La crise syrienne dure depuis plus d’un an. De par sa profondeur et ses ramifications, tout porte à croire qu’elle restera un sujet central de l’action diplomatique du prochain quinquennat. Alya de Postis dresse un état des lieux de la situation et imagine les scénarios possibles d’évolution de cette crise.
Mosaïque de communautés ethniques et religieuses, la Syrie est dominée depuis plus de quarante ans par un petit cercle de personnes toutes issues de la minorité alaouite du pays. Ainsi, l’échiquier syrien est souvent présenté de manière hâtive comme relevant avant tout d’un combat entre une minorité religieuse (les Alaouites et les Chrétiens) et une majorité musulmane sunnite.
A l’échelle régionale, les sunnites font de la Syrie l’une des pierres angulaires de l’influence de Téhéran dans la région. Sa déstabilisation leur offre ainsi une formidable opportunité de casser l’influence iranienne et chiite du Golfe de la Méditerranée.
Cependant, la grille de lecture exclusivement confessionnelle (relayée et renforcée par les médias régionaux) ne permet pas d’appréhender la crise syrienne dans toute sa complexité, ni de dégager des solutions qui permettraient à terme d’aboutir à un changement de régime. Ainsi, l’implication non-violente des jeunes se définissant avant tout par la volonté de vivre ensemble dans une Syrie unie et débarrassée d’Al-Assad n’est presque jamais évoquée, alors que celle-ci représente une force de déstabilisation des plus menaçantes pour le régime.
Il est clair que le régime syrien comme son opposition islamiste sunnite ont intérêt à « confessionnaliser » le conflit afin de le confisquer à leur profit. Il s’agit pour Al-Assad de capitaliser sur la peur des minorités religieuses, et même une partie de la population musulmane sunnite (n’ayant pas envie de voir un régime sous influence wahhabite s’installer à Damas). Cela permet également au régime de bénéficier du soutien des monarchies sunnites, mais aussi de la Turquie, tandis que l’opposition islamiste capitalise sur l’antagonisme sunnite-chiite, problématique sensible en Syrie.
A tout point de vue, les perspectives d’une guerre civile, de plus en plus certaine, font le jeu du régime. A travers cet état des lieux, comment arrêter ce processus ? Quels sont les développements possibles ? Plusieurs scénarios peuvent être évoqués.
Le premier (qui semble prévaloir mais qui a peu de chance d’aboutir à un apaisement durable de la situation) est celui du prolongement de la situation et la poursuite des actions engagées ces derniers mois, à savoir la combinaison des actions diplomatiques et des sanctions envers les responsables civils et militaires du régime.
Le deuxième serait la mise en œuvre du Plan Annan, demeurant pour le moment la seule tentative un peu crédible qui réunit les principaux acteurs de la tragédie syrienne.
Un autre scénario serait celui d’une intervention limitée de la Turquie, qui a une carte à jouer dans la région.
La partition et la fragmentation de la Syrie sur une base confessionnelle ne sont pas à exclure, le régime pouvant se replier dans la montagne alaouite.
Enfin, une intervention militaire multinationale en Syrie semble, à la vue du contexte actuel et des rapports de forces internes et internationaux, plutôt irréaliste, bien que des frappes ciblées sous l’égide de l’ONU et l’OTAN peuvent être proposées, à condition d’obtenir l’autorisation du Conseil de Sécurité, hors de portée pour le moment.
Dans le cas de la France, celle-ci devra soutenir fermement le « Plan Annan », développer le partenariat avec la Russie, soutenir les différents éléments de la société civile syrienne, prendre la mesure des intérêts du Qatar et de l’Arabie Saoudite, et enfin renforcer rapidement et significativement les sanctions ciblées en cas d’échec du Plan Annan.