La gouvernance de l’entreprise de demain sera partagée !

À la suite du rapprochement entre Veolia et Suez, quel rôle pour les administrateurs salariés ? Quels enseignements pour la gouvernance de l’entreprise ? Frédérique Lellouche, secrétaire confédérale de la CFDT en charge de la RSE et de la gouvernance, et Pierre Victoria, expert associé à la Fondation et ancien directeur du développement durable de Veolia, avec le concours de Benoît Halgand (CFDT), évoquent dans cette note en partenariat avec la CFDT ce que devrait être la gouvernance dans les entreprises futures.

Le rachat par Veolia, à l’automne 2020, des parts de Suez détenues par Engie, qualifié dans les médias de « bataille du capitalisme français », a mis sous le feu des projecteurs les administrateurs salariés, dont le rôle reste largement méconnu. Cette note, nourrie d’entretiens a posteriori avec des acteurs-clés des sociétés concernées et des experts de la gouvernance des entreprises, propose une plongée dans le quotidien des administrateurs salariés et tire des enseignements pour la gouvernance des entreprises. La France, à la traîne de la plupart des pays de l’Union européenne, ne peut plus rester au milieu du gué !

Là où les entreprises se sont saisies de la loi PACTE pour préciser leur utilité sociale, les administrateurs salariés sont associés à la définition et à la mise en œuvre de la stratégie de l’entreprise. Leur place au sein du conseil d’administration ne fait plus débat. C’est une avancée essentielle à partir de laquelle la démocratie au sein de l’entreprise peut progresser.

Les acteurs confirment cette évidence : pour peser, il faut être plus nombreux. Mais cela ne suffira pas. Il faudra, aussi, des administrateurs mieux formés et plus compétents sur les questions économiques et financières comme sur les questions écologiques et sociétales sur lesquelles ils sont attendus. Certes, le combat pour faire reconnaître les salariés comme parties constituantes de l’entreprise – et non seulement « parties prenantes internes » – s’inscrit dans la durée. Il se gagnera par la capacité des administrateurs salariés à montrer, non seulement qu’ils sont des administrateurs « comme les autres », mais également porteurs d’une vision de l’entreprise plus responsable à l’égard de son écosystème et plus utile à la société. C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’une véritable évaluation de la loi Pacte s’impose, évaluation pour laquelle manquent encore des données robustes1Second rapport du comité de suivi et d’évaluation de la loi PACTE, France Stratégie, décembre 2020..

À l’aune des étapes successives d’ouverture des conseils d’administration des grandes entreprises aux administrateurs salariés, avec les lois de sécurisation de l’emploi en 2013 et pour le dialogue et l’emploi en 2015, et à la lumière du vécu des administrateurs salariés qui nourrit cette note, la Fondation Jean-Jaurès et la CFDT font dix propositions pour un véritable partage du pouvoir dans l’entreprise, condition nécessaire à une répartition équitable de la richesse créée collectivement.

Les administrateurs salariés : une brique essentielle de la démocratie dans l’entreprise

La représentation des salariés dans les conseils d’administration

La fonction d’administrateur salarié est relativement récente en France puisqu’elle s’est démocratisée en 2013 pour voir le jour dans les entreprises privées de plus de 5 000 salariés. La loi sur la sécurisation de l’emploi, votée en 2013 et mise en œuvre en 2014, impose ainsi à ces entreprises la présence de 1 administrateur salarié ou de 2 si le conseil comporte plus de 12 membres.
En 2015, la loi pour le dialogue social et l’emploi a pris un certain nombre de mesures pour permettre une plus large mise en œuvre de cette représentation, notamment en abaissant le seuil de 5 000 à 1 000 salariés. La loi PACTE, votée en 2019, n’a modifié qu’à la marge la loi à cet égard, puisqu’elle a imposé la présence de 2 administrateurs salariés pour les conseils comportant plus de 8 membres (contre 12 auparavant). Il s’agit d’un premier pas vers plus de participation des salariés, mais qui n’a pas modifié les équilibres.
Il existe trois modes de désignation possibles pour les administrateurs salariés :
– une élection auprès des salariés de la société (et de ses filiales, directes ou indirectes) ;
– la désignation, par le comité de groupe, le comité central d’entreprise ou le comité social et économique de la société ;
– la désignation par l’organisation syndicale ayant obtenu le plus de suffrages au premier tour des élections, ou par chacune des deux organisations syndicales ayant obtenu le plus de suffrages au premier tour des élections lorsque deux administrateurs sont à désigner.
Outre les administrateurs salariés, les conseils peuvent également accueillir des administrateurs représentant les salariés actionnaires. En présence d’administrateurs salariés, la loi n’impose pas de représentation des salariés actionnaires. Dans le cas contraire, il y en a 1 ou 2 si les salariés possèdent plus de 3% du capital pour les sociétés cotées2Article L225-23 du Code du commerce.. Certaines entreprises font le choix d’avoir des représentants des salariés actionnaires bien que cela ne soit pas une obligation légale3C’est le cas pour Engie et Suez..

Un apport essentiel au conseil d’administration

La réticence au fait d’ouvrir les conseils d’administration aux représentants des salariés a longtemps été importante. Sept ans après leur généralisation avec la loi sur la sécurisation de l’emploi, il apparaît que la pertinence d’avoir des administrateurs salariés semble de plus en plus reconnue par les autres acteurs de l’entreprise. D’ailleurs, l’ensemble des personnes interrogées ont admis que les salariés présents au conseil sont utiles au bon fonctionnement de celui-ci.

Françoise Malrieu, administratrice de plusieurs sociétés dont Engie, explique : « J’ai été dans des conseils d’administration où il y a toujours eu des représentants des salariés [ADP, La Poste, Engie…] et cela me paraît une évidence que cette présence a une valeur ajoutée dans la mesure où elle apporte un regard interne à l’entreprise. Le management au sein du conseil a une connaissance de l’interne, mais les salariés apportent un complément, avec un regard critique et/ou constructif. Ils peuvent faire remonter des questions, sensibiliser à certains risques, déceler des opportunités qui ne peuvent pas être perçues de l’extérieur. » Claire Waysand, secrétaire générale d’Engie et également administratrice de la Banque postale, explique que les administrateurs salariés apportent en particulier un éclairage sur la façon dont une évolution du groupe va être perçue par les salariés et peuvent par exemple indiquer qu’il va falloir de la pédagogie sur un aspect particulier. Ce constat est également partagé par Louis Schweitzer, vice-président de Veolia.

La direction de Suez ajoute que cela augmente également la légitimité du conseil d’avoir des administrateurs salariés au sein du conseil et que cela donne plus de poids aux décisions qui sont prises. Sébastien Daziano indique quant à lui que le fait d’avoir des administrateurs salariés permet de mieux prendre en compte l’intérêt des différentes parties prenantes dans les décisions du conseil.

Jean-Michel Severino, administrateur de plusieurs grandes entreprises (Danone, Michelin, Orange), indique qu’il était au départ sceptique sur le bien-fondé de l’ouverture des conseils d’administration aux salariés il y a une dizaine d’années. Pour lui, le dispositif a très bien mûri : « Les administrateurs salariés apportent des commentaires irremplaçables sur la vie de l’entreprise, y compris quand ils évoquent les conditions sociales en challengeant la direction générale. En dix ans, je n’ai pas vu un cas où ils ne l’ont pas fait de manière constructive, positive, en alertant sur des sujets qu’ils considéraient graves, mais en ne confondant pas cette instance avec une instance de négociation syndicale. Si au départ des débats intersyndicaux ont pu être importés au sein des conseils, ce c’est plus le cas depuis un moment, ça a très bien évolué. »

Le fait que leur connaissance de la réalité du travail de l’entreprise et de son histoire soit nécessaire au bon gouvernement de l’entreprise est connu de longue date4La présence d’administrateurs salariés au conseil d’administration, série Cahiers pour la réforme, Institut français de gouvernement des entreprises (IFGE/EM Lyon), 2005.. Cela a été réaffirmé dans le rapport Notat-Senard5Jean-Dominique Senard et Nicole Notat, « L’entreprise, objet d’intérêt collectif », février 2018. en 2018 : « Les salariés dans ces conseils apportent une contribution précieuse par leur compréhension de l’intérieur, leur connaissance des métiers, de l’histoire de l’entreprise et par leur attachement à sa continuité. »

Trop peu nombreux, les administrateurs salariés ne peuvent pas véritablement peser sur la décision

Si les administrateurs indépendants et membres de la direction générale reconnaissent la pertinence d’avoir des administrateurs salariés et l’intérêt de leur présence, ceux-ci ne peuvent pas peser véritablement sur les décisions de l’entreprise.

Guillaume Thivolle, administrateur représentant les salariés actionnaires, explique : « J’arrive à faire entendre la voix des salariés, mais pas à influencer les décisions stratégiques. En arrivant au conseil, je pensais pouvoir donner un ou deux degrés d’angle à la marche globale de l’entreprise : si j’ai donné 0,1%, ce serait génial. » On retrouve ces mêmes constats chez les autres administrateurs salariés. Ils arrivent à faire évoluer à la marge certaines décisions, améliorer le sort des salariés, convaincre les administrateurs indépendants de prendre en compte les questions sociales. Mais ils ne « participent pas pleinement à la définition de la stratégie de l’entreprise » (Alain Beullier, administrateur salarié d’Engie). Cédric Tassin, coordinateur CFDT chez Suez, abonde en ce sens : « Les administrateurs salariés permettent de faire passer la voix des salariés au conseil d’administration, mais ils ne peuvent pas véritablement peser. Ils font leur rôle, mais ils sont très limités dans leurs actions. L’intersyndicale a pu peser davantage dans cette affaire. »

La principale raison est leur nombre qui est trop faible. Ils sont trois sur 14 chez Suez (dont un représentant les salariés actionnaires), deux sur 13 chez Veolia. La seule entreprise où les administrateurs salariés ont été visibles, c’est chez Engie où ils sont quatre sur 13 (dont un représentant les salariés actionnaires – soit près d’un tiers). La presse a largement commenté le positionnement des administrateurs salariés, ce qui montre qu’ils ont pu avoir du poids. Si leur décision a été critiquée, c’est parce qu’ils sont suffisamment nombreux, mais aussi parce que les administrateurs représentant l’État ont pris un positionnement différent des autres administrateurs, pour des raisons politiques.

La représentation des salariés dans les entreprises européennes6N. Kluge et M. Stollt, « Administrateurs salariés et gouvernement d’entreprise : un élément-clé du modèle social européen », dans Aline Conchon et Marie-Noëlle Auberger (dir.), Les Administrateurs salariés et la gouvernance d’entreprise, Paris, La Documentation française, 2009, p. 81.
Aujourd’hui, en Europe, 17 pays7Jean-Louis Beffa et Christophe Clerc, « Les chances d’une codétermination à la française », Prismes, n°26, janvier 2013. ont un système de représentation obligatoire des salariés dans les conseils d’administration ou conseils de surveillance. Parmi eux, 13 ont une représentation des salariés a minima au tiers : Allemagne, Pays-Bas, Norvège, Danemark, Suède, Luxembourg, Irlande, Autriche, Slovénie, Slovaquie, Pologne, Hongrie, République tchèque.
La représentation française des salariés au conseil se distingue par les seuils des entreprises visées. En France, cela concerne uniquement les entreprises privées comptant plus de 1 000 salariés en France (ou plus de 5 000 au niveau mondial) et les entreprises publiques. Les autres pays ont des seuils allant de 25 (pour la Suède) à 500 salariés (pour l’Allemagne).
Elle se démarque également par la faible proportion des administrateurs salariés. Selon le dernier baromètre de l’IFA et Ethics & Board, les administrateurs salariés (ou représentants les salariés actionnaires) comptent pour 13,7% des membres du conseil d’administration des entreprises du SBF 1208Baromètre IFA – Ethics & Boards des conseils, Vers une gouvernance responsable et durable, juillet 2021.. Ils sont pourtant un tiers dans de nombreux pays européens9Patricia Crifo, et Antoine Rebérioux, La participation des salariés, Paris, Presses de Sciences Po, 2019.. L’Allemagne se distingue puisque pour les entreprises de plus de 2 000 salariés, les représentants du travail occupent la moitié du conseil d’administration. 

En finir avec l’idée que le conseil d’administration ne représente que les actionnaires

Si les administrateurs salariés peinent à faire valoir leur point de vue au sein du conseil d’administration, ce n’est pas uniquement parce qu’ils sont très peu nombreux, mais également parce que beaucoup des autres membres des conseils ou de la direction restent dans une vision « unitariste » de la gouvernance. C’est-à-dire qu’ils considèrent que le conseil d’administration est l’organe de gouvernance représentant les actionnaires de l’entreprise, en charge du contrôle du dirigeant. Les salariés seraient alors là seulement pour apporter un éclairage différent des décisions prises au sein du conseil.

C’est ce que révèle Sébastien Daziano, de la direction de Suez, qui indique que « le conseil est évidemment le représentant des actionnaires, mais il doit aussi concilier les intérêts de toutes les parties prenantes du groupe, y compris les salariés. Donc cela s’ajuste bien au fait d’avoir des représentants salariés. Ils aident le conseil à prendre des bonnes décisions. »

C’est aussi ce qu’on entend dans la déclaration du conseil d’Engie après l’offre de Veolia le 31 août 2021 : « Engie privilégiera la solution la plus attractive pour ses actionnaires, dans le respect des parties prenantes, et après prise en considération de la qualité du projet industriel. »

C’est pourtant une vision que la loi PACTE a rendue caduque. En modifiant l’article 1833 du Code civil pour indiquer que « l’entreprise est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux environnementaux et sociaux », la loi montre une porte de sortie à un gouvernement de l’entreprise tourné uniquement vers les actionnaires. De même que les administrateurs salariés ne sont pas là pour défendre les salariés (c’est le rôle du CSE de le faire), les administrateurs indépendants ne sont pas là pour défendre un certain type d’actionnaires. Ils doivent ensemble chercher ce qui constitue l’intérêt supérieur de l’entreprise.

Armand Hatchuel, professeur de gestion à Mines ParisTech et ardent défenseur d’une entreprise du « bien commun » ouverte à la société, explique que c’est le fait d’avoir une raison d’être statutaire qui doit permettre de repenser la responsabilité de l’ensemble des administrateurs. La raison d’être comporte des éléments qui peuvent bénéficier aux salariés comme aux actionnaires. Elle permet de concrétiser l’intérêt social de l’entreprise. Le conseil d’administration doit ainsi être le défenseur de la raison d’être de l’entreprise, qui est un moyen d’exprimer clairement le rôle de l’entreprise vis-à-vis de toutes ses parties prenantes.

Des divergences peuvent bien sûr avoir lieu sur la conception de ce qu’est l’intérêt social de l’entreprise et c’est pourquoi le multipartisme est nécessaire : il faut avoir des représentants des actionnaires et des salariés, qui sont les deux parties constituantes de l’entreprise. L’expression de ceux qui travaillent au sein de l’entreprise permet une diversité de points de vue et enrichit le processus de décision du conseil. Cela rejoint une recommandation du rapport Notat-Senard qui affirme en 2018 : « Les salariés doivent également être reconnus comme partie constituante de l’entreprise, car ils investissent dans l’entreprise par leur travail et subissent les risques de son activité10Jean-Dominique Senard et Nicole Notat, « L’entreprise, objet d’intérêt collectif », février 2018.. »

Le rôle-clé des administrateurs salariés est également souligné par Louis Schweitzer, le vice-président de Veolia et ancien PDG de Renault. Il explique que depuis quelques décennies, «toutes les améliorations de la gouvernance ont été faites au bénéfice des actionnaires. Les progrès de la gouvernance ont accompagné une financiarisation, du court-termisme et un pouvoir actionnarial qui est d’abord accroché au dividende, au cours de l’action, etc. Face à cela, le rôle des administrateurs salariés est plus important qu’avant. […] Cela équilibre le conseil. Cette tâche de rééquilibrage est importante parce que le poids des actionnaires a beaucoup augmenté. Si vous avez un administrateur salarié, vous êtes tellement minorisé que c’est impossible. Il en faut plusieurs. On peut discuter de si c’est deux, trois ou quatre. Un tout seul, ce n’est pas possible. »

Ainsi, pour poursuivre l’intérêt social de l’entreprise et pas l’intérêt d’une partie prenante seulement, il est important que les deux parties constituantes de l’entreprise – les salariés et les actionnaires – soient représentées dans les conseils de façon équilibrée. La poursuite de l’intérêt social de l’entreprise et de sa raison d’être ne peut se réaliser qu’avec une évolution de la gouvernance de l’entreprise pour y intégrer pleinement les salariés.

Une mission complexe au carrefour d’intérêts multiples

Au-delà du nécessaire renforcement des salariés au sein de la gouvernance des entreprises, les questionnements qui ont pu être soulevés sur le positionnement des administrateurs salariés mettent en avant la difficulté d’identification de leur rôle au sein de la gouvernance, d’autant plus dans un contexte où ils sont minoritaires.

Les administrateurs salariés sont une représentation du travail au sein du conseil d’administration

Une crainte importante au moment de l’ouverture des conseils d’administration aux salariés concernait leur posture revendicative. Le conseil est le lieu d’élaboration et de contrôle de la stratégie et n’est pas le lieu de défense des conditions de travail des salariés ou des défenses de l’emploi. Les administrateurs salariés n’ont pas la vocation à remplacer les instances qui existent déjà pour cela (les organisations syndicales ou les CSE) et cela semble avoir été bien intégré dans l’ensemble, notamment du fait de l’interdiction pour l’administrateur salarié de cumuler d’autres mandats11Art L 225-30 : Le mandat d’administrateur salarié est incompatible avec tout mandat de délégué syndical, de membre du comité d’entreprise, de membre du comité de groupe, de délégué du personnel ou de membre du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société. Il est également incompatible avec tout mandat de membre d’un comité d’entreprise européen, s’il existe, ou, pour les sociétés européennes, de membre de l’organe de représentation des salariés ou de membre d’un comité de la société européenne. L’administrateur qui, lors de son élection ou de sa désignation, est titulaire d’un ou de plusieurs de ces mandats doit s’en démettre dans les huit jours..

Les administrateurs salariés sont tout d’abord des administrateurs comme les autres. Ils ont donc vocation à rechercher avant tout l’intérêt social de leur entreprise. C’est ce qu’explique Alain Beullier, administrateur d’Engie : « J’ai deux priorités. La première, c’est la pérennité de l’entreprise. Cela nécessite d’avoir une croissance des emplois et des compétences, d’avoir une création de valeur… Ensuite, ce sont les salariés et leur condition de travail. » Ils apportent donc particulièrement une attention sur les conséquences sociales des choix faits au sein du conseil d’administration. Guillaume Thivolle, administrateur représentant les salariés actionnaires de Suez, explique qu’ils ont vocation à « aider la gouvernance à prendre les décisions dans l’intérêt de toutes les parties. Malheureusement, le conseil a tendance à réfléchir en fonction des actionnaires, en particulier des actionnaires minoritaires, beaucoup plus que des salariés ».

Les administrateurs salariés s’assurent donc de la prise en compte de l’intérêt des salariés, partie constituante de l’entreprise, qui les ont élus (de manière directe ou indirecte). Cependant, ils doivent plus largement défendre l’intérêt de l’ensemble des salariés des entreprises concernées. En particulier, on voit que la question de savoir comment protéger les salariés de Suez s’est posée pour les administrateurs salariés d’Engie. Ils ont fait des choix différents en votant pour, contre, ou ne prenant pas part au vote. Mais ils ont tous expliqué qu’ils ont dès le départ soulevé des questionnements vis-à-vis de la prise en compte des salariés de l’entreprise lors du choix de la cession. Cela est cohérent avec la nouvelle formulation de l’article 1833 du Code civil qui précise que la société doit être gérée en « prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux ».

La question posée est ensuite de savoir jusqu’où s’étend la responsabilité de l’entreprise et de son conseil vis-à-vis des conséquences de son activité. « C’est la grande question qui se pose dans la gouvernance des entreprises aujourd’hui. À quel point l’entreprise est-elle responsable de ses impacts sur la société, sur ses sous-traitants, sur les pollutions qu’elle occasionne, la façon de vivre qu’elle promeut, etc. », indique Pierre-Yves Gomez. Dans cet exemple, la question que doivent se poser les administrateurs d’Engie est la suivante : les conséquences de notre choix vont-elles engendrer de la casse sociale et comment l’éviter le cas échéant ? C’est autour de cette question que des avis différents se sont exprimés. Les désaccords ont lieu quant à la suffisance des garanties sociales exprimées par Antoine Frérot. Les administrateurs parrainés par la CFDT ont considéré qu’ils ne disposaient pas des éléments suffisants pour répondre à cette question tandis que les administrateurs de la CGT et de la CGC se sont chacun forgé un avis – respectivement négatif et positif. Chacun des administrateurs salariés semble avoir pesé les conséquences sociales de leur vote.

L’affiliation à une organisation syndicale : une richesse ou une source de complexité ?

Le positionnement différent des membres d’une même organisation syndicale a pu surprendre au cours de cette affaire. Le fait que l’administrateur parrainé par la CGC d’Engie vote pour la cession alors que l’organisation syndicale CGC Suez était très opposée peut paraître paradoxal. De même, on aurait pu s’attendre à ce que les administrateurs salariés CFDT d’Engie votent contre la cession puisque la CFDT Suez s’est opposée à l’OPA.

Les administrateurs interrogés indiquent qu’ils sont avant tout mandataires sociaux de leur entreprise, mais que leur appartenance à une organisation syndicale leur permet de défendre une certaine vision de l’intérêt général. Christophe Agogué, administrateur salarié CFE-CGC d’Engie, explique : « L’administrateur salarié agit avec des valeurs, en exprimant une fidélité aux opinions générales de sa fédération, tout en défendant l’intérêt social de l’entreprise et de ses salariés. Il doit veiller à ce que ces deux versants soient compatibles. En l’occurrence, la fédération CFE Energies était tout à fait en phase avec ce projet, moyennant bien sûr des garanties pour les salariés. » Ce dialogue avec leur fédération sur certains aspects stratégiques est nécessaire pour choisir de manière éclairée, bien que la décision finale leur revienne personnellement. Des échanges avec leur fédération respective ont également eu lieu pour tous les autres administrateurs salariés d’Engie.

Les administrateurs salariés sont explicites sur le fait qu’ils ne sont pas au conseil d’administration d’une entreprise pour défendre les intérêts de leur organisation syndicale. Franck Leroux, administrateur salarié de Veolia parrainé par la CGT, indique : « Je ne représente pas la CGT ni aucun syndicat. Je représente l’ensemble des salariés. Mais je peux bénéficier de l’avis des organisations syndicales de mon entreprise. »

L’appartenance à une organisation syndicale est par ailleurs utile pour pouvoir exercer au mieux leur mandat. Pierre-Yves Gomez explique : « Pour contribuer à un conseil d’administration, il faut détenir une certaine légitimité. On est face à des administrateurs qui sont supposés légitimes parce que ce sont des exécutifs ou des experts indépendants reconnus comme tels. Or les salariés sont en situation de subordination dans l’entreprise. C’est pourquoi, dans bien des cas, l’unique moyen pour pouvoir exister en étant pleinement administrateur, c’est de s’adosser sur la légitimité d’une centrale syndicale. »

La gouvernance des entreprises doit évoluer

Les administrateurs doivent avoir les moyens d’exercer pleinement leur mandat

Outre leur nombre insuffisant au sein du conseil d’administration, les administrateurs salariés interrogés indiquent plusieurs difficultés auxquelles ils font face au cours de leur mandat.

Renforcer la formation des administrateurs salariés

Hervé Deroubaix, coordinateur de la CFDT au sein de Veolia, pointe un enjeu quant à la posture à avoir quand on devient administrateur salarié : « Aujourd’hui, les administrateurs salariés sont pour la plupart des anciens syndicalistes. Ils ont l’habitude de discuter avec des DRH, mais n’échangent pas avec des grands patrons. L’approche à avoir n’est pas la même, il faut savoir parler de sujets nouveaux et approfondir les questions financières ainsi que les différentes stratégies de l’entreprise en essayant de faire le lien avec le social, l’emploi et la formation. »

Beaucoup d’administrateurs salariés expliquent que leur arrivée au conseil d’administration a été compliquée. « On n’a pas les codes », indique Guillaume Thivolle, administrateur représentant les salariés actionnaires de Suez. Enric Amiguet i Rovira, administrateur salarié espagnol de Suez, explique : « Quand je suis arrivé au conseil, ça a été très dur. Nous étions seuls, accompagnés par personne au sein du conseil d’administration. Nous avons dû batailler pour obtenir la formation, les documents nécessaires. Au départ, on nous refusait de faire la formation avec l’IFA (Institut français des administrateurs). » 

Si les administrateurs salariés semblent après quelques années au conseil avoir moins de difficulté à recevoir la formation qu’ils jugent nécessaire, on peut se demander si leur travail ne mériterait pas une formation plus poussée. Aujourd’hui, ils disposent de quarante heures par an pendant leur mandat. Christophe Clerc indique : « Leur formation pourrait être plus importante. Ils se retrouvent face à des gens qui sortent d’HEC ou de Polytechnique et qui sont montés dans les rangs du capitalisme d’entreprise. Il faudrait leur donner trois mois de formation. Ils seraient plus pointus dans leurs interventions. Tout le monde y gagnerait. » C’est un constat partagé par Nicolas Aubert et Xavier Hollandts qui affirment : « Il leur faut une formation solide sur les questions de finance, de stratégie, mais aussi de posture pour comprendre comment s’insérer dans un groupe déjà constitué. »

Une difficulté supplémentaire se pose pour les administrateurs salariés étrangers qui représentent les salariés européens ou des autres pays. Ils ont une plus-value et leur présence n’est pas à remettre en cause : par exemple, Amiguet i Rovira, administrateur salarié espagnol de Suez, est particulièrement vigilant concernant les garanties sociales hors de France. Il regrette que les bonnes garanties des salariés français ne soient pas étendues à tous les salariés du périmètre européen, et c’est un sujet qu’il a particulièrement porté au conseil. Cependant, cela amène d’autres difficultés. La barrière de la langue est pointée du doigt par beaucoup d’administrateurs. Il est par exemple plus compliqué pour Pavel Páša, qui a besoin d’un interprète, de peser lors des échanges. Par ailleurs, les cultures et les lois différentes nécessitent une formation spécifique. Il est compliqué d’envisager une intégration complète des salariés étrangers sans dispositifs adaptés pour prendre en compte au mieux leurs spécificités.

Participer à tous les comités spécialisés du conseil d’administration

Tous les conseils d’administrations disposent de trois ou quatre comités au sein desquels se fait une grande partie du travail. On retrouve habituellement les comités des nominations et des rémunérations, d’audit et risques, de la stratégie. Pour que les administrateurs salariés puissent participer pleinement aux travaux du conseil d’administration, ils doivent également être associés aux prises de décision. Cela passe par la participation à l’ensemble des échanges informels qu’il y a au sein du conseil, mais surtout que les comités du conseil leur soient accessibles. Agatta Constantini explique que lorsqu’elle est arrivée au conseil, « le conseil avait un côté chambre d’enregistrement. Tout se passe dehors, toutes les réunions sont préparées en amont. Je ne participais pas aux comités. Or si vous ne faites pas partie d’un comité, vous êtes là ou pour acter ou donner un avis négatif ». Son intégration dans les comités a finalement eu lieu après deux ans.

Aujourd’hui, seulement 67,4% des entreprises du SBF 120 ouvrent au moins un comité du conseil d’administration aux administrateurs salariés. Si c’est en nette amélioration (ce chiffre a gagné 10 points en un an), trop d’entreprises les écartent encore de leurs comités. Certains comités sont particulièrement exclus : seulement 32,6% des comités de nomination du SBF 120 comportent au moins un administrateur salarié, et 40% des comités de stratégie et/ou RSE et/ou d’investissement12Vers une gouvernance responsable et durable, Baromètre IFA – Ethics & Boards des conseils, juillet 2021..

Clarifier les règles d’échange avec leurs mandants

Rendre compte à leurs mandants et communiquer sur leur travail au sein du conseil d’administration est souvent compliqué pour les administrateurs salariés13« Le vécu des administrateurs salariés en France, place et rôle dans la gouvernance d’entreprise », Réalité du dialogue social, septembre 2020.. C’est parfois mal vécu par les différentes structures syndicales avec qui ils ont travaillé pour être élus. Hervé Deroubaix, coordinateur de la CFDT au sein de Veolia, explique : « Ils représentent les salariés dans un conseil d’administration, mais ils ne peuvent rien dire. Il y a là une ambiguïté qu’il va falloir lever. Oui, on ne peut pas tout dire selon les stratégies mises en place, mais aujourd’hui, on les enferme totalement dans le fait qu’ils ne peuvent rien dire alors que nous en apprenons souvent plus par la presse que par nos représentants des salariés. » Les freins qui leur sont opposés en matière de communication participent à leur manque de visibilité au sein des entreprises et à la méconnaissance de leur fonction. José Belo, coordinateur CFDT d’Engie, explique que chez Engie, seuls 15% des salariés participent à cette élection. Cela est dû « à leur manque de visibilité parmi les salariés et à leur interdiction de rendre compte aux salariés ».

C’est une question très sensible. Françoise Malrieu insiste sur le fait que la confidentialité est une condition sine qua non du bon déroulement d’un conseil d’administration, surtout dans le cadre des sociétés cotées. Elle reconnaît que les administrateurs salariés peuvent être dans une position difficile. Ce qu’il s’est passé chez Engie – où le résultat du vote a été rendu public – est préjudiciable pour tout le monde et n’aurait pas dû sortir dans la presse.

Il se pose en vérité deux questions. La première concerne l’explication de la stratégie choisie en conseil d’administration et la façon dont s’est positionné l’administrateur salarié vis-à-vis de celle-ci. Une fois rendue publique, il n’est pas problématique que l’administrateur s’exprime vis-à-vis de celle-ci auprès de ses mandants. Christophe Clerc, avocat à Descartes Legal, explique que lorsque l’information est publique, il est tout à fait possible pour l’administrateur d’expliquer quel a été son positionnement. Il conseille de ne pas retranscrire mot pour mot les débats, mais d’expliquer les valeurs et principes qui ont été exprimés par l’administrateur salarié. Si cette communication n’est pas interdite et permet de valoriser le rôle de l’administrateur salarié au sein des entreprises, il arrive malheureusement qu’elle ne soit pas acceptée au sein des entreprises où la pression peut être forte pour qu’ils gardent un complet silence. La seconde question concerne la concertation avec les élus syndicaux avant de s’exprimer sur un sujet. Ce sujet est plus sensible et moins accepté encore. Pourtant, comme l’expliquent Xavier Hollandts et Nicolas Aubert, « dans les faits, d’autres administrateurs communiquent vis-à-vis de leur donneur d’ordre. La même question peut se poser pour tous les administrateurs. Certains expliquent clairement qu’ils sont associés avec tel ou tel actionnaire ». De même que les administrateurs représentant l’État peuvent recevoir des consignes politiques avant un vote (comme ça a été le cas chez Engie), faut-il que les salariés puissent recevoir des consignes de leur syndicat avant de s’exprimer sur un sujet ? Un dialogue peut en tout cas s’avérer nécessaire sur certains sujets. Et si les administrateurs restent les derniers décisionnaires, un échange placé sous le sceau du « secret partagé » avec un autre élu syndical paraît raisonnable. Si certains administrateurs pratiquent déjà ces méthodes, il est important de clarifier les doctrines et bonnes pratiques à ce sujet. Il est par ailleurs unanimement reconnu que les administrateurs salariés sont très respectueux de la confidentialité des informations du conseil. Jean-Michel Severino explique par exemple que les administrateurs sont bridés par le devoir de confidentialité, qu’ils respectent très bien. Dans ses différentes expériences de participation à ces conseils, quand la confidentialité a été rompue, cela n’a jamais été le fait d’un administrateur salarié mais plutôt d’administrateurs indépendants.

Les administrateurs salariés, piliers de l’entreprise responsable

À l’heure de l’urgence climatique, de l’effondrement de la biodiversité et d’inégalités sociales criantes, les entreprises doivent être des acteurs majeurs de la transformation de nos modèles économiques. La gouvernance des entreprises doit pouvoir indiquer un cap clair qui respecte les limites planétaires et la justice sociale.

On peut se demander s’il faut des administrateurs référents sur la question écologique, ou plus largement des représentants des différentes parties prenantes au sein du conseil d’administration. Comme l’explique Olivier Favereau, économiste, « supposer que l’on puisse aller vers l’entreprise à mission sans modifier la gouvernance interne de l’entreprise, c’est absolument ingérable ». Cependant, il faut distinguer les parties constituantes de l’entreprise – que sont les actionnaires et les salariés – et les parties prenantes. Les premières ont pris des risques, en investissant leur capital ou leur temps de travail dans le projet collectif qu’est l’entreprise, et doivent donc être intégrées pleinement à sa gouvernance.

En revanche, les questions de développement durable doivent être pleinement intégrées dans les réflexions stratégiques du conseil et les administrateurs salariés doivent y être particulièrement vigilants. À l’heure où les salariés sont de plus en plus volontaires pour être acteurs de la transition écologique14Voir par exemple l’étude de l’ADEME et LinkedIn qui indiquent que 78% des salariés choisiraient à offre équivalente de rejoindre une entreprise engagée pour la transition écologique., leurs représentants doivent être pleinement intégrés à la gouvernance pour en être les porte-voix. C’est l’avis d’Olivier Favereau qui ajoute : « Il n’y aura pas de transition écologique sans passer à la codétermination. Les intérêts financiers doivent avoir un contrepoids fort dans la gouvernance de l’entreprise et les personnes qui ont le plus intérêt à ce qu’une entreprise ne saccage pas son environnement sont les salariés. » Ils doivent pour ce faire, mais c’est aussi le cas de l’ensemble du conseil d’administration, être formés aux enjeux de la transition écologique et solidaire.

Plus largement, ce sont l’ensemble des compétences des conseils d’administration qui doivent évoluer pour sortir d’une vision financiarisée de l’économie. José Belo, coordinateur CFDT d’Engie, indique qu’un des problèmes importants au sein des conseils d’administration est leur manque de diversité et leur manque de connaissance des enjeux industriels, techniques et de la réalité économique de l’entreprise. Il indique que les administrateurs salariés ont ces connaissances, mais qu’ils ne sont pas suffisamment écoutés. Une étude de 2019 d’Ernst & Young montrait qu’en France, les conseils d’administration et de surveillance sont dominés par les compétences en finance (51%) et en management (46%), alors qu’une expertise sur des sujets ESG (Environnement social gouvernance) n’était représentée qu’à hauteur de 19%. Les expertises des administrateurs, et notamment des administrateurs indépendants, doivent ainsi évoluer pour mieux prendre en compte les enjeux sociétaux et environnementaux.

Rodolphe Durand, professeur de stratégie à HEC, indique qu’il faut un changement de principe de gouvernance avec une plus grande responsabilisation des membres du conseil d’administration. « Les membres du conseil d’administration sont redevables auprès de la société de l’intérêt social de l’entreprise. À partir du moment où on dit ça, ce n’est pas la maximisation de la valeur pour l’actionnaire qui doit être la seule gouverne, mais bien l’intérêt social, la raison d’être de l’entreprise. Cela doit changer la nature des personnes nommées et leur degré de compétences. Il faut aller au-delà des membres indépendants qui sont nommés parfois sans véritablement pouvoir défendre l’intérêt de l’entreprise. » Il ajoute : « En promouvant l’intérêt de l’entreprise en tant qu’entité indépendante, on peut réfléchir à la constitution des conseils et au rôle des actionnaires qui votent pour un conseil compétent, qui a à cœur l’entreprise. De fait, des personnes issues de l’entreprise ont voix au chapitre, sans doute plus que des membres indépendants qui de fait n’ont pas d’accroche, d’information ou  de convictions suffisantes pour faire varier des décisions sur des mouvements stratégiques déterminants. »

Jean-Michel Severino, administrateur notamment de Danone, insiste sur l’importance de la diversité au sein d’un conseil. « Il faut des compétences techniques. Chez Danone, on doit avoir des personnes qui incarnent les connaissances en matière de science de la nutrition, on doit avoir un chercheur. Il faut également des connaisseurs des problèmes climatiques et de l’environnement, d’autres sensibles aux problèmes d’inégalités ou de genre. Il faut aussi des bons comportements, des profils psychologiques qui correspondent. Les compétences soft ont une grande importance. Il faut des personnes qui ont de l’humilité et de la sûreté de soi sans ego. Tout cela doit permettre d’aboutir à un groupe qui fonctionne de manière harmonieuse. »

Un autre changement à opérer pour s’assurer que les questions sociétales soient intégrées dans le projet de l’entreprise est l’ouverture de la gouvernance aux parties prenantes de l’entreprise et à des experts des questions environnementales ou sociétales. Jean-Michel Severino considère que c’est une bonne pratique pour les conseils d’administration de prendre le temps de manière régulière d’écouter des points de vue extérieurs. Cela peut passer par la création d’un comité ad hoc. C’est ce qui a été instauré dans le cadre de la loi PACTE pour les entreprises qui choisissent la qualité de société à mission. Ce comité de mission, qui doit être indépendant et pleinement intégré à la gouvernance, doit s’assurer que l’entreprise respecte les objectifs sociaux et environnementaux qu’elle se fixe.

Choisir la codétermination, c’est choisir la prospérité

L’intégration des salariés dans les conseils d’administration est bénéfique pour l’entreprise et l’économie et la société dans son ensemble. Le rapport Notat-Senard pointe que « les salariés sont attachés à la continuité de l’entreprise. Ils seraient également particulièrement préoccupés par la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux ». Il cite également une étude allemande qui met en lumière l’impact positif de la codétermination sur l’innovation, en mesurant le nombre de brevets déposés, avant et après la réforme allemande de 197615Kornelius Kraft, Jorg Stank et Ralf Dewenter, « Co-determination and innovation », Cambridge Journal of Economics, vol. 35, n°1, janvier 2011, pp.145-172..

La présence des administrateurs salariés est par ailleurs « positivement liée à la performance de l’entreprise16Xavier Hollandts, Zied Guedri et Nicolas Aubert, « Représentation du travail au conseil d’administration et performance de l’entreprise : une étude empirique sur le SBF 250 (2000-2005) », dans Aline Conchon et Marie-Noëlle Auberger (dir.), Les Administrateurs salariés et la gouvernance d’entreprise, Paris, La Documentation française, 2009. Par ailleurs, une enquête menée par Eurofound établit un lien des organisations de travail qui impliquent fortement les salariés dans les décisions, la motivation et le bien-être des salariés et l’atteinte de bonnes performances économiques : Eurofound, Work organisation and employee involvment in Europe, publications office of the European Union, Luxembourg, 2013. » et elle augmente la formation de capital et l’investissement des entreprises17Simon Jäger, Benjamin Schoefer et Jörg Heining, Labor in the boardroom, IZA, novembre 2019.. Vincent Vicard explique que la présence d’administrateurs salariés réduit les choix d’externalisation d’activités. Cela peut avoir un effet bénéfique pour la réduction des délocalisations. Par ailleurs, l’exemple de l’Allemagne montre que le pouvoir accru des salariés ne conduit pas à une augmentation de la rémunération du travail, mais aboutit à des performances similaires en matière de productivité et profitabilité18Vincent Vicard, Réindustrialisation et gouvernance des entreprises multinationales, CEPII, n°35, octobre 2020..

Leur participation avec voix délibérative permet également de donner davantage de place à la question du travail19Olivier Favereau et Roger Baudoin, Penser l’entreprise. Nouvel horizon du politique, Paris, Parole et silence, 2015, p. 86. et à la reconnaissance du capital humain dans le processus de création de valeur économique. La codétermination joue également le rôle de mécanisme d’assurance en période de crise qui protège contre les chocs20E. Han Kim, Ernst Maug et Christoph Schneider, Labor representation in governance as in insurance mecanism, ECGI, février 2014. et a des impacts bénéfiques sur la réduction des inégalités, la qualification de la main-d’œuvre.

Dix recommandations pour une gouvernance mieux partagée

La CFDT et la Fondation Jean-Jaurès, convaincues de la nécessité d’aller vers une gouvernance plus coopérative et plus ouverte sur la société, appellent à s’engager vers une codétermination à la française.

Les propositions ci-dessous ouvrent la voie à ce projet.

1/ Augmenter la proportion de représentants du travail dans les organes de gouvernance. L’administrateur salarié ne doit jamais être tout seul !

À partir de 1 000 salariés, les salariés devraient être au moins un tiers des membres du conseil. Ce seuil proposé par le rapport Gallois21Louis Gallois, Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, Paris, La Documentation française, 2012. est également un seuil courant en Europe.

Les plus grandes entreprises, à partir de 5 000 salariés, devraient pouvoir intégrer 50% de représentants des salariés dans leurs conseils22En Allemagne, c’est à partir de 2 000 salariés que les représentants des salariés composent 50 % du conseil d’administration..

2/ Abaisser le seuil de mise en place des salariés dans les conseils

À partir de 500 salariés, les entreprises devraient intégrer des représentants des salariés dans leur système de gouvernance (au moins 2 administrateurs salariés). D’autres pays ont des seuils plus bas, comme la Suède, la Norvège et le Danemark. 500 salariés est le standard allemand en vigueur depuis 1952.

3/ Généraliser la représentation dans les organes de gouvernance

La limite du système actuel est que seules certaines formes de sociétés ont l’obligation de mettre en place des administrateurs salariés. Les sociétés par actions simplifiées (SAS), les holdings (si au moins une de leurs filiales a des administrateurs salariés, la holding de tête n’est pas tenue d’en intégrer dans son conseil) en sont écartées.

4/ Ne pas déroger à l’exigence de féminisation des conseils

Toutes les sociétés, quel que soit leur statut, devraient agir pour intégrer davantage de femmes dans leurs conseils. La loi Copé-Zimmerman a permis de féminiser les conseils d’administration, mais certains types de sociétés, à l’instar des SAS, ne sont pas tenues par cette obligation. Il ne devrait plus être possible pour les SAS d’échapper à l’obligation de parité relative des conseils23La loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, qui prévoit la parité relative dans les conseils à partir de 2017, ne s’applique pas aux SAS.. Il faudrait imposer cette parité lorsqu’un organe collégial est prévu par les statuts de la SAS.

5/ Autoriser les administrateurs salariés à participer à tous les comités du conseil d’administration

Il est encore courant que les administrateurs salariés soient écartés de quelques comités spécialisés24« Le vécu des administrateurs salariés en France, place et rôle dans la gouvernance d’entreprise », art. cit.. En étant un tiers ou la moitié, ils doivent pouvoir se répartir dans chacun des comités.

6/ Mettre en place une formation certifiante et robuste pour devenir administrateur salarié

Les administrateurs salariés devraient recevoir une solide formation avant d’exercer leur mandat. Elle doit comporter des connaissances techniques (financières, stratégiques, sur la RSE…) et de forme (rôle d’un conseil d’administration, positionnement d’un administrateur salarié, posture à rechercher…).

7/ Promouvoir plus de diversité des compétences au sein des conseils d’administration

Les compétences et les profils des administrateurs (salariés ou non) devraient être variés. En particulier, il est nécessaire que les administrateurs possèdent des connaissances reconnues sur les sujets environnementaux, sociaux et sociétaux.

8/ Clarifier les règles de communication entre les administrateurs salariés et les autres représentants du personnel

L’administrateur salarié tire la légitimité de son mandat des salariés. Il est nécessaire qu’il puisse entrer en communication avec eux et leurs représentants de façon à pouvoir au mieux représenter les enjeux du travail au sein du conseil d’administration.

Il apparaît en outre important, tout en respectant la confidentialité des informations, qu’il puisse rendre compte aux salariés au cours de son mandat. La loi dit que n’est soumis au pouvoir de discrétion que ce qui est présenté comme étant confidentiel et qui est par nature confidentiel.

Dans la mesure où les administrateurs salariés et les représentants des salariés dans les institutions représentatives du personnel sont soumis à un devoir de confidentialité, un partage d’informations devrait pouvoir être prévu dans le cadre d’un secret partagé.

Aujourd’hui, les pratiques sont très différentes en fonction des entreprises (par exemple certains font des lettres d’information aux salariés alors que d’autres ne sont pas autorisés par l’entreprise)25Ibid.. Il s’agit donc d’harmoniser ces pratiques.

9/ Établir un code de gouvernance pour les administrateurs salariés

À l’instar du code Afep-Medef, ce code de gouvernance devra servir à clarifier les droits et devoirs de l’administrateur salarié. Il pourra aborder les enjeux liés à sa formation, ses relations avec les IRP de son entreprise et son organisation syndicale, son positionnement au sein du conseil, etc.

10/ Assurer un dialogue entre la gouvernance de l’entreprise et les parties prenantes externes

Si ce sont les parties constituantes (actionnaires, salariés) qui doivent d’abord être représentées dans les conseils d’administration, ces dernières doivent dialoguer avec leurs parties prenantes externes.

Les séminaires stratégiques des CA constituent un moment privilégié pour aborder de manière centrale les questions sociétales. Des parties prenantes de l’entreprise peuvent y être fort opportunément associées.

Les entreprises peuvent se doter un comité de parties prenantes ou comité de mission, qui entretient un lien régulier avec le conseil d’administration, pour associer pleinement les attentes sociétales vis-à-vis de l’entreprise.

Les administrateurs salariés de Veolia, Suez et Engie au cœur de projets divergents

Le 31 juillet 2020, Engie annonce une revue stratégique de ses actifs et en particulier la vente de sa participation dans Suez, afin de dégager les capitaux nécessaires pour accélérer sa transition énergétique. Un mois plus tard, Veolia se déclare intéressé par le rachat du capital de son concurrent et transmet une offre à Engie de rachat de 29,9% des actions de Suez. Le conseil d’administration, la direction générale et les organisations syndicales de Suez s’opposent fortement à la fusion entre les deux leaders mondiaux des services à l’environnement. Une offre alternative des fonds Ardian et GIP est sollicitée et soutenue par la direction de Suez et son conseil d’administration. Celle-ci ne verra pas le jour à temps : le 5 octobre, jour du conseil d’administration d’Engie, une seule offre sera sur la table pour le rachat de Suez : celle de Veolia. Le conseil vote et accepte l’offre en cédant 29,9% du capital de Suez. Veolia annonce alors sa volonté de procéder à une OPA.

Après des mois de polémiques publiques et de contentieux juridique, les conseils d’administration des deux groupes ont annoncé le 12 avril un projet d’accord sur les conditions de rapprochement entre les deux groupes qui a été présenté à leurs assemblées générales respectives avant la fin du mois de juin. Cet « Accord du Bristol » a entériné le rachat de près de 60% de Suez par Veolia, qui sera présent sur cinq continents dans l’eau, les déchets et l’énergie, avec un chiffre d’affaires de 37 milliards. Suez, de son côté, conserve la totalité de ses activités en France ainsi que quelques activités à l’étranger, avec un chiffre d’affaires de 7 milliards d’euros (contre 17 avant l’opération). Le 30 juin 2021, l’Assemblée générale de Suez a validé cet accord avec Veolia.

Engie

Les administrateurs salariés d’Engie ont dû se positionner sur la cession des participations chez Suez à Veolia. Ils sont trois administrateurs salariés, parrainés par trois organisations syndicales différentes : Alain Beullier est parrainé par la CFDT, Philippe Lepage par la CGT et Christophe Agogué par la CFE-CGC. Un administrateur représentant les salariés actionnaires est également membre du conseil d’administration. Il s’agissait début octobre de Christophe Aubert, également parrainé par la CFDT (il a depuis été remplacé). Le conseil d’administration est complété par trois administrateurs représentant l’État actionnaire ainsi que cinq administrateurs indépendants et Jean-Pierre Clamadieu, le président du groupe.

Engie a entériné en juillet 2020 une nouvelle stratégie. Le groupe souhaite se recentrer sur ses activités d’énergéticien et accélérer sa transition énergétique, en misant sur un développement dans les énergies renouvelables et les infrastructures décentralisées. Il envisage pour cela de dégager un certain nombre de capitaux et de se séparer de plusieurs actifs, dont sa participation chez Suez. La communication de son président était relativement explicite à ce propos fin juillet 2020 lors de l’annonce de la stratégie qui avait été entériné à l’unanimité au sein du conseil d’administration.

Quand Veolia se déclare intéressé pour le rachat de la participation chez Suez, tout le monde sait que cette cession s’inscrit dans le cadre d’une OPA. Se pose alors la question de la responsabilité d’Engie vis-à-vis de Suez et de ses salariés.

Du côté de l’administrateur parrainé par la CGT, Philippe Lepage, sa position est claire : il s’oppose à l’OPA. « Je me suis penché dans les archives et la presse économique qui concerne les fusions entre égaux, j’ai en souvenir la fusion GDF Suez, Alstom et General Electric, Areva et Siemens. Je suis opposé à cette OPA. » Il vote donc contre la cession en expliquant par une déclaration annexée au PV qu’il s’oppose à une OPA hostile et agressive et que malgré la loi PACTE, c’est la preuve que l’on est encore loin du capitalisme des parties prenantes.

L’administrateur parrainé par la CFE-CGC, Christophe Agogué, explique de son côté que la cession de la participation d’Engie chez Suez est en cohérence avec la stratégie du groupe de réallocation de ses investissements. Au moment de la réception de l’offre de Veolia, le conseil devait selon lui regarder si le prix était conforme à la valorisation de Suez et attendre une éventuelle offre concurrente. Après une revalorisation du prix proposé et un délai supplémentaire pour attendre une éventuelle contre-offre (qui n’aura pas eu le temps d’émerger), le conseil d’administration a voté et Christophe Agogué s’est exprimé en faveur de la cession, laquelle était conforme à l’intérêt social du groupe et comportait un volet d’engagements sociaux.

Les deux administrateurs parrainés par la CFDT, Alain Beullier et Christophe Aubert, expliquent avoir été dès le départ vigilants à l’intérêt social du groupe Engie et au sort des salariés de Suez. Ils ont demandé, en cas de cession, à avoir des garanties sociales ambitieuses pour les salariés – garanties qu’ils ont obtenues de la part de Veolia. En tant que mandataires sociaux de l’entreprise, ils doivent prendre en compte son intérêt social et celui des salariés, qui était de réaliser la cession au prix le plus avantageux possible et en ce sens, ils ont considéré que l’offre de Veolia était bonne. Après avoir obtenu ce qu’ils attendaient, ils ont décidé qu’ils ne pouvaient pas voter contre le projet. Cependant, ils entendaient les craintes pour l’emploi des salariés et l’opposition importante des organisations syndicales de Suez. Ils ont décidé, en concertation avec leur fédération syndicale, qu’ils ne pouvaient pas valider la cession et donc implicitement l’OPA. Ainsi, Alain Beullier et Christophe Aubert ont choisi de ne pas prendre part au vote.

Suez

Le conseil d’administration de Suez comporte deux administrateurs salariés : Agatta Constantini qui est élue par le comité de groupe France et parrainée par la CGT et Enric Amiguet i Rovira, salarié et adhérent à une organisation syndicale espagnole. Il comporte également un administrateur représentant les salariés actionnaires qui n’est pas membre d’une organisation syndicale, Guillaume Thivolle.

Le conseil d’administration de Suez et ses dirigeants se sont exprimés très rapidement en défaveur de l’OPA par Veolia. Il semble qu’il y avait un fort consensus à ce propos au sein du conseil. Bertrand Camus, le directeur général de Suez, explique par exemple le 6 septembre 2020 que cette opération serait « aberrante pour Suez et funeste pour la France »26« Bertrand Camus : “L’opération proposée par Veolia est aberrante pour Suez et funeste pour la France” », Le Figaro, 6 septembre 2020..

Les administrateurs salariés ont ainsi beaucoup travaillé avec le conseil d’administration pour résister à l’OPA. Agatta Constantini, administratrice salariée qui a été membre du comité ad hoc au sein du conseil chargé d’apporter une réponse à l’OPA, explique que pendant toute cette période, les administrateurs salariés ont eu un apport important : « On permettait de faire remonter tout ce qui se passait sur le terrain et de faire le lien avec l’intersyndicale. »

C’est lors de l’Accord du Bristol que le consensus entre les organisations syndicales, le conseil d’administration et la direction s’est rompu. La direction et les administrateurs indépendants ont acté la vente : l’action était à un prix suffisamment élevé, le périmètre du groupe était satisfaisant. La bataille ne pouvait plus durer. « Au bout de neuf mois de défense, nous étions arrivés à un moment de forte incertitude. Signer un accord était une façon de concilier les intérêts des actionnaires, des clients et des salariés tout en préservant la marque Suez et une entité pesant pour sept milliards de chiffre d’affaires, plus de 35 000 salariés, et donc en mesure de poursuivre son développement », explique Sébastien Daziano, directeur de la coordination exécutive du groupe Suez.

Cela n’était pas au goût des administrateurs salariés qui considèrent que l’accord conclu a été une « trahison au corps social » et qu’il profite « aux actionnaires et non aux salariés », pour reprendre les mots d’Agatta Constantini. Ils se sont donc opposés avec virulence à l’accord, mais n’ont pas été en mesure de peser. L’administrateur représentant les salariés actionnaires, Guillaume Thivolle, a également fait part de sa déception. Il a eu un positionnement proche des administrateurs salariés : « On n’a pas réussi à mettre en avant la défense des salariés du groupe, parce que les intérêts financiers étaient extrêmement pressants et puissants. »

Veolia

Veolia a deux administrateurs salariés : un administrateur élu par le comité de groupe France, Franck Leroux, parrainé par la CGT, et un administrateur tchèque élu par le comité européen, Pavel Páša.

Franck Leroux explique qu’il ne s’est pas positionné sur l’ensemble du projet car le conseil était unanime sur le fait que le rapprochement de Suez et Veolia était positif pour le groupe et l’avenir. Il s’est donc positionné sur la partie sociale en demandant des garanties sociales pour les salariés des deux groupes : de Suez et de Veolia. Il sait qu’il va y avoir des doublons dans les fonctions support. Il a donc exigé que les salariés soient accompagnés. Il a également insisté sur le fait que le prix proposé ne devait pas être trop élevé pour ne pas pénaliser les salariés à qui on demanderait plus d’effort le cas échéant. Pavel Páša a, quant à lui, manifesté son intérêt pour le projet tout en indiquant un certain nombre de craintes quant aux conséquences sociales.

Les administrateurs salariés reconnaissent ne pas avoir eu un rôle déterminant dans la définition de ce projet porté par le PDG du groupe, Antoine Frérot. Ils indiquent qu’avoir mis les questions sociales sur la table du conseil a permis aux autres administrateurs plus sensibles aux questions sociales de les soutenir, et au premier rang desquels Antoine Frérot : « Il faut qu’on soit là pour porter ces positions, pour qu’il puisse ensuite les soutenir devant tout le conseil », explique Franck Leroux.

Outre ces demandes sur les garanties sociales, les administrateurs salariés n’ont eu que peu l’occasion de faire entendre le point de vue sur le contour de ce projet et les négociations avec Suez. C’est une fois que l’accord sera signé et que ses dispositions seront mises en place que les administrateurs salariés seront vigilants. Ils veilleront pour qu’il n’y ait pas de casse sociale et que l’intégration des salariés se passe au mieux.

Annexe

Nous remercions l’ensemble des personnes suivantes d’avoir répondu à nos questions et d’avoir apporté leurs points de vue et ainsi contribué à cette réflexion collective.

Suez :

  • Agatta Constantini, administratrice salariée (CGT)
  • Sébastien Daziano27Sébastien Daziano a depuis rejoint Veolia. et Pierre Maurin, respectivement directeur et directeur adjoint de la Coordination exécutive et de la sûreté groupe
  • Guillaume Thivolle, administrateur représentant les salariés actionnaires
  • Enric Amiguet i Rovira, administrateur salarié
  • Cédric Tassin, coordinateur CFDT Suez

Veolia :

  • Louis Schweitzer, vice-président, administrateur indépendant
  • Pavel Páša, administrateur salarié
  • Franck Leroux, administrateur salarié (CGT)
  • Hervé Deroubaix, ancien responsable syndical CFDT de Veolia et secrétaire du comité européen, actuel SG du Syndicat national du personnel de l’eau et de l’assainissement (SNPEA)

Engie :

  • Claire Waysand, secrétaire générale
  • Christophe Agogué, administrateur salarié (CGC)
  • Philippe Lepage, administrateur salarié (CGT)
  • Alain Beullier, administrateur salarié (CFDT)
  • Christophe Aubert, ancien administrateur représentant les salariés actionnaires (CFDT)
  • Françoise Malrieu, administratrice indépendante
  • José Belo, coordinateur CFDT Engie

Experts :

  • Olivier Favereau, économiste à l’Université Paris X
  • Christophe Clerc, avocat à Descartes Legal
  • Pierre-Yves Gomez, professeur de stratégie à l’EM Lyon
  • Armand Hatchuel, professeur de gestion à Mines Paristech
  • Rodolphe Durand, professeur de stratégie à HEC
  • Xavier Hollandts, professeur de gestion à Kedge Business School, et Nicolas Aubert, professeur de finance à l’Université d’Aix-Marseille (IAE)
  • Jean-Michel Severino, ancien directeur général de l’AFD, administrateur de Danone, Orange, Michelin
  • 1
    Second rapport du comité de suivi et d’évaluation de la loi PACTE, France Stratégie, décembre 2020.
  • 2
    Article L225-23 du Code du commerce.
  • 3
    C’est le cas pour Engie et Suez.
  • 4
    La présence d’administrateurs salariés au conseil d’administration, série Cahiers pour la réforme, Institut français de gouvernement des entreprises (IFGE/EM Lyon), 2005.
  • 5
    Jean-Dominique Senard et Nicole Notat, « L’entreprise, objet d’intérêt collectif », février 2018.
  • 6
    N. Kluge et M. Stollt, « Administrateurs salariés et gouvernement d’entreprise : un élément-clé du modèle social européen », dans Aline Conchon et Marie-Noëlle Auberger (dir.), Les Administrateurs salariés et la gouvernance d’entreprise, Paris, La Documentation française, 2009, p. 81.
  • 7
    Jean-Louis Beffa et Christophe Clerc, « Les chances d’une codétermination à la française », Prismes, n°26, janvier 2013.
  • 8
    Baromètre IFA – Ethics & Boards des conseils, Vers une gouvernance responsable et durable, juillet 2021.
  • 9
    Patricia Crifo, et Antoine Rebérioux, La participation des salariés, Paris, Presses de Sciences Po, 2019.
  • 10
    Jean-Dominique Senard et Nicole Notat, « L’entreprise, objet d’intérêt collectif », février 2018.
  • 11
    Art L 225-30 : Le mandat d’administrateur salarié est incompatible avec tout mandat de délégué syndical, de membre du comité d’entreprise, de membre du comité de groupe, de délégué du personnel ou de membre du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société. Il est également incompatible avec tout mandat de membre d’un comité d’entreprise européen, s’il existe, ou, pour les sociétés européennes, de membre de l’organe de représentation des salariés ou de membre d’un comité de la société européenne. L’administrateur qui, lors de son élection ou de sa désignation, est titulaire d’un ou de plusieurs de ces mandats doit s’en démettre dans les huit jours.
  • 12
    Vers une gouvernance responsable et durable, Baromètre IFA – Ethics & Boards des conseils, juillet 2021.
  • 13
    « Le vécu des administrateurs salariés en France, place et rôle dans la gouvernance d’entreprise », Réalité du dialogue social, septembre 2020.
  • 14
    Voir par exemple l’étude de l’ADEME et LinkedIn qui indiquent que 78% des salariés choisiraient à offre équivalente de rejoindre une entreprise engagée pour la transition écologique.
  • 15
    Kornelius Kraft, Jorg Stank et Ralf Dewenter, « Co-determination and innovation », Cambridge Journal of Economics, vol. 35, n°1, janvier 2011, pp.145-172.
  • 16
    Xavier Hollandts, Zied Guedri et Nicolas Aubert, « Représentation du travail au conseil d’administration et performance de l’entreprise : une étude empirique sur le SBF 250 (2000-2005) », dans Aline Conchon et Marie-Noëlle Auberger (dir.), Les Administrateurs salariés et la gouvernance d’entreprise, Paris, La Documentation française, 2009. Par ailleurs, une enquête menée par Eurofound établit un lien des organisations de travail qui impliquent fortement les salariés dans les décisions, la motivation et le bien-être des salariés et l’atteinte de bonnes performances économiques : Eurofound, Work organisation and employee involvment in Europe, publications office of the European Union, Luxembourg, 2013.
  • 17
    Simon Jäger, Benjamin Schoefer et Jörg Heining, Labor in the boardroom, IZA, novembre 2019.
  • 18
    Vincent Vicard, Réindustrialisation et gouvernance des entreprises multinationales, CEPII, n°35, octobre 2020.
  • 19
    Olivier Favereau et Roger Baudoin, Penser l’entreprise. Nouvel horizon du politique, Paris, Parole et silence, 2015, p. 86.
  • 20
    E. Han Kim, Ernst Maug et Christoph Schneider, Labor representation in governance as in insurance mecanism, ECGI, février 2014.
  • 21
    Louis Gallois, Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, Paris, La Documentation française, 2012.
  • 22
    En Allemagne, c’est à partir de 2 000 salariés que les représentants des salariés composent 50 % du conseil d’administration.
  • 23
    La loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, qui prévoit la parité relative dans les conseils à partir de 2017, ne s’applique pas aux SAS.
  • 24
    « Le vécu des administrateurs salariés en France, place et rôle dans la gouvernance d’entreprise », art. cit.
  • 25
    Ibid.
  • 26
    « Bertrand Camus : “L’opération proposée par Veolia est aberrante pour Suez et funeste pour la France” », Le Figaro, 6 septembre 2020.
  • 27
    Sébastien Daziano a depuis rejoint Veolia.

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