui suivent le retrait des armes, le Parlement ukrainien doit adopter dans les trente jours une résolution spécifiant la zone dotée d’un régime spécial, et doit pouvoir contrôler sa frontière dès le lendemain des élections locales, l’Ukraine doit avoir procédé à la fin de 2015 à une réforme constitutionnelle qui fait de la décentralisation un élément essentiel, s’agissant notamment de l’autonomie des ORDLO.

Le document spécifiait aussi ce qu’il fallait entendre par « statut spécial », à savoir : amnistie pour les participants à une guerre de fait, autodétermination linguistique, droit, pour les autorités locales des ORDLO, de nommer procureurs et juges, de constituer des « unités de police du peuple », d’avoir une « coopération transfrontières avec des districts de la Fédération de Russie », tout cela s’accompagnant, en ce qui concerne les ORDLO, d’un soutien social et économique de l’État ukrainien.

S’acquittent-elles de leurs engagements ?

Aucune des dispositions des Accords de Minsk n’a été intégralement appliquée. La plus importante, celle qui concerne le cessez-le-feu, est quotidiennement violée. Les principales divergences entre l’Ukraine et la Russie portent sur le calendrier des mesures d’application des Accords de Minsk.

Aussitôt après la signature de Minsk I, et avant même que les mesures de sécurité ne soient appliquées, la Russie s’est mise à presser l’Ukraine de s’acquitter intégralement de la partie politique de l’Accord, exigeant qu’elle apporte des amendements à sa Constitution et organise des élections dans les ORDLO avant d’avoir pu rétablir son contrôle sur sa frontière et avant que le cessez-le-feu ne soit effectif. Comme Minsk I ne prévoyait pas de calendrier clair, les discussions se sont éternisées tandis que la guerre faisait rage.

Pendant la période séparant Minsk I de Minsk II, la Russie a poursuivi ses opérations contre l’aéroport de Donetsk, et a attaqué le nœud ferroviaire de Debaltseve, utilisant toute l’artillerie lourde à sa disposition, notamment les mortiers automoteurs « Tulipe » de 240 mm et le système de lance-flammes lourd « Buratino », considéré par beaucoup comme l’arme non nucléaire la plus puissante au monde. Après Minsk II, les forces séparatistes russes ont poursuivi leur offensive sur Debaltseve, ont mené des combats intenses pour s’emparer de Shyrokin et ont échoué dans leur blitzkrieg pour prendre Mariinka. De part et d’autre, on a avancé dans les zones grises intermédiaires.

Pour ce qui est du cessez-le-feu, il est violé tous les jours, chaque camp accusant l’autre d’avoir commencé. Ainsi qu’il ressort d’une étude des données de l’OSCE menée par le quotidien allemand FAZ (août 2016), les deux camps commettent des violations, mais ce sont les violations des forces séparatistes qui « prédominent » ; une analyse de suivi réalisée en octobre 2016 montrait que c’étaient les forces ukrainiennes qui avaient le plus souvent violé le cessez-le-feu.

Les armes lourdes n’ont pas été retirées. De plus, les observateurs de l’OSCE chargés de les surveiller sont régulièrement gênés dans leurs déplacements ; ce sont les forces séparatistes russes qui leur imposent le plus de restrictions. Elles ont aussi détruit en vol ou brouillé les drones de l’OSCE. Les observateurs de l’OSCE ne sont autorisés à exercer leurs fonctions de surveillance qu’à deux postes de contrôle sur onze à la frontière russo-ukrainienne, ce qui permet aux armes et aux militaires venus de Russie de continuer d’entrer sans encombre.

L’Accord Minsk II, qui dispose que l’Ukraine doit reprendre le contrôle de ses frontières le lendemain des élections dans les ORDLO, limitait le champ de manœuvres diplomatiques de la partie ukrainienne. Cependant, l’Ukraine a trouvé des arguments pour refuser d’organiser des élections et de les reconnaître dans les territoires disputés. Selon les dirigeants ukrainiens, il faut d’abord mettre fin aux hostilités, proclamer un cessez-le-feu général, retirer le matériel militaire et libérer le Donbass des troupes russes. La Russie soutient que son armée n’est pas dans le Donbass et que ceux qui s’y trouvent sont des volontaires, qui font partie des « unités de police » locales conformes aux dispositions des Accords.

En dépit des offensives armées que les forces séparatistes russes n’ont pas cessé de lancer après Minsk II, l’Ukraine a adopté certaines des dispositions politiques des Accords de Minsk, et ce, en partie, du fait de pressions occidentales. Aussitôt après Minsk I, le Parlement ukrainien a adopté, le 16 septembre 2014, une loi relative aux dispositions spéciales gouvernant l’administration locale dans certains districts des régions de Donetsk et Luhansk. Cette loi prévoyait des mesures d’amnistie, un statut particulier pour la langue russe, une coopération transfrontières avec la Russie et des « unités de police » créées par les conseils municipaux dans les ORDLO. Après Minsk II, la loi a été amendée en ce sens que la plupart de ses dispositions ne devaient entrer en vigueur qu’après que des élections locales aient été organisées aux termes de la loi ukrainienne avec un suivi assuré par des observateurs internationaux.

Le 31 août 2015, le Parlement ukrainien a aussi adopté les amendements constitutionnels de décentralisation exigés aux termes des Accords de Minsk, et qui mentionnaient notamment « les spécificités de l’exercice de la gouvernance locale dans certains districts des régions de Donetsk et Luhansk », à définir dans une loi distincte. Ce vote, auquel il a été procédé en présence de l’Envoyée spéciale des États-Unis, Victoria Nuland, a été considéré par de nombreux Ukrainiens comme résultant d’une ingérence étrangère inacceptable dans les affaires de l’Ukraine. Devant l’immeuble du Parlement, des nationalistes se sont heurtés à la police. Les violences ont fait quatre morts et 100 blessés. Les amendements doivent, pour acquérir force de loi, être soumis à un second scrutin, mais c’est là une initiative que les autorités ukrainiennes n’envisagent pas de prendre dans un avenir proche.

Les progrès les plus marquants ont été réalisés sur la disposition du Protocole de Minsk relative à l’échange des otages. Même si les otages, prisonniers et « personnes illégalement détenues » n’ont pas tous été échangés entre les parties sur la base « tous contre tous » qui avait été retenue, plusieurs échanges ont été effectués, le dernier en date ayant eu lieu le 27 décembre 2017, où 74 Ukrainiens détenus dans les ORDLO ont été libérés. Néanmoins, il reste une centaine de prisonniers dans le Donbass occupé, et près de 100 personnes étaient détenues comme prisonniers politiques en Russie et en Crimée occupée, jusqu’à la libération de 35 prisonniers en septembre 2019. Otages du conflit, elles sont accusées de délits imaginaires et utilisées à des fins de propagande. Bien que leurs procès soit de nature manifestement politique, la Russie soutient que les Accords de Minsk ne s’appliquent pas à elles et qu’elles ne remplissent pas les conditions de ces échanges.

S’il y a eu un Minsk I, pourquoi a-t-il fallu un Minsk II ?

Le Protocole de Minsk (Minsk I) a été un échec. Quatre mois plus tard, Minsk II a été signé pour relancer les efforts de paix que représentait Minsk I. Minsk II est essentiellement un Minsk I plus précis. Il n’a pas remplacé le premier accord, étant simplement conçu pour le renforcer. Or, il ne fonctionne pas très bien non plus.

Le Protocole de Minsk, plus connu par la suite sous le nom de Minsk I, a échoué. Adopté comme une solution de compromis entre les intérêts des parties et contenant des dispositions « spéciales » sur les forces pro-russes, il a été signé dans des conditions difficiles et comportait peu de détails concrets. Le Mémorandum additionnel du 19 septembre 2014 précisait le processus de conclusion d’un cessez-le-feu, établissait une zone démilitarisée de 30 km, interdisait les opérations offensives ainsi que le recours à l’aviation militaire et fixait les grandes lignes de la mission de l’OSCE. Mais il n’abordait pas les questions politiques plus vastes, comme de savoir si les élections dans le Donbass devaient avoir lieu avant ou après que l’Ukraine aurait repris le contrôle de ses frontières. Il ne fixait pas de délai ni de calendrier de mise en application de ces mesures. La Russie s’est mise à exiger de l’Ukraine qu’elle applique le volet politique des accords avant que les mesures de sécurité ne soient en place.

Comme le fait observer le politologue Kostiantyn Zadyraka, en définitive Minsk I n’a satisfait aucune des parties : la Russie et les séparatistes n’étaient pas certains que leurs intérêts seraient protégés si les armes et les troupes étaient retirées, et les responsables ukrainiens, soucieux de leur cote de popularité, n’étaient pas certains de rester au pouvoir si les dispositions politiques de l’Accord étaient appliquées. Bien que l’Ukraine ait adopté la loi sur le « statut spécial », et que les processus d’élimination des acteurs qui refusaient d’appliquer le Protocole aient commencé dans les ORDLO, des groupes opposés au Protocole de Minsk ont vu le jour aussi bien en Ukraine que dans le Donbass occupé.

Les forces russes n’ont pas mis un terme à leur guerre hybride après la signature de Minsk I, dans le but apparent d’obliger l’Ukraine à appliquer les dispositions politiques de l’accord. Mais aucun côté ne l’a emporté clairement dans cet affrontement. Les forces séparatistes ont réussi à prendre l’aéroport de Donetsk, mais ont subi de lourdes pertes à Pinsky et Spartak. Elles se sont emparées de l’important nœud ferroviaire de Debaltseve à l’issue d’une bataille qui a rappelé le siège d’Ilovaisk, mais leurs pertes ont été sévères.

Alors que les combats se poursuivaient à Debaltseve, les présidents Porochenko et Poutine ont engagé des négociations directes à Minsk. À l’issue de seize heures de pourparlers présidentiels ininterrompus avec, comme intermédiaires, la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande, elles ont abouti à l’Accord Minsk II intitulé « Ensemble de mesures pour l’application des Accords de Minsk ». Les présidents n’ont signé aucun des deux, même s’ils ont publié une déclaration commune dans laquelle ils soutenaient pleinement l’Ensemble de mesures. Minsk II a eu les mêmes signataires que Minsk I. L’Ensemble de mesures reprenait essentiellement les principaux points du Protocole, dans un nouvel effort pour régler les problèmes qui en empêchaient la mise en œuvre, mais il apportait davantage de précisions.

Comme le fait observer Paul Niland, « si Minsk II était nécessaire, c’est pour la seule raison que la Russie avait refusé d’observer les engagements de Minsk I. Le premier point des deux accords est le même : un cessez-le-feu immédiat. Il n’a pas été respecté. » Cependant, le principal problème des Accords de Minsk n’était pas dans les formulations, mais dans les intérêts des parties au conflit.

Pourquoi les parties ont-elles signé l’Accord dans un premier temps ?

L’intention première de l’Ukraine est de faire cesser l’occupation de territoires qui échappent à son contrôle et d’y rétablir pleinement sa souveraineté, alors que la Russie recherche soit un nouveau conflit gelé post-soviétique, soit une incorporation des régions occupées dans l’Ukraine aux conditions de la Russie.

Le politologue ukrainien M. Zadyraka décrit comme suit les intérêts des parties aux négociations de Minsk : « L’Ukraine a signé Minsk I dans un contexte d’actes d’hostilité et après une défaite militaire. Après plusieurs mois marqués par des succès de l’offensive ukrainienne contre les éléments séparatistes russes du Donbass, une opération massive de l’armée russe a inversé le cours des événements. L’Ukraine a subi une défaite écrasante à Ilovaisk en août 2014 et la zone échappant au contrôle des autorités ukrainiennes s’est rapidement élargie. L’Ukraine a donc abordé les pourparlers de paix après une défaite militaire et sous la menace d’une intervention russe ouverte ou masquée. […] D’autre part, la participation de la Russie aux pourparlers peut s’expliquer par le désir d’obtenir une levée au moins partielle des sanctions économiques imposées par l’Union européenne, les États-Unis et d’autres pays à la suite de l’annexion de la Crimée en mars 2014, en montrant son intérêt pour une solution pacifique. La Russie visait également à préserver son influence politique sur l’Ukraine. Après l’occupation de la Crimée et du Donbass, la Russie a perdu la plupart de ses instruments de soft power en Ukraine : l’électorat ukrainien pro-russe s’est retrouvé en majorité dans les territoires occupés, et les partis traditionnellement pro-russes ont été interdits ou discrédités. La Russie vise donc soit à créer un conflit gelé, soit à rendre le Donbass à l’Ukraine avec un « statut spécial ». Ce statut découle de la vieille idée de faire de l’Ukraine une fédération, où des décisions stratégiques en matière de politique étrangère, comme l’adhésion à l’Union européenne ou à l’OTAN, seraient impossibles sans l’accord de tous les membres. La Russie est gagnante dans tout compromis sur la question du Donbass : le conflit a déjà joué le rôle « d’écran de fumée » lors de l’affaire de Crimée, et tout affaiblissement du pouvoir central en Ukraine offre au Kremlin des moyens supplémentaires pour peser sur la politique intérieure ou extérieure de son ancien « partenaire ». »

Bien qu’ils aient prétendu à de multiples occasions qu’ils représentaient des pays indépendants et que leur but était l’indépendance, les dirigeants séparatistes de la « RPL » et de la « RPD » ont montré qu’ils étaient totalement dépendants de la Russie puisque les Accords de Minsk n’envisagent qu’une certaine forme d’autonomie. Apparemment, après avoir été quasiment vaincus par les forces ukrainiennes avant l’invasion russe, ils ont accepté le minimum qui leur était proposé : une amnistie, la sécurité de leur personne et la possibilité d’être élus.

Bien que n’étant pas parties au conflit, l’Union européenne et les États-Unis participent aux Accords de Minsk. Représentés par le représentant de l’OSCE et prenant une part indirecte aux négociations grâce à leurs contacts avec le Kremlin et avec les autorités ukrainiennes, ils cherchent, par le biais de cet Accord, à normaliser leurs relations avec la Russie et à maintenir au pouvoir en Ukraine un gouvernement pro-occidental. Le premier objectif est probablement plus important pour l’Union européenne, et le second pour les États-Unis. C’est la raison pour laquelle des chefs d’État européens comme l’Allemagne et la France ont été les principaux artisans à l’origine des Accords de Minsk. C’est aussi pourquoi la position des États-Unis est plus compliquée. Pour eux, le renforcement de l’influence russe en Ukraine qui résulterait directement de l’application des Accords en serait une conséquence indésirable.

Quel est le statut international des Accords de Minsk ?

En droit ukrainien, les Accords de Minsk sont nuls et non avenus. Cependant, l’Ukraine n’a pas d’autre accord de paix avec la Russie et elle les considère comme légaux et contraignants.

Nadiya Volkova, juriste au Centre des procédures stratégiques de l’Union ukrainienne Helsinki pour la défense des droits de l’homme, a déclaré à Euromaidanpress que les Accords de Minsk « n’avaient aucun statut juridique international et n’avaient aucune place dans la législation ukrainienne. Ces accords sont plutôt des ententes politiques considérées par les signataires comme légales, mais leur légitimité est faible : ils n’ont pas été signés par des chefs d’État, ni même par des ministres des Aaffaires étrangères, mais par la représentante de l’OSCE, l’ambassadeur de Russie en Ukraine et un ex-président ukrainien. Aucune des procédures prévues par la Constitution ou le droit international des traités n’a été suivie. Un simple citoyen n’est pas habilité à prendre des engagements au nom de l’État ukrainien. »

Pour l’expert en droit international Volodymyr Vasylenko, « les Accords de Minsk ont vu le jour parce que la partie ukrainienne voulait à tout prix mettre un terme à la phase militaire active. Ce ne sont pas des traités internationaux mais des accommodements politiques imposés à l’Ukraine. Au regard de l’article 52 de la Convention de Vienne de 1969, les Accords de Minsk sont donc sans validité. »

Mais, pour une raison ou pour une autre, toutes les parties considèrent que les Accords sont licites et obligatoires malgré leur statut juridique contestable.

L’approbation des Accords de Minsk par la communauté internationale a trouvé son expression dans une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur l’Ukraine. De leur côté, l’Union européenne et les États-Unis ont lié la durée des sanctions contre la Russie à l’application des Accords de Minsk. La loi de 2016 sur la stabilité et la démocratie en Ukraine votée aux États-Unis par la Chambre des représentants précise même que les États-Unis ont pour politique « de veiller à ce que tout allègement des sanctions imposées à la Fédération de Russie soit subordonné à une application ponctuelle, complète et vérifiable des Accords de Minsk, en particulier pour ce qui est du rétablissement du contrôle de l’Ukraine sur l’ensemble de sa frontière orientale avec la Fédération de Russie dans la zone de conflit ». De la sorte, les Accords de Minsk sont désormais inscrits dans la législation américaine.

Cependant, la loi ukrainienne du 18 janvier 2018 relative à la réintégration du Donbass ne fait aucune référence aux Accords de Minsk. Comme l’a expliqué Ivan Vynnyk, secrétaire du Comité de sécurité et de défense nationale, la raison en est que « par sa nature, l’Accord [de Minsk] diffère d’un instrument législatif normatif. Nous ne pouvons pas inscrire dans la législation ukrainienne des accords diplomatiques et politiques qui tendent à évoluer avec le temps. » Les amendements constitutionnels et la loi sur les dispositions spéciales en matière de gouvernance locale dans certains districts des régions de Donetsk et de Luhansk que l’Ukraine a adoptés ne font pas mention des Accords de Minsk, même s’ils ont été adoptés pour les mettre en application.

La situation s’est-elle calmée ?

Les Accords de Minsk n’ont pas apporté la paix au Donbass. La situation ne cesse de s’aggraver, et l’armée ukrainienne subit des pertes. Les civils sont touchés des deux côtés de la ligne de contact. Cependant, le Groupe de contact trilatéral conclut régulièrement des cessez-le-feu, et le nombre d’actes hostiles diminue alors pour quelque temps.

L’encre n’était pas plus tôt sèche au bas de l’Accord que les forces hybrides russes reprenaient les tirs d’armes lourdes sur le principal nœud ferroviaire du Donbass à Debaltseve. Elles n’ont pas non plus suspendu leurs opérations militaires dans les secteurs de Luhansk et de Marioupol.

Depuis, le Groupe de contact trilatéral conclut régulièrement des cessez-le-feu plusieurs fois par an, surtout pendant les fêtes de Noël, à Pâques ou à la rentrée scolaire. Aucun cessez-le-feu n’a été strictement respecté, mais à chaque fois les hostilités diminuent sensiblement pour un temps.

Le dernier en date a été le cessez-le-feu de Noël, qui a commencé le 23 décembre 2017. Si le nombre de violations des trêves a diminué, l’armée ukrainienne continue de faire état de violations et de pertes humaines. Pendant les deux premières semaines de 2018, cinq soldats ukrainiens ont été tués en opération et 24 blessés, d’après les chiffres du Quartier général des opérations anti-terroristes (ATO).

Selon le dernier rapport de l’ONU, plus de 10 220 Ukrainiens ont été tués depuis le début du conflit. Le Comité des droits de l’homme de l’ONU estime à 34 853 le nombre de personnes qui ont souffert du conflit. Plus de 1,6 millions ont dû abandonner leur logis.

Qui se bat, et sur quel territoire ?

Les forces armées ukrainiennes ont déployé 34 000 soldats sur la ligne de contact. Les armées hybrides russes comptent environ 50 000 hommes, dont 11 000 ressortissants russes et 3 000 hommes des forces régulières russes.

En octobre 2017, les effectifs des forces armées ukrainiennes approchaient le maximum légal de 250 000 hommes. Dans le Donbass, en juin 2017, 34 000 soldats ukrainiens participaient aux opérations anti-terroristes (chiffres fournis par le ministre de la Défense Stepan Poltorak).

Selon le ministre ukrainien de l’Intérieur Arsen Avakov, la Russie a déployé un contingent militaire de 50 000 hommes dans les zones occupées des régions de Luhansk et Donetsk. Ce contingent de forces hybrides russes est placé sous les ordres et le contrôle du commandement des unités relevant de la huitième armée de la région militaire sud de la Fédération de Russie basé à Novotcherkask (région de Rostov, près de la frontière ukrainienne).

Selon une évaluation fournie en octobre 2017 par le procureur militaire principal d’Ukraine Anatoly Matios, le nombre de ressortissants russes qui épaulent les séparatistes locaux dans le Donbass s’élevait alors à 11 000 hommes, dont 3 000 appartiennent à des unités régulières.

Sur le territoire ukrainien, la Russie continue d’occuper illégalement :

  • la République autonome de Crimée (26 081 km2) et la ville de Sébastopol (864 km2),
  • des zones des régions de Donetsk et Luhansk (16 799 km2).

Au total, ce sont 43 744 km2, soit 7,2% du territoire national, qui échappent au contrôle des autorités ukrainiennes. Les Accords de Minsk ne portent que sur les territoires occupés des régions de Donetsk et de Luhansk.

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Où passe la ligne de contact telle qu’elle a été définie ? Qu’est-ce que la zone dite « grise » ?

La ligne de contact a été définie dans le Mémorandum du 19 septembre 2014 établi après la signature du Protocole de Minsk (Minsk I). Elle suivait les positions réelles des parties. Le Mémorandum a créé une zone tampon de 30 km entre les deux camps en prévoyant que les armes lourdes seraient retirées de 15 km de chaque côté de la ligne de contact. La zone tampon est aussi appelée « zone grise ».

Que fait l’OSCE ? Pourquoi ne peut-elle pas faire régner la paix ?

Le cessez-le-feu est contrôlé par deux organes : la Mission spéciale de surveillance de l’OSCE (SMM) et le Centre conjoint de contrôle et de coordination (JCCC). Mais ils ne font que contrôler dans quelle mesure les deux camps respectent le cessez-le-feu.

La SMM est une mission civile sans armes chargée de suivre la situation en Ukraine et de faire rapport à ce sujet. Le JCCC est un groupe d’officiers ukrainiens et russes chargé de contrôler le cessez-le-feu, mais les membres russes et ukrainiens du groupe ne publient pas de rapports communs. Le JCCC a surtout servi à négocier des armistices au niveau local pour effectuer des réparations ou pour organiser des évacuations. Le 18 décembre 2017, la Russie a cependant annoncé qu’elle se retirerait du JCCC s’il n’était pas répondu à certaines de ses exigences

Le champ d’action de la mission SMM/OSCE est l’ensemble de l’Ukraine. Au départ, le gouvernement ukrainien avait souhaité que la mission se limite à une partie de l’Ukraine, mais la Russie a exigé que la mission soit déployée « dans toute l’Ukraine ».

Cependant, la SMM n’a pas accès aux 409,3 km de la frontière russo-ukrainienne des régions de Donetsk et Luhansk ; par ailleurs, les autorités d’occupation n’accordent à l’OSCE qu’un accès limité au reste du territoire occupé. La SMM n’a pas non plus accès à la péninsule de Crimée occupée par la Russie.

Pourquoi n’y a-t-il pas sur place une force de maintien de la paix dans le cadre de l’ONU ou dans un autre cadre ?

Une opération de maintien de la paix de l’ONU est en cours de négociation.

Dès le début du conflit, la Russie s’est opposée aux initiatives de déploiement d’une mission armée de l’OSCE ou de toute autre mission de maintien de la paix. Par exemple, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré en novembre 2016 : « la question ne se pose plus, c’est inutile. Aujourd’hui, personne n’en a parlé. Personne n’envisage de mission armée, qu’il s’agisse de l’OSCE ou de toute autre structure, même s’il en est périodiquement question à Kiev. »

En tant qu’agresseur, la Russie n’a pas besoin d’une force qui assurerait la paix dans la région. La seule mission de maintien de la paix que la Russie pourrait accepter est une mission russe, comme on l’a déjà vu dans trois autres conflits post-soviétiques : en Transnistrie moldave3La Transnistrie est une région considérée par l’ONU comme faisant partie  de la Moldavie mais qui a sa propre monnaie, son passeport, son hymne national et son drapeau. Comme la population de cette petite région de la Moldavie a voulu se rapprocher de la Russie après l’écroulement de l’Union soviétique en 1991, des séparatistes soutenus par Moscou ont pris les armes et ont combattu jusqu’à ce qu’un cessez-le-feu soit conclu le 21 juillet 1992. Il n’a pas été violé depuis. Après l’annexion de la Crimée, des dirigeants ont demandé que la Transnistrie soit rattachée à la Fédération de Russie., ainsi que dans l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud géorgiennes. Car si la Russie suscite des conflits dans des États voisins, ce n’est pas pour les résoudre ultérieurement mais pour les geler, en déployant pour ce faire des « forces de maintien de la paix » russes.

En septembre 2017, Vladimir Poutine a émis l’idée que des troupes des Nations unies pourraient être déployées en Ukraine orientale, suggérant que la mission des Nations unies protège les observateurs de la mission internationale de l’OSCE. Certes, selon Vladimir Poutine, le contingent des Nations unies ne pourrait être déployé que de part et d’autre de la ligne de contact, ce qui ne serait possible qu’à condition d’établir des contacts directs avec les dirigeants des « républiques populaires ».

Accepter cette proposition, ce serait reconnaître de facto les régimes fantoches que sont les « républiques populaires » de Donetsk et de Luhansk. Déployer les forces de maintien de la paix le long de la ligne de contact reviendrait en fait à avancer profondément les frontières russes à l’intérieur de l’Ukraine au lieu de restituer à l’Ukraine le contrôle de la partie de la frontière russo-ukrainienne qui lui échappe, ainsi qu’il est stipulé au point 9 de l’Accord de Minsk II. L’Ukraine veut qu’une mission de maintien de la paix soit déployée dans l’ensemble du territoire occupé, y compris sur le segment de frontière qu’elle ne contrôle pas. Les discussions sur la mission de maintien de la paix se poursuivent.

Les Accords de Minsk évoquent-ils des poursuites contre les responsables de la catastrophe du vol MH-17 ?

Non, aucun des deux accords ne mentionne quoi que ce soit sur la catastrophe du vol MH-17 et sur l’enquête à ce sujet.

De plus, comme il est demandé au point 5 de Minsk II, les parties « s’engagent à accorder grâce et amnistie conformément à la loi interdisant de poursuivre et punir quiconque en relation avec des événements qui ont eu lieu dans certaines zones des régions de Donetsk et Luhansk ORDLO en Ukraine. »

Considérant que la catastrophe du vol MH-17 n’est pas spécifiquement mentionnée dans l’Accord Minsk II ni dans le paragraphe relatif aux participants aux « événements » dans les ORDLO, des parlementaires néerlandais ont sollicité des éclaircissements sur le texte de l’Accord et ont demandé l’assurance que les coupables pourraient être poursuivis.

Les positions de la Russie et de l’Ukraine sur l’exigence d’amnistie diffèrent. La Russie exige une amnistie sans réserve pour ses combattants du Donbass. Les responsables ukrainiens insistent sur le fait que les auteurs d’infractions graves susceptibles d’être qualifiées d’actes contre l’humanité en raison de leur violence extrême et de leur intention ne peuvent pas être amnistiés en droit ukrainien. Cette position est conforme à la pratique internationale et aux dispositions du Protocole additionnel II (1977) aux Conventions de Genève de 1949, qui exclut du bénéfice de l’amnistie les infractions graves et crimes contre l’humanité. Cette règle est suivie par tous les pays qui sortent d’un conflit armé.

De plus, si le conflit est considéré comme interne, comme le soutient la Russie, l’amnistie ne peut être étendue aux ressortissants étrangers, c’est-à-dire aux ressortissants russes qui ont pris part aux événements dans les ORDLO.

En ce qui concerne le vol MH-17, Paul Niland souligne que dès que l’avion a été abattu, l’Ukraine a renoncé à son droit de mener l’enquête, et que c’est une équipe d’enquête placée sous la conduite des Pays-Bas qui s’est employée à déterminer les causes de l’accident et à identifier les auteurs de ce crime atroce pour les poursuivre en justice. Depuis la publication du rapport de la Commission d’enquête internationale, il ne subsiste plus aucun doute sur le fait que le MH-17 a été abattu par un système d’arme russe, introduit la veille en territoire ukrainien, et commandé par un équipage russe dont les noms sont en partie connus. La Russie continue néanmoins à nier toute implication dans ce crime.

Quel est le statut du Donbass selon les Accords de Minsk ? Fait-il partie de l’Ukraine ?

Selon les Accords de Minsk, le Donbass est une région de l’Ukraine. Les appliquer signifie faire repasser ces territoires sous administration ukrainienne, avec une autonomie de fait.

Le Donbass est constitué de deux régions (oblast) ukrainiennes : Luhansk et Donetsk. Les autorités ukrainiennes contrôlent en gros les deux tiers de chaque région.

Les Accords de Minsk ne définissent pas le statut juridique de cette région. La formule « certaines zones des régions de Donetsk et de Luhansk » (ou « des districts particuliers », abrégés en « ORDLO ») a été introduite dans les Accords pour désigner les territoires échappant au contrôle des autorités ukrainiennes. Elle sous-entend que ces territoires non contrôlés demeurent ukrainiens, mais qu’ils ont désormais un « statut spécial ». Ce « statut » suppose notamment l’autodétermination linguistique, le droit des autorités locales des ORDLO de nommer des procureurs et des juges, de constituer des « unités de police populaire », de mettre en place une « coopération transfrontières avec des districts de la Fédération de Russie », ainsi que des relations mutuellement convenues entre le gouvernement central et les administrations locales des ORDLO en matière de développement économique, social et culturel.

En son point 11, Minsk II enjoint à l’Ukraine d’amender sa Constitution pour qu’elle prévoie ce « statut spécial » des ORDLO. Cet amendement doit être apporté avant la tenue des élections locales, et c’est ce qui semble être la partie la plus controversée des Accords.

Pourquoi l’organisation des élections dans le Donbass est-elle si discutée ?

Tant que la guerre continue, il n’est guère possible d’organiser des élections. L’Ukraine doute que puissent être organisées des élections libres tant que, dans un premier temps, elle ne contrôle pas sa frontière comme le prévoit Minsk II. Le second point de discorde concerne l’amnistie au bénéfice des combattants dans les ORDLO : la Russie insiste pour qu’elle soit accordée avant les élections et avant que l’Ukraine ne reprenne le contrôle de sa frontière, et l’Ukraine soutient qu’il ne peut y avoir d’amnistie qu’après ces étapes, et à l’issue d’un débat public. Par ailleurs, le droit de vote est le plus fondamental de tous les droits démocratiques.

Le but du Kremlin est ici de s’assurer que l’Ukraine recouvre le Donbass dans des conditions qui permettront à Moscou de se mêler des affaires ukrainiennes. Et pour y parvenir, le meilleur moyen est de faire en sorte que les dirigeants fantoches du Donbass soient élus au Parlement ukrainien.

La Russie veut donc avant les élections une amnistie sans conditions pour tous les résidents locaux qui ont rejoint les formations militaires russes. L’Ukraine ne veut faire bénéficier d’une amnistie que ceux qui n’ont pas commis de crimes graves. Si c’est la position russe qui l’emporte, les autorités d’occupation resteront en place, et seront en outre légitimées par la loi ukrainienne.

Un autre problème qui se pose quant aux élections, c’est celui de l’adoption d’amendements constitutionnels accordant un statut spécial au Donbass, chose impossible vu la situation politique actuelle en Ukraine. Des appels ont aussi été lancés pour que soit mise en place une sorte de période de « dénazification », pour que des horizons différents soient ouverts à des gens qui, pendant des années, ont été soumis 24 heures sur 24 et sept jours sur sept à la propagande pro-russe.

Or il est impératif que des élections soient effectivement organisées dans les ORDLO si l’Ukraine veut récupérer le Donbass occupé. La question est de savoir comment s’y prendre.

Sur ce sujet, Paul Niland a expliqué à Euromaidanpress : « Il ne peut y avoir d’élections dans une zone de guerre. Quand les partenaires de l’Ukraine demandent des ‘élections’, ce qu’ils demandent réellement, c’est que soient créées les conditions d’élections libres et honnêtes. C’est pourquoi le débat international actuel sur les élections est essentiel. Il porte en fait sur les moyens d’organiser des élections acceptables, auxquelles toutes les parties participent avec des chances suffisantes de pouvoir faire campagne dans un environnement de paix. »

Cependant on ne voit pas bien comment des conditions de ce type peuvent être rassemblées si l’Ukraine ne retrouve pas d’abord le contrôle de ses frontières, lequel, selon Minsk II, doit intervenir le lendemain des élections.

Pourquoi l’Ukraine n’accorde pas l’autonomie au Donbass alors que cela se fait pourtant couramment en Europe ?

Cette autonomie est l’objectif que poursuit la Russie pour contrôler la région ; dans une Ukraine indépendante, les résidents du Donbass n’étaient pas nombreux à vouloir l’indépendance. L’autonomie du Donbass, que la Russie a exigée et qui a été inscrite dans les Accords de Minsk, fait partie de la stratégie russe pour avoir l’Ukraine en main.

Il n’y avait pas de mouvement séparatiste notable dans le Donbass, ni de campagne d’opinion favorable à l’autonomie, avant l’intervention russe de 2014. La Russie a été à l’origine du conflit sous couvert d’un mouvement séparatiste et elle continue à l’envenimer après avoir formé et équipé de pied en cap sur le territoire ukrainien des unités militaires qu’elle dirige. Une autonomie régionale, avec les structures locales de pouvoir et les autorités autoproclamées actuelles sur lesquelles Moscou a la haute main, légitimerait l’occupation russe et en ferait un instrument de la vie politique ukrainienne, ce qui permettrait à la Russie de déstabiliser l’Ukraine de l’intérieur.

De plus, il apparaît clairement que la Russie, outre qu’elle exige l’autonomie du Donbass, s’emploie à relancer la vieille idée de faire de l’Ukraine une fédération où des décisions stratégiques comme l’adhésion à l’Union européenne ou à l’OTAN seraient impossibles sans l’accord de tous les membres, le but étant de s’ingérer dans les affaires de l’Ukraine.

Quoi qu’il en soit, la demande d’autonomie est désormais inscrite dans les accords de Minsk. Pour y accéder, l’Ukraine doit modifier sa Constitution puisque c’est un État unitaire. Avant la guerre, seule la Crimée jouissait d’un statut d’autonomie. La loi portant modification de la Constitution a été adoptée en première lecture, mais il est peu probable qu’elle soit adoptée en seconde lecture dans un avenir proche étant donné que l’idée de l’autonomie du Donbass se heurte à des résistances dans la société ukrainienne.

Cette résistance s’exprime dans la sociologie. Selon une enquête d’opinion effectuée en juin 2017 par l’IRI, 10% seulement des Ukrainiens (en dehors de la Crimée et du Donbass occupés) étaient favorables à un statut spécial pour la « RPL » et la « RPD » ; 15% des personnes interrogées estimaient que ces zones devaient avoir plus d’autonomie dans le cadre de la réforme de décentralisation, et 55% ont répondu qu’elles devaient faire partie de l’Ukraine comme avant. Dans les parties des régions de Donetsk et de Luhansk contrôlées par les autorités ukrainiennes, 11% des personnes interrogées se sont déclarées en faveur d’un statut spécial, 17% en faveur d’une décentralisation et 45% ont répondu que les choses devaient rester comme avant. En ce qui concerne les sentiments séparatistes, 2% seulement des personnes résidant dans le Donbass contrôlé par les autorités ukrainiennes ont souhaité que l’ensemble de la région soit rattaché à la Russie, et 1% qu’elle constitue un pays distinct.

Fait intéressant : en mars 2014, ces sentiments étaient beaucoup plus répandus puisque 26,8% des habitants des régions de Donetsk et Luhansk souhaitaient alors être rattachés à la Russie, selon une enquête d’opinion réalisée par la Fondation Ilko Kucheriv pour les initiatives démocratiques. De l’avis de sa directrice, Iryna Bekeshkina, les résidents du Donbass qui, dans un premier temps, se sont montrés favorables à l’occupation du Donbass par la Russie veulent maintenant que la région revienne à l’Ukraine après avoir vu de leurs propres yeux ce que signifiait l’occupation.

À l’intérieur de la « RPL » et de la « RPD », une enquête de ZOiS de décembre 2016 a fait apparaître que 35% des personnes interrogées étaient favorables à « une autonomie spéciale au sein de l’Ukraine » et 20,6% avaient souhaité que les choses restent inchangées ; 44,5% voulaient d’une façon ou d’une autre faire partie de la Russie. Cette divergence peut s’expliquer par l’influence des médias sur les résidents des territoires non contrôlés par l’Ukraine : les médias n’ont aucune liberté, les chaînes de télévision ukrainiennes sont rarement présentes et les médias russes jouissent d’une grande confiance, ce qui signifie que la plupart des gens croient que la Russie n’est pour rien dans le déclenchement des hostilités dans le Donbass.

Les sanctions de l’Union européenne et des États-Unis contre la Russie sont-elles subordonnées à l’application des Accords de Minsk ?

Initialement, les sanctions n’étaient pas liées aux Accords de Minsk. Cependant, les dirigeants européens et américains évoquent la possibilité de lever les sanctions déjà en place si les Accords sont appliqués.

Les États-Unis et l’Union européenne ont imposé les deux premières séries de sanctions contre la Russie en mars-avril 2014 en réponse à l’intervention militaire russe en Crimée, fin février 2014. Des pays européens non-membre de l’Union européenne ainsi que le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon se sont joints à ces sanctions.

Une troisième série de mesures de restriction ont été décidées en réponse à l’intensification des hostilités dans le Donbass pendant l’été 2014 et après.

Le second accord de Minsk a été signé plus tard, en février 2015.

Bien que les sanctions internationales n’aient pas été subordonnées au respect de l’Accord de paix de Minsk, les dirigeants européens et américain ont décidé de les alléger ou de les lever si la Russie appliquait l’Accord.

Le ministre autrichien des Affaires étrangères Sébastian Kurz, qui devait plus tard devenir chancelier autrichien, a déclaré en mai 2016 : « Je pense que nous devrions petit à petit adopter un mode opératoire selon lequel, pour chaque mesure d’application du Protocole de Minsk, pour chaque pas en avant, des sanctions soient levées en échange. »

Le président américain Barack Obama a écrit, dans une tribune libre du Financial Times de juillet 2016 : « Nous devrions convenir que les sanctions contre la Russie doivent rester en place tant que Moscou ne s’est pas pleinement acquittée de ses obligations aux termes des Accords de Minsk. »

En mai 2017, lors d’une conférence de presse conjointe avec le président russe Vladimir Poutine, la chancelière allemande Angela Merkel a déclaré que l’Union européenne lèverait les sanctions contre la Russie à partir du moment où toutes les parties au conflit en Ukraine rendraient effectif le cessez-le-feu convenu dans les Accords de Minsk. Elle s’est exprimée en ces termes : « Pour moi, il s’agit d’atteindre, dans la mise en œuvre des Accords de Minsk, le point où nous pourrons lever les sanctions de l’Union européenne contre la Russie. »

La population ukrainienne appuie-t-elle le processus de Minsk ?

La majorité des Ukrainiens n’ont jamais pensé que les Accords de Minsk étaient bons pour l’Ukraine, y voyant surtout un compromis injuste.

Il ressort des enquêtes d’opinion réalisées par le Centre Razumkov en 2015, un mois après la signature de Minsk II, que 36% des Ukrainiens leur étaient favorables (22% portant un jugement négatif). Par la suite (novembre 2015), le taux d’approbation est descendu à 16,1% (avec 32,5% d’opinions négatives). Un an après, en novembre 2016, le même institut de sondage montrait que 9,2% seulement des Ukrainiens voyaient dans les suites des Accords de Minsk une évolution positive, 30,2% portant un jugement négatif.

En juin 2017, 60% des Ukrainiens déclaraient favorables à une mission de maintien de la paix de l’ONU dans le Donbass, et 52% des personnes interrogées estimaient qu’il convenait d’accepter certains compromis, mais pas tous, en faveur de la paix ; 18% seulement estimaient qu’il fallait imposer la paix par la force, et 18% étaient pour la paix à tout prix.

Quels sont les points faibles des Accords de Minsk ?

L’Ukraine a adhéré aux Accords de Minsk pour stopper l’invasion russe. En effet, les deux Accords ont été signés à un moment où les armées régulières de la Russie envahissaient le pays. Elle a donc accepté, conformément aux exigences russes stipulées dans ces documents, que les régions occupées soient réintégrées dans l’Ukraine tout en restant contrôlées par la Russie. Il y a de bonnes raisons de croire que les deux parties ont vu dans les Accords une solution temporaire et non pas un moyen réel de résoudre le conflit.

La principale difficulté de Minsk II est qu’il contient des dispositions que ni la Russie ni l’Ukraine ne peuvent appliquer.

Comme le fait observer Max Bader, chargé de cours sur la Russie et l’Eurasie à l’Université de Leyde : « Les dirigeants séparatistes d’Ukraine orientale et leurs commanditaires russes n’ont jamais eu l’intention d’appliquer les points 4 [élections locales conformément à la législation ukrainienne dans les territoires occupés] et 9 [rétablissement intégral du contrôle de l’État ukrainien sur ses frontières]. […]  À moins de changer radicalement d’avis, Moscou ne contribuera jamais à une pleine application de Minsk II. […] De son côté, le gouvernement ukrainien est dans une position difficile parce qu’il ne peut appliquer un des points de l’Accord, même s’il le souhaitait. Le point 11 stipule en effet que l’Ukraine doit modifier sa Constitution pour conférer un statut spécial aux territoires séparatistes. Les amendements à la Constitution ont été mis en forme, mais ils doivent être adoptés par le Parlement ukrainien à la majorité des deux tiers, ce qui n’est pas près d’arriver. »

Ian Bond, directeur de la section de politique étrangère du Centre for European Reform, estime que l’un et l’autre des Accords de Minsk « ont toujours été voués à l’échec », et en énumère quelques raisons : « Tout d’abord, la Russie, qui est l’agresseur réel, n’a cessé de se conduire comme si elle était une médiatrice (au même titre que la France ou l’Allemagne) et non pas un belligérant. Deuxièmement, les parties n’étaient pas du même avis sur la signification de points ambigus des accords ; de ce fait, elles n’en ont pas appliqué certaines des dispositions. Troisièmement, Minsk II a effectivement laissé à la Russie le soin de décider si l’Ukraine avait modifié sa Constitution dans le sens souhaité par la Russie avant de lui restituer le contrôle de sa frontière. Il n’est pas étonnant que cela reste à faire. »

Selon le politilogue ukrainien Petro Oleshchuk, aussi bien la Russie que l’Ukraine ont vu dans ces accords une solution temporaire : la Russie supposait qu’une Ukraine affaiblie céderait à ses exigences, et l’Ukraine pensait que les sanctions amèneraient finalement la Russie à revenir sur ses positions. Le processus est donc au point mort, mais, officiellement, les deux parties soutiennent que l’on ne peut exclure les Accords de Minsk.

En mai 2015, le président Porochenko a déclaré : « Selon nous, il n’y a pas d’autre choix que les Accords de Minsk. En tant que président, je suis pour un règlement pacifique de la question. » Ce qu’il a répété en mai 2017 : « Il n’y a pas d’autre choix que les Accords de Minsk et nous insistons pour qu’ils soient appliqués sans réserve. »

Les Accords de Minsk peuvent-ils mettre fin au conflit en Ukraine ?

De manière générale, les Accords de Minsk valent mieux que rien parce que l’Ukraine n’a pas d’autre accord de paix avec la Russie. Actuellement, il n’y a, en dehors des Accords de Minsk, que deux possibilités : soit l’Ukraine abandonne le Donbass occupé, soit elle lance une guerre totale pour libérer les territoires occupés.

Pour le professeur Olexiy Haran (Kiev), « Minsk II est contradictoire, avec une succession d’étapes peu claire ; aussi nombre d’experts le considèrent-ils comme inapplicable. Les principales mesures à appliquer (à condition qu’il y ait la volonté politique d’agir) sont le cessez-le-feu (point 1), le retrait des armes (points 2 et 3) et les échanges d’otages sur la base du principe « tous contre tous » (point 6). Sur chacun de ces points, un calendrier clair avait été établi. Cependant, rien n’a été fait. La mission d’observation de l’OSCE a été impuissante à limiter les hostilités ou à faire rapport sur l’ingérence militaire croissante de la Russie. »

Pour Steven Pifer, ancien ambassadeur américain en Ukraine (1998-2000), « Les combats n’ont pas définitivement cessé. Malheureusement, il y a peu d’éléments de faits pour envisager une amélioration de la mise en œuvre de Minsk II, en premier lieu parce qu’il ne semble pas que le Kremlin veuille la paix. »

Joeg Forbih, chargé de recherche transatlantique au Central and Eastern Europe Marshall Fund des États-Unis, a dit que les Accords de Minsk étaient condamnés dès le moment de leur signature parce que la Russie n’avait pas l’intention de les respecter et qu’elle voulait au contraire geler le conflit comme dans d’autres pays post-soviétiques pour déstabiliser en permanence l’Ukraine.

On ne voit donc pas bien de quelle manière les Accords de Minsk peuvent être encore mis en œuvre. Quant à savoir ce qui peut mettre un terme au conflit en Ukraine, le politologue Alexander Khara estime que c’est un objectif réalisable si : l’agresseur épuise les ressources dont il dispose ; les conditions changent et poursuivre la guerre n’a plus de sens ; le prix à payer pour atteindre les objectifs de l’agression est trop élevé.

La première possibilité peut se réaliser si le régime de sanctions s’intensifie. Les options 2 et 3, si l’Ukraine s’intègre dans des structures économiques et de défense occidentales, ce qui supprimera la principale raison de cette guerre, à savoir l’éventuel retour de l’Ukraine dans la sphère d’influence et de contrôle de la Russie, et si elle renforce ainsi ses capacités de défense.

En dépit de toutes les questions qui se posent, le processus de Minsk a réduit la violence dans le Donbass, même s’il n’y a pas mis un terme.

Selon Joeg Forbih, le processus a aussi eu des résultats positifs puisqu’il a permis des échanges d’otages de part et d’autre. Les Accords sont également devenus le principal point de référence pour les sanctions de l’Occident contre la Russie, pays agresseur, ce qui constitue un rempart important contre ceux qui, dans l’Union européenne et aux États-Unis, souhaiteraient qu’elles soient levées sans tarder. Enfin, les Accords, associés aux sanctions, ont probablement empêché que la guerre ne s’étende, au-delà du Donbass, plus profondément sur le territoire ukrainien : pas plus le projet de « Nouvelle Russie »[[Le projet de « Nouvelle Russie » consistait pour Vladimir Poutine, à partir des ORDLO, à organiser un référendum dans huit régions de l’Ukraine (Luhansk, Donetsk, Dniepropetrovsk, Zaporozhia, Odessa, Kherson, Mykolaiev et Kharkiv) pour constituer près de la Russie un vaste État qui s’étendrait d’Odessa à Kharkiv, avec un pont routier vers l’Ukraine. Ce plan a échoué le 20 mai 2014 puisque les prétendus référendums n’ont été organisés que dans des parties des régions de Luhansk et Donetsk. Dans les autres régions, il s’est heurté dans les populations ukrainiennes à un fort sentiment de patriotisme et à la volonté d’indépendance.]] que le pont vers la Crimée ne sont devenus des réalités.

  • 1
    On peut trouver le texte intégral de Minsk I sur Wikipedia ou sur le site internet de l’ONU ; idem pour Minsk II, sur Wikipedia ou sur le site de l’ONU.
  • 2
    Paul Niland est également l’auteur de « Corruption et réformes en Ukraine : le bilan des années Prochenko », Fondation Jean-Jaurès, 2019.
  • 3
    La Transnistrie est une région considérée par l’ONU comme faisant partie  de la Moldavie mais qui a sa propre monnaie, son passeport, son hymne national et son drapeau. Comme la population de cette petite région de la Moldavie a voulu se rapprocher de la Russie après l’écroulement de l’Union soviétique en 1991, des séparatistes soutenus par Moscou ont pris les armes et ont combattu jusqu’à ce qu’un cessez-le-feu soit conclu le 21 juillet 1992. Il n’a pas été violé depuis. Après l’annexion de la Crimée, des dirigeants ont demandé que la Transnistrie soit rattachée à la Fédération de Russie.

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